Le club de football Bamboutos Fc de Mbouda, relégué à la fin de l’avant-dernière saison de la 1ère à la 3ème divisions par la Fédération camerounaise de football (Fécafoot)
pour des faits avérés de corruption lors d’un match disputé au stade de la Réunification contre Fédéral de Foumban, est donc allé jusqu’au bout de sa logique absurde d’affrontement à mort avec l’instance faîtière du football national. La justice civile qui a été saisie par les dirigeants de Bamboutos a donné raison, lundi dernière, à ce club dans le conflit qui l’oppose à la Fécafoot. Le club et ses dirigeants peuvent jubiler, mais pour quelle victoire et pour quels effets ?
Il n’est guère question ici de donner un quelconque quitus à la gestion de la Fédération camerounaise de football, qui a ses manquements parfois d’une gravité suicidaire. Mais nous voulons rappeler les fondements de la pratique du sport de compétition, ici et ailleurs. Les gens qui s’aventurent dans cette activité doivent impérativement en accepter les principes sacrés. Les affaires sportives, survenues dans le cadre du déroulement des rencontres sportives, doivent être résolues par la justice sportive, laquelle commence – pour le cas de Bamboutos – par les instances juridictionnelles de la Fécafoot et s’achève par le Tribunal arbitral du sport (Tas) à Lausanne.
Le juge civil peut jeter quelqu’un en prison, faire payer des dommages et intérêts à un plaignant, mais comment pourra-t-il remettre en cause une sanction sportive ? Un peu partout dans le monde, si l’on a souvent vu la justice civile prononcer la faillite des sociétés à objet sportif, trancher dans les batailles de leadership au sein des clubs, connaître des conflits entre joueurs et clubs, condamner des dirigeants corrompus, il n’existe pas encore de cas où elle a fait changer le classement officiel d’un championnat ou bien a fait rejouer un match. Il y a très peu de chances qu’il y ait une jurisprudence Bamboutos.
La victoire judiciaire du club de Mbouda sur la Fécafoot ne servira donc que de voile d’orgueil à ses dirigeants soucieux, pour masquer leurs errements qui ont conduit le club dans l’abîme, de servir un baroud d’honneur aux supporters. Et pourquoi pas, avec un brin de malice, de montrer qu’ils peuvent avoir de la ressource pour faire aussi la peau aux dirigeants actuels de la Fécafoot qui ont osé prendre une décision lourde de conséquences mais tellement salutaire pour la poursuite sereine de l’activité du football au Cameroun.
Car si les dirigeants des clubs camerounais mettaient la même énergie qu’ils mettent à exacerber les tensions, à appeler à la violence tribale quand leurs équipes sont en difficulté sur le terrain, à contester les décisions des organisateurs des compétitions, à vouloir « acheter » des matches en fin de saison, s’ils mettaient cette énergie à bâtir de vraies équipes structurées et fonctionnant avec un maximum de rigueur et de sérieux, ils rendraient certainement ainsi un meilleur service au football. Si la Fécafoot laisse ses membres scier impunément des poteaux de buts, corrompre à ciel ouvert, fausser sans gêne les résultats de ses compétitions, elle serait en train de se saborder.
Dans le sport en général et le football en particulier, il existe une notion cardinale que tous les acteurs devraient observer sous peine de disparition de l’activité sportive elle-même : le fair-play. Celui-ci renvoie globalement au respect de soi-même, des partenaires et adversaires, du public et des officiels. C’est aussi l’acceptation du résultat de la rencontre et des décisions des instances jusqu’à celle rendue par le sommet de la juridiction sportive. Il n’y aura plus de sport le jour chacun sera libre de se rendre justice ou de faire appel à une justice extérieure au sport. Un penalty oublié par l’arbitre, un but magnifique mais invalidé par le juge de ligne pour un hors jeu inexistant, ne doivent pas conduire le joueur frustré à déchirer les cartons de l’arbitre, ou le public à envahir l’aire de jeu. Un seul homme, chef d’une dictature légitime et sportivement légale, tient le sifflet ; il peut être médiocre, complaisant, incompétent, mais sans lui ou alors s’il est mis entre parenthèses il n’y aura plus du tout de match de football. Qui voudrait d’une telle fin de l’histoire ?
Par Emmanuel Gustave Samnick