Les footballeurs camerounais sont devenus maîtres dans l’art de la double signature. Les présidents de clubs ne veulent plus se laisser abuser. La deuxième audience de l’affaire Unisport de Bafang et Gabriel Mbogning contre Eugène Etamè Soppo et Alain Ekotto aura lieu ce jeudi 27 mars au tribunal de première instance de Bafang.
Poursuivis pour abus de confiance et escroquerie, Etamè Soppo et Ekotto, gardiens de buts de Mount Cameroon Fc de Buea, ne s’étaient pas présentés à la première audience du 4 mars.
Les faits reprochés par Unisport de Bafang et Gabriel Mbogning aux deux jeunes footballeurs remontent à l’intersaison 2002-2003. Les deux gardiens de buts avaient pris de l’argent – deux millions de f cfa pour Ekotto et cent mille f cfa pour Etamè – chez Gabriel Mbogning, le président de l’Unisport, en lui promettant par écrit qu’ils feront partie de l’effectif de l’Unisport de Bafang pour la saison sportive 2003. Mais, jusqu’au début du 44e championnat national de première division en cours, les deux gardiens de buts n’ont pas rejoint le club du Haut-Nkam. En revanche, ils ont chaussé leurs gants dans les rangs de Mount Cameroon Fc de Buea où ils avaient également signé pendant l’intersaison.
Las d’attendre d’être remboursé par Calvin Foinding le président de Mount Cameroon Fc, Gabriel Mbogning a saisi le parquet des tribunaux de Bafang qui a fait interpeller, par la force de l’ordre, les deux gardiens de buts, de retour d’un match à Mbouda. Cette interpellation a amené Calvin Foinding à restituer les 2.100.000 f cfa. Mais, le ministère public s’était déjà saisi de l’affaire. “Nous sommes allés au tribunal pour deux raisons. D’abord parce que le président Foinding de Mount Cameroon Fc est hautain, ensuite parce que nous voulons décourager tous les joueurs qui ont pris la mauvaise habitude d’escroquer les dirigeants sportifs et qui doivent désormais savoir qu’on peut les traîner en justice”, précise Pierre Boudjiko, vice-président de l’Unisport de Bafang. Le Flambeau de l’Ouest a, par cette action tracé une voie que nombre de présidents de clubs de D1 ont décidé d’emprunter.
Effet de mode
A la suite des dirigeants de l’Unisport de Bafang, ceux de Pwd de Bamenda sont montés au créneau pour mettre en garde tous les joueurs qui leur ont pris de l’argent à l’intersaison, et ne sont pas venus jouer pour leur club. “Ces joueurs ont intérêt à venir rembourser notre argent dans un bref délai. Sinon, nous allons ester en justice contre eux”, déclare Kwahawa Joseph, président interprovincial de Pwd de Bamenda pour le Littoral et le Sud-Ouest. Dans la même logique, les dirigeants de Victoria Utd sont aux trousses du joueur Bakena de Caïman de Douala. « Nous pouvons le faire arrêter à tout moment pour qu’il nous rembourse », explique un responsable du club de Limbe. Le gardien de buts Didier Manga; est aujourd’hui recherché par les dirigeants de l’Union sportive de Douala qui l’accusent d’escroquerie.
Des cas d’escroquerie perpétrés par les footballeurs camerounais sont légion. La situation a été pendant longtemps entretenue par les différents présidents de clubs victimes des abus de joueurs qui ont fait un mystère autour du phénomène. Ils trouvent si souvent des solutions intermédiaires à travers des arrangements à l’amiable qui, au lieu de freiner la pratique, donnent plutôt des ailes aux joueurs qui n’arrêtent plus de prendre de l’argent à gauche et à droite.
L’ex-joueur du Pmuc Sc, Samen a Tchoyi qui évolue actuellement dans l’Union de Douala avait d’abord signé dans Cotonsport contre quelques millions de f cfa. Michel Kamdem, le président de l’équipe de Douala a dû rembourser Cotonsport de Garoua pour garder le joueur. Tipa Bienvenu de Racing de Bafoussam avait aussi signé dans Sable de Batié en début de saison. “Il y a eu un arrangement à l’amiable entre Racing et nous. C’est pourquoi nous avons laissé Tipa au club de Bafoussam”, révèle le président de Sable de Batié, Jean Fokui Meudje. Victime de ce phénomène, Caïman de Douala est actuellement en proie à d’énormes difficultés financières parce qu’une bonne partie de l’argent du club a servi à rembourser les sommes versées par certains clubs dans lesquels nombre de joueurs de Caïman avaient préalablement signé à l’intersaison.
Un phénomène récurrent
Le phénomène des “joueurs escrocs” ne date pas d’aujourd’hui. Il a toujours existé. L’an dernier, le cas Marcus Mokake a défrayé la chronique. Le joueur qui évolue actuellement dans les rangs du Canon de Yaoundé était sociétaire de Fovu de Baham. A l’intersaison, il avait signé dans les rangs de Cotonsport contre six millions de f cfa. Mais, comme Fovu ne voulait pas se séparer du milieu de terrain, son président Dieudonné Kamdem avait, après de multiples tractations, restitué les sommes perçues pour garder le joueur. Une année plus tôt, c’est le cas du joueur Ngon a Djam qui avait fait la une. Sociétaire du Tonnerre de Yaoundé, il était allé signer dans Cotonsport de Garoua. Et, pour le garder, l’équipe de Mvog-Ada avait dû rembourser les sommes perçues.
Dans les années 80, on parlait déjà de ce phénomène de double signature. On se souvient des joueurs tels Kana Biyick, Massing Benjamin, Omam Biyick, Bako, Nlend Simon et autres qui, venant de la D2, signaient dans plusieurs grands clubs – Tonnerre, Union, Canon, Racing, Diamant… de la D1. Mais, les présidents de ces équipes finissaient toujours par s’entendre. Celui qui conservait finalement le joueur remboursait les sommes perçues par le joueur. Le phénomène est alarmant et on peut s’étonner qu’il n’ait pas réellement retenu l’attention de la Fécafoot.
Honoré Foimoukom