Triste et pathétique, l’image que reflète Canon depuis deux sorties en Ligue des champions de la Caf. Comment comprendre que le club de Nkol-Ndongo, intraitable en championnat local (actuel leader du championnat et demi-finaliste de la Coupe), bat de l’aile en compétition continentale ? Au début de la deuxième phase de la C3, l’équipe dirigée par Théophile Abéga alternait le bon et le moins bon : une défaite (Espérance-Canon : 2-1) et une victoire (Canon–Aviaçao : 2-1).
Pourtant, depuis le week-end du 5 septembre 2003, week-end marquant la 3è journée de la C3, c’est la débâcle : le Kpa Kum pique du nez. Deux sorties, deux défaites, face au même adversaire : Union sportive de la Médina d’Alger (Usma). Pour un total de cinq buts encaissés contre 0 marqué. Ce qui fait d’ailleurs de la défense du représentant camerounais la plus poreuse du groupe B et de cette seconde phase de la Ligue des Champions.
Il y a deux semaines à Alger, la fatigue due à un déplacement tardif et les problèmes d’intendance avaient été à l’origine du cuisant échec essuyé ici : 3 à 0. Deux semaines plus tard, c’est-à-dire le week-end dernier, devant son public, Canon s’incline 2-0. Une défaite de trop, qui a compromis les chances de qualification pour les demi-finales de l’équipe. Pourtant, 72 heures avant la tenue de cette rencontre décisive, jeudi 18 septembre, Abéga procède au paiement des salaires et primes des joueurs pour un montant total de 6 millions de F Cfa. De l’argent frais en provenance de Belgique où le partenaire Lokeren mandate Willy Renders, coopérant technique, à venir soutenir le duo Ndjili-Nké. Seulement, l’argent et la présence de M. Renders, arrivé lundi 16 septembre, ne seront pas pour améliorer les choses ; tout comme la promesse du ministre de la Jeunesse et des Sports d’une prime de 5 millions de F Cfa en cas de victoire ne constituera pas une motivation pour les joueurs.
Le technicien belge mettra en avantses intérêts pécuniaires au détriment du succès du club. Lors de la préparation, il scinde l’équipe en deux : le premier groupe est constitué par des éléments (Nnomo Ambassa, Ngon à Djam…) dont il entretient la forme afin que, le moment venu (pendant la trêve hivernale européenne qui coïncide avec la fin du championnat national), et tel que le stipule la convention avec Canon, de pouvoir les placer sur le marché européen. Les autres joueurs sont alors des laissés-pour-compte : Inogué, Edoa, Belombo, Ze… Des joueurs aux performances pourtant constantes, et en général employés en championnat et en coupe du Cameroun par Nké, l’entraîneur principal du Canon.
Car, les choix de l’entraîneur national, Pierre Ndjili, vont très souvent dans le sens de ceux souhaités par le Belge. Pour preuve, Ngon à Djam, en manque de compétition, a été préféré dimanche dernier à Momo et à Dikoumé pourtant en jambes. Il ne fait aucun doute, estime Ndjili, que « si je n’avais pas aligner le joueur, les mêmes personnes qui déplorent sa mauvaise prestation auraient été les premiers à reclamer sa présence sur le terrain ». Pour le technicien qui se dit prêt à remettre son tablier si son employeur se dit insatisfait, les défaites de Canon en C1 n’ont pas de mystères : « Les autres ont été plus forts que nous ».
Inexpérience
Les présents déboires du Canon en C1 sont en grande partie le fait des joueurs, pour la plupart, inexpérimentés en compétition internationale. Comment comprendre que pour des rencontres de la classe de la Ligue des champions, Bouli, Zoalang, Dikoumé et autre Nnomo Ambassa ne soient pas à même de faire abstraction des difficultés du club au profit des résultats ; ou alors que la veille d’un match (fatidique comme celui de dimanche dernier), ceux-ci soient allés faire la fête jusqu’à une heure très avancée de la nuit ? Jean Blaise Bouli avoue que les récents échecs en C1 sont » un manque de réussite, mais ils sont avant tout dus au manque de concentration et de sérieux dans le travail des joueurs. Il y en a qui s’entraînent pendant que d’autres s’amusent. Et très peu d’entre nous avons le niveau de la haute compétition « .
Le tout se résume donc à une question psychologique. Car, Coton Sport qui vient d’éliminer le tenant du titre de la Coupe de la Caf, la Js Kabylie (Algérie), en quart de finale de la C3 a encore moins de joueurs expérimentés que Canon. Et que par exemple la victoire, dimanche dernier, de l’Usm d’Alger sur le Canon de Yaoundé, a plutôt ressoudé une équipe algérienne déchirée auparavant par des problèmes internes (grève des joueurs reclamant des primes impayées).
Par ailleurs, l’une des caractéristiques spécifiques aux deux clubs précités est la discipline. Ce qui manque le plus aux joueurs de Canon. Une situation favorisée par l’absence d’un règlement intérieur, le manque de rigueur des encadreurs. Au lendemain de la défaite en C1, Willy Renders a repris l’avion pour la Belgique. Ndjili, n’a jusque-là assisté à aucune séance d’entraînement. La suite de la Ligue des champions ne s’annonce pas rose. Ce d’autant plus que Canon pourrait perdre l’un de ses éléments clés, le gardien de buts. Ndoé Mbarga. Il a été appelé en sélection nationale Espoirs en compagnie de Nnomo Ambassa et Marcus Mokaké pour un stage préparatoire aux Jeux africains d’Abuja. A défaut d’une qualification pour les demi-finales, seuls demeurent maintenant l’honneur et l’enjeu financier. Un meilleur classement en poule améliorerait les gains offerts par la Confédération africaine de football.
Bertille M. Bikoun