Dimanche, 13h 30. La crise qui secoue le football dans le Littoral vient de franchir un nouveau palier. Alors que la Kadji sport academy (Ksa) et Sahel, les deux clubs qui devaient livrer au stade de la Réunification s’échauffent, As Babimbi et Bao Fc, deux équipes de deuxième division sont sur l’aire de jeu pour « un match amical qui doit aboutir sur une compétition internationale », explique Jean Marie Baone, président de Dynamo. À la main courante, deux autres clubs attendent pour livrer le second match.
« Nous avons l’autorisation pour occuper le terrain jusqu’à 16h », explique l’un des organisateurs de ces matches. Question : comment des équipes de D2 (non affiliés à la ligue du Littoral cette saison) peuvent venir occuper le principal stade de Douala un dimanche (avec des arbitres qui ont raté leur test) alors que deux rencontres de D1 sont programmées le même jour ?
Un stadier de la Réunification raconte : « ce matin vers 11h30, quelques dirigeants des clubs de D2 sont venus nous dire qu’ils avaient l’autorisation pour venir jouer. Et comme ils n’ont pas pu présenter ledit document, nous leur avons interdit l’entrée. C’est alors que trois [sic] de ces dirigeants ont cassé les cadenas [sic] pour ouvrir les portes du stade. C’est ainsi que les joueurs des quatre clubs de D2 sont entrés dans le terrain ». La direction du stade, gardant un silence inquiet, n’a pas interdit ces clubs de livrer leurs ‘’amicaux » puisque la première partie du premier s’est déroulée sans incident.
Le diktat de la D2
14h10. les joueurs de KSA et de Sahel sous la conduite des arbitres (Ac : bodo Ndzomo, A1 : Effa Engelbert, A2 :Enyegue Pierre, A4 :Nteme Thérèse, com : Biaka Francis) contournent l’aire de jeu pour se retrouver face à la tribune d’honneur. Entre temps, le public force les portes d’entrée du stade et envahissent les gradins. Une vendeuse de tickets témoigne : « le billeteur nous a remis les tickets pour vendre. Comme les gradins se remplissaient alors qu’on n’a vendu aucun billet, nous sommes allés remettre ces billets à la direction de stade ». Pendant ce temps, quelques individus non identifiés enlèvent précipitamment les filets et les poteaux de corner (geste très important qui aura des conséquences incalculables sur la suite de l’affaire).
14h15. le public hue les joueurs de As Babimbi et Bao Fc qui livrent tranquillement leur match alors qu’une partie du stade est déjà occupée par les forces de l’ordre et les joueurs de D1. La minute d’après, les ‘’hooligans » (version tropicale) grimpent les grillages, et envahissent l’aire de jeu. La rencontre s’arrête en queue de poisson. Les forces de l’ordre, arrivées au stade entre temps, engagent les pourparlers avec les organisateurs de ces matches de D2. Non convaincus par les arguments brandis par ces derniers, les policiers les ordonnent de sortir du stade. Dirigeants et joueurs de D2 obtempèrent. Il est 15h et le premier match de D1 qui devrait commencer à 14h ne peut démarrer. « Les filets et les poteaux de corner sont enfermés dans les bureaux du directeur du stade, Mandjeck Grebert, qui est déjà parti », souffle un contrôleur de billet qui a requis l’anonymat. 17h. Certains joueurs de D1 sont déjà en tenue de ville. Le public quitte le terrain. Déçus. Est-ce à dire que les dirigeants du stade ont choisi de cautionner ce match amical au lieu de permettre que les rencontres de D1 se déroulent ? « Non ! Poursuit notre contrôleur. Une partie d’entre nous, sont derrières les radiés du Littoral [Abraham Tchato, Joseph Lima, Mbappé Essoka, ex-dirigeants de la ligue du littoral radiés en janvier dernier par la Fécafoot, ndlr]. »
L’ombre des ‘’radiés » plane
Radiés ! Voici la pomme de discorde qui est à l’origine de ce méli-mélo dans le Littoral. Certaines personnes affirment avoir vu l’un de ces radiés assis dans un cabaret en face du stade. Alors que l’embrouillamini régnait sur l’aire de jeu. Certains y voient la main des radiés dans ce blocage (puisque c’est de ça qu’il s’agit) de la reprise du championnat dans le Littoral. Des comportements de certains d’entre eux montraient clairement leur souhait de bloquer les activités de la ligue.
Il y a de cela deux semaines, alors que le tirage au sort des préliminaires pour les combinaisons de la coupe du Cameroun se déroulait dans le Littoral, Mbappe Essoka, ex-Secrétaire général de la ligue, un des radiés, a fait irruption dans les locaux avec des gros bras pour faire obstacle au programme. Il a fallu l’intervention énergétique des forces de l’ordre pour ramener le calme. La semaine dernière, c’est Abraham Tchato, ci-devant ex Trésorier, lui aussi radié, s’est vertement pris à Cyrille Kemegne, un journaliste de la radio nationale, de critiquer leur méthode. Des radiés qui ont d’ailleurs un soutien (infaillible ?) dans la province du Centre à travers Essomba Eyenga (président du Tkc) et Louis Marie Ondoa (membre du bureau exécutif de la Fécafoot). Ce dernier lors d’une conférence organisée en début de ce mois pour critiquer la méthode du président de la Fécafoot, Iya Mohammed, avait invité aux premières loges… les radiés du Littoral.
Par ailleurs, Grébert Mandjeck, directeur des stades de Douala, a joué un rôle pour le moins trouble dans ce blocage de la 16è journée dans le Littoral. Comment expliquer qu’il garde un silence suspect devant le désordre de ce dimanche dans le stade dont il est le responsable. Comment comprendre que des clubs de D2 jouent des matches amicaux au stade de la Réunification alors que la procédure pour que des rencontres de D2 s’y déroulent est très complexe ?
Un mémorandum à la Fifa
L’explosion de la crise du football camerounais trouve un terrain fertile dans le Littoral et à Douala en particulier, réputée ville frondeuse. Aucun dirigeant de la Fécafoot n’était visible au stade de Douala ce dimanche. Pour le moment, dans les couloirs de l’instance faîtière du football, on se contente de dire que les matches de Douala de ce jour sont reportés sine die. Cette crise n’est qu’une image d’un football national jonchée de lutte d’intérêts. Au point où le quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune , très frileux dans le traitement de certaines informations a titré vendredi dernier : « Fécafoot : le jeu se durcit, des membres dirigeants de l’institution ont adressé un mémorandum à la Fifa pour réclamer le départ du président Iya Mohammed ». Thomas Nkono, mythique gardien des Lions indomptables de passage à Douala, témoin du triste spectacle de ce dimanche à Douala déclare : « c’est maintenant qu’on comprend pourquoi le Cameroun n’est pas qualifié pour la coupe du monde ou que les Lions soient rentrés précipitamment de la Can. Il y a des individus qui sacrifient toute une génération de jeunes pour satisfaire leurs intérêts ».
Eric Roland Kongou, à Douala