Les sorties de Coton Sport sur la scène africaine sont nombreuses depuis son accession à l’élite. L’équipe bénéficie d’un environnement de travail des plus sains et d’un portefeuille assez fourni. Quelles sont les raisons de leur échecs successifs en Afrique ?
24 heures après la sortie « précoce » de l’équipe en prime de la province du Nord de la Champions league africaine, les commentaires à Garoua faisaient les choux gras des raisons de cette nième élimination. Le champion du Cameroun en titre avait été battu à l’aller à Lubumbashi par le Fc Saint Eloi Lupopo sur le score d’un but à zéro et a réalisé un match nul vierge au match retour. Au petit marché qui effleure l’entrée de la direction générale de la Sodecoton (Société de développement du Coton), le sujet est sur toutes les lèvres.
Une affaire de moyens financiers ?
Des employés en parlaient avec une certaine amertume. La déception se lisait sur leur visage. « Chaque fois, on est toujours éliminé. Depuis 10 ans, nous contrôlons le championnat et on vient toujours échouer en coupe africaine. On a beaucoup supporté Coton. Nous sommes déçus », remarque un. « Ce n’est pas normal ? On doit même éteindre Cotonsport de Garoua », lance l’autre, très vexé. Ce sont tous des contribuables de l’équipe.
Même si la Sodecoton participe au budget de cette formation, mais, cela semble insuffisant pour planifier une campagne africaine digne de ce nom. « Si sur le plan continental on pouvait disposer des moyens conséquents, c’est sûr qu’on rivaliserait avec les meilleures équipes africaines. A 300 – 400 millions, qu’est-ce que vous pouvez faire à côté de huit ou dix milliards d’Espérance de Tunis ? », s’interroge Pierre Kapténe, le président de Cotonsport qui argumente : « Je vous prends l’exemple de Petro Athlético qui est arrivé à Douala il y a quelques semaines (match aller des huitième de finales coupe de Confédération contre Astres, ndlr). On nous annonce un budget de 4 milliards, ils peuvent mobiliser un avion… Ce n’est pas notre cas ».
« Nous sommes allés à Lubumbashi, il fallait aller dormir à Nairobi… C’est toujours difficile de gérer une compétition de haute envergure. Il y a des petits détails qui, au bout, comptent, parce que vous perdez deux ou trois jours de voyage, la récupération n’est pas la même chose qu’une équipe qui vient dans un jet privé, qui passe quatre heures de voyage, joue, se repose, repart, sachant qu’au bout il y a peut-être 4 millions de primes. Il faut voir tout ça », propose-t-il, en regrettant que l’Etat (et la Fécafoot) ne s’implique plus dans la prise en charge et le soutien des équipes engagées en compétition africaine inter-clubs.
Esprit Coton
L’entraîneur d’origine sénégalaise n’avait pas été épargné. Il n’aurait, aux dires de certains, pas fait un recrutement conséquent. Lamine Ndiaye s’en défend : « Nous avons un problème d’effectif, qu’il faut roder chaque année ». Pourquoi ça? « Nos joueurs ne sont pas stables, ils viennent et repartent sans crier gare. Il y a des pseudo-agents de joueurs qui sont à leur trousse, les empêchant de signer des contrats avec nous en leur faisant miroiter un voyage imminent. J’étais à Yaoundé, j’ai vu deux de mes joueurs qui étaient là à ne rien faire, espérant qu’ils vont voyager pour l’Europe un de ces jours. Avec ça, que voulez-vous qu’on fasse ? C’est pratiquement toujours un éternel recommencement » .
Marc Bilao est un ancien joueur de Coton. Il estime que ses cadets d’aujourd’hui ne mouillent plus le maillot comme à leur époque. Il parle de « l’esprit Coton, qui ne donne plus, contrairement aux autres années ». Plus explicite, il ajoute : « Quand je parle d’esprit, les gens ne vont plus au terrain pour se faire mal, parce qu’il faudrait qu’ils sachent qu’il y a des gens qui dépensent de l’argent derrière et que la contrepartie qu’ils doivent remettre, c’est la victoire. C’est en réalité un problème de manque de confiance de tout un chacun », conclut celui qui est devenu, aujourd’hui, l’entraîneur de FC Pilote de Garoua.
Malédiction ?
Après cette série d’insuccès en compétition africaine, fallait bien trouver une raison aux échecs répétés. Les supporters se font de plus en plus à l’idée que leur stade de Roumde Adjia est maudit et ne porterait pas bonheur à Cotonsport. « Au moment où cette équipe est très attendue, elle tombe régulièrement sur ses installations de Roumde Adjia ». La défaite en Champions league 2006, n’a rien fait pour effacer cette idée. Au vu du jeu développé à Lumbubashi, la victoire ne faisait aucun doute.
Déjà en 2003, lors de la finale de la coupe de la Caf, le capitaine Ahmadou Ngomna et ses équipiers n’avaient pu marquer le moindre but au match retour à Garoua, ayant été battu à l’aller par deux buts à zéro. On se remémore aussi la finale de 1980 où Canon de Yaoundé avait été contraint au match nul, 2-2, en finale aller de la coupe des clubs champions face à AS Bilima de Kinshasa, avant d’aller s’imposer au match retour, 3-0. Et, c’est peut-être pour contourner cet alibi que les responsables de Cotonsport de Garoua ont pris la résolution d’offrir un stade propre à l’équipe. Le cadre a déjà été choisi et les travaux de ce domaine ont même déjà débuté.
L’échec aux compétitions africaines n’est pas la panacée de la seule équipe de Cotonsport. Tous les clubs camerounais vivent les mêmes difficultés, le dernier trophée ayany été remporté par Union de Douala en 1983.
C’est dire que « Ça ne va pas. Le football camerounais a beaucoup de problèmes », reconnaît Iya Mohammed. « (…) Un club qui n’a même pas un terrain pour s’entraîner, je ne vois pas, logiquement, comment il peut gagner contre une grande équipe qui a son premier terrain d’entraînement, qui a son budget, qui a tout alors qu’ici, nous nous amusons encore. On n’est pas des professionnels, on est très très loin en arrière. Donc, il faut s’attendre à cela. Le football a pourtant beaucoup évolué. Il nous faut des infrastructures. Tout ceci nous manque. Hélas ! Il ne faut pas s’étonner qu’on obtienne ce genre de résultats », analyse le président de la Fécafoot.
Palmarès international de Cotonsport
-1995 : Huitième de finale coupe de la CAF
-1997 : Quart de finale coupe de la CAF
-1998 : Huitième de finale Ligue des champions
-1999 : 16ème de finale Ligue des champions
-2000 : Quart de finale coupe de la CAF
-2001 : Démi-finaliste Coupe de la CAF
-2003 : Finaliste de la Coupe de la CAF
-2004 : Deuxième matchs de groupe derrière Hearts of Oak du Ghana
-2005 : 16ème de finale de la ligue des champions
-2006 : 16ème de finale de la Ligue des champions