Le vice-président de la Ligue nationale de football du Gabon (Linaf) que nous avons rencontré chez Pierre Laurent Tamo, expert comptable camerounais ayant participé à l’implémentation du professionnalisme gabonais, dévoile les mécanismes qui ont favorisé la mise sur pied du championnat professionnel de football au Gabon, il a également scruté l’actualité de la Ligue de football professionnelle du Cameroun en plein balbutiement.
Qu’est ce qui vous amène au Cameroun?
Je suis au Cameroun d’abord pour des vacances. J’ai également reçu mandat du président de la Ligue nationale de football du Gabon pour voir dans quelle mesure nous pourrions avoir des échanges avec la Ligue sœur du Cameroun et un certain nombre de partenaires qui pourraient nous accompagner pour la consolidation de notre Ligue, qui a été mise en place l’année dernière.
Suivez-vous les activités de la Ligue de football professionnelle du Cameroun?
Oui, bien évidemment nous regardons les activités qui s’y déroulent. Il est vrai qu’il y a un certain nombre de problèmes. Nous sommes d’autant intéressés, étant donné que nous sommes des voisins et le championnat professionnel du Cameroun a été mis en place une année avant le nôtre. Nous suivons attentivement ce qui ce déroule au Cameroun et nous souhaitons faire des échanges entre nos Ligues.
Quel rapprochement ou différence établissez-vous entre les Ligues de football du Cameroun et du Gabon?
Je ne vais pas dire que je maitrise le fond de la Ligue camerounaise de football, car nous n’avons jamais directement échangé et j’espère le faire avant mon retour au Gabon. Je sais néanmoins qu’il y a une légère différence. Au niveau du Gabon, le projet de professionnalisation est appuyé par un cabinet de consultants internationaux, notamment le cabinet Che Vario Y Associados de Barcelone et une très forte implication de l’Etat, qui octroie un financement à 100% pour la première année et une implication sur cinq ans de manière dégressive. Au Cameroun, je ne maitrise pas exactement comment les choses fonctionnent, mais je puis vous dire qu’au Gabon nous avons la chance d’avoir le soutien total de l’Etat et des experts internationaux qui nous ont permis de nous mettre très tôt au devant de la scène.
Sur quoi se porte l’appui du gouvernement gabonais à votre Ligue?
L’Etat gabonais nous accompagnera sur cinq années et ceci s’effectue par des financements. Les fonds alloués permettent à la Ligue d’organiser des matches de façon professionnelle, aux clubs de se structurer de manière professionnelle et aux amis consultants de résider sur le territoire national pendant les cinq années imparties à l’implémentation de la professionnalisation de notre championnat. Vous savez, un championnat professionnel ne se décrète pas. Pour le début, l’Etat a mis à notre possession des infrastructures, des moyens financiers et encadre tout ceci par une législation et une réglementation qui nous permettront à terme de nous autofinancer. La participation de l’Etat n’est que ponctuelle. Le financement d’un championnat professionnel provient d’un certain nombre de ressources parfaitement identifiées que sont : les droits de télévision, le sponsoring et la billetterie. L’Etat a le devoir de nous dégager l’horizon par des lois d’exonération, afin de permettre aux entreprises de soutenir sans problème les activités du football.
A combien s’élève l’appui de l’Etat gabonais à la Ligue nationale de football?
Généralement, les questions de chiffres sont assez sensibles, mais au regard des débats qui se passent chez nous, ce n’est plus qu’un secret de polichinelle. Je ne vous donnerai pas le montant exact, mais considérez que pour la première année l’Etat s’implique pour un financement à plus de dix milliards de francs Cfa.
Et donc, l’Etat a-t-il complètement la main mise sur votre championnat?
La main mise? Non! Au Gabon, avant la mise en place du championnat professionnel, l’Etat apportait à chaque club une subvention de cinquante millions par année et cette subvention régulière se payait en deux tranches : vingt cinq millions à la phase aller et les vingt cinq autres à la phase retour. Les choses étaient ainsi faites de manière pérenne. Aujourd’hui, la subvention de l’Etat est ponctuelle. L’Etat a décidé de soutenir la Ligue et les clubs professionnels, afin qu’au terme de cinq ans, son financement revient à zéro franc et que les mécanismes se mettent en place, afin que nous créions une véritable industrie du football. L’Etat a pris ses responsabilités et ce n’est pas une mauvaise chose. Nous louons l’initiative du chef de l’Etat qui s’est impliqué sur ce dossier à fin de permettre à la jeunesse gabonaise de jouir d’un tel championnat. Il s’agit ici pour l’Etat de créer un secteur d’activité, le secteur du football, générer des emplois et faire en sorte que le football puisse s’autofinancer. L’Etat investit certes, mais ne s’implique nullement dans les activités de la Ligue, ni des clubs. L’Etat exige tout simplement que l’argent mis à la disposition de la Ligue soit utilisé à bon escient. C’est pour ceci qu’un mécanisme de contrôle est mis sur pied afin que les clubs et la Ligue justifient l’utilisation des ressources qui leur est allouée. Les choses seront ainsi jusqu’à ce que l’Etat cesse de financer.
Quelles sont les missions que la Ligue de football du Gabon remplie au quotidien?
L’unique mission de la Ligue nationale professionnelle du Gabon est l’organisation du championnat national professionnel de première et deuxième division. Les autres domaines qui relèvent de la formation des joueurs, entraineurs, officiels etc. relèvent du ressort de la Fédération gabonaise de football. La Ligue organise le championnat, encadre les clubs afin qu’ils se professionnalisent. Aujourd’hui, avec l’industrie du football qui se met en place, la Ligue aura pour mission de créer les emplois. Je puis vous dire que pour la première année, nous avons créé une cinquantaine d’emplois permanents et plusieurs centaines d’emplois partiels. Pour l’organisation du champion, nous avions besoin des stades, des volontaires, d’une équipe médicale, de prestataires et plusieurs autres compétences…
Comment sont structurés les clubs de football au Gabon?
Avec la venue du football professionnel, les choses évoluent différemment. Il y a un cahier de charge que les clubs sont obligés de respecter et plusieurs conditions y figurent notamment l’obligation d’avoir toutes les catégories dans les équipes : minimes, cadets, juniors et de deuxième division. Avec la mise sur pied de la deuxième division la saison prochaine, on intègrera la troisième division. Nous exigeons certaines conditions, au rang desquelles une administration. Nous avons eu la chance que pratiquement tous les clubs fussent érigés en associations, avec tout ce que ceci implique comme base juridique. Il s’agit maintenant de renforcer ces clubs dans leur gestion quotidienne. Les clubs sont contraints d’avoir un certain nombre de départements. Il faut avoir un département comptable, tenu par un comptable et un trésorier, un département de communication et marketing, puisse que les clubs doivent pouvoir engranger des sponsors. Pour ce faire, il faut qu’ils soient dotés de spécialistes du domaine. Il faut également une administration permanente qui travaille au quotidien pour le club. Sur le plan structurel, les clubs ont l’obligation d’avoir un terrain d’entrainement et un autre pour les compétitions. Dommage que ce soit encore la Ligue qui gère les terrains de compétition, mais les clubs ont des terrains d’entrainements. Les choses sont entrains de se mettre en place et nous pensons que d’ici cinq ans tout se fera. Car la professionnalisation ne se décrète pas. Il est question qu’en 2017 nous fassions le point et que nous nous posions les questions suivantes : les clubs ont-il véritablement acquis le statut professionnel? Les footballeurs sont-ils véritablement professionnels et est-ce que la Ligue organise le championnat de manière professionnelle? En attendant, nous sommes dans un chantier et il faudra qu’en 2017 le championnat gabonais soit professionnel dans tous ses aspects. De plus, nous avons institué chez nous un Smig (Salaire minimum interprofessionnel garanti, Ndlr.).
A combien s’élève ce Smic?
Quatre cent mille francs par mois. Pour l’instant, c’est l’Etat qui paie directement. A partir de 2017, il sera payé par un certain nombre de mécanisme de financement propre qui seront mis en place, mais c’est quatre cent mille francs minimum par joueurs. La deuxième chose est que ces quatre cent milles étant garantis par l’Etat s’échelonnent sur douze mois. Dans ces conditions, avec l’organisation professionnelle, l’appui de nos amis consultants et le sérieux que nous mettons en place a poussé ces joueurs à rentrer au pays, plutôt que d’errer en Europe ou ailleurs en attendant de signer un contrat. Dans le championnat, il y a des clubs bien organisés qui vont au-delà du minimum garanti par l’Etat et la Ligue. Ces joueurs se sentant parfaitement en sécurité ont préféré de retourner au pays.
Comment appréciez-vous l’institution d’un Comité de normalisation au Gabon?
Le président du comité de normalisation officie comme président de la Fédération gabonaise. Nous n’avons pas mis un comité provisoire de gestion, mais nous avons une structure chargée de scruter les textes de la Fédération. La Linaf ne souffre d’aucune contestation. Il n’y a absolument aucun souci dans notre fonctionnement, ni dans nos textes. Le président de la Linaf conformément aux textes est vice-président de la Ligue gabonaise de football. Le président actuel de la Linaf est élu pour quatre ans et il est à sa deuxième année, son mandat prend fin en 2015. Il n’y a aucun problème à ce niveau. Le comité de normalisation a une mission précise, qui est de revoir les textes de la Fédération, parce que nous avions de gros problèmes à ce niveau et de revoir notre collège électoral qui a causé de gros problèmes enfin d’élire le nouveau président de la Fégafoot. Au niveau de la Linaf, il n’y a aucun problème. Le mandat est de quatre ans. Cependant, le comité de normalisation s’appuie sur la Linaf pour bien mener le travail qui est le sien.
Entretien mené par James Kapnang