C’est reparti pour une nouvelle saison. Le championnat national de football de première division, dit championnat d’élite, le 44e du genre, a ouvert ses portes le 8 février à Bamenda. Ses quatre premières journées sont dominées par un nouveau venu en première division, Pwd de Bamenda qui n’a pas encore concédé le moindre point à ses adversaires.
Canon de Yaoundé, le champion en titre, végète à la queue du classement et a dû attendre la quatrième journée disputée dimanche dernier pour marquer son premier but et enregistrer ses premiers points. Au même stade l’année dernière, c’est un autre promu, Bamboutos de Mbouda qui dominait la compétition, au point de remporter la phase aller et de n’être rattrapé qu’à trois journées de la fin du championnat.
Ainsi se présente la compétition phare du football au Cameroun, sans tête ni queue. Une élite sans hiérarchie, un championnat sans patron. Dans des championnats européens qui font rêver nombre de Camerounais comme le Calcio italien, la Liga espagnole, la Premiership anglaise ou même la Ligue1 française, la consistance de la compétition repose sur quatre ou cinq cadors qui tirent tous les autres clubs vers le haut. Au Cameroun, les cadors que furent des clubs de tradition comme le Canon et le Tonnerre de Yaoundé, l’Union de Douala ou le Racing de Bafoussam, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Coton sports de Garoua peut alors passer pour le patron par défaut du championnat, au vu de la constance de ses résultats. Depuis une décennie – voire plus – que le nivellement se fait par le bas, n’importe quel club peut être champion et n’importe quel club peut remporter la coupe. Tant mieux, pourrait-on dire, si le championnat est constitué de plusieurs clubs de valeur qui peuvent monter chacun sur le podium. Le problème c’est que ce n’est pas le cas. On est en face d’équipes qui ne sont ni structurées, ni professionnelles. Il y a trois ans, Sable de Batié, équipe de district, a remporté le championnat, en ayant son siège à Batié, mais en jouant à Bafoussam, avec des joueurs et des dirigeants résidant pour l’essentiel à Douala.
Nombre de clubs de ce championnat sont façonnés par leurs dirigeants pour atteindre à court terme des objectifs qui ne sont pas toujours sportifs. Aucun d’eux ne peut enchaîner deux bons champions de suite, ni un bon championnat et une bonne coupe d’Afrique. En dehors de l’exploit l’année dernière du Tonnerre de Yaoundé qui a réussi tout à fait exceptionnellement à se hisser jusqu’en finale de la Coupe de la Caf, l’absence ou le silence des clubs camerounais sur la scène africaine est la meilleure illustration de la fragilité et de la faiblesse du championnat camerounais. Qu’on en juge, en 1995, Aigle de Nkongsamba, le champion du Cameroun avait été sorti des 8e de finale de la ligue africaine des champions par Express d’Ouganda. Un an plus tard, Racing de Bafoussam ne faisait pas le poids en 16e de finale devant Fantastique FC du Burundi. En 1997, c’est Unisport de Bafang qui s’inclinait en 8e de finale face à Ferroviaro du Mozambique, … Des adversaires d’autant moins redoutables que personne n’en avait jamais entendu parler avant.
Les acteurs comme l’ancien international Bonaventure Djonkep, aujourd’hui entraîneur de Coton sports de Garoua sont les premiers à le reconnaître, “le Cameroun organise un championnat très peu compétitif et même sans saveur”. Le problème n°1 de cette compétition, c’est son organisation. Voici donc un championnat flou flou flou, qui réussit l’exploit de se jouer sans un calendrier connu d’avance. On ne sait pas quand il commence, on ne peut pas prévoir quand il s’achèvera. Avec cette 44e édition, la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) a fait un gros effort dans la programmation. La phase aller ouverte le 8 février devrait s’achever le 25 mai et la phase retour s’étalerait du 8 juin au 5 octobre; tandis que la finale de la Coupe du Cameroun pourrait se jouer entre le 7, le 14 et le 28 novembre, pour permettre le démarrage d’une nouvelle saison en janvier 2004. Encore faudra-t-il tenir les délais.
On savait déjà que le football camerounais faisait face à un grave problème d’infrastructures, avec le 44e championnat de première division, on voit désormais prospérer des clubs sans domicile fixe. Depuis le début de la compétition, le quart des équipes est appelé à jouer loin de ses bases. Fovu de Baham évolue à Mbouda, à une cinquantaine de kilomètres de son siège. Sable de Batié est toujours à Bafoussam. Suspendu pour 10 matches dans son stade de Mbouda, Bamboutos reçoit ses adversaires tantôt à Douala, tantôt à Buea, tout comme le Canon, suspendu pour cinq matches au stade Ahmadou Ahidjo, est subitement devenu un club de Douala. Comment des équipes peuvent-elles accepter de jouer aussi loin de leur public et espérer faire des résultats? Ont-elles seulement encore un public? Pour nombre d’entre elles, le championnat s’assimile moins à une compétition, qu’à un lieu d’entraînement de jeunes joueurs qu’on espère vendre à des clubs européens.
H.F.