Depuis le verdict rendu par la Chambre de conciliation et d’arbitrage (Cca) du Comité national Olympique et sportif du Cameroun, le 23 décembre dernier, c’est la mobilisation dans cette ville pour la mise en place d’une « grande équipe de football ». Les entraînements se déroulent depuis le 3 janvier dernier à guichets fermés. Seulement, des questions de procédure n’ont pas encore été élaguées.
C’est une ville de Mbouda d’un autre visage qu’on vit depuis le verdict rendu par la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun (Cnosc), en faveur de Bamboutos de Mbouda, en appel contre le décision de la Commission des recours de la Fécafoot du 26 septembre 2007. Avec la décision de passer de 14 à 18 clubs, l’on attend juste que le Comité de Normalisation confirme le retour de cette équipe en Elite One. Et dans cette attente, tout effet d’annonce au sujet de cette affaire créé un mouvement de fête. Comme ce mardi soir où une rumeur a circulé jusqu’à Mbouda pour dire qu’on jouera le championnat Elite One à 18, avec Bamboutos de Mbouda. Du coup, les gens se sont mis, selon nos sources, à danser et à fêter cette nouvelle ayant le caractère de rumeur.
Bamboutos de Mbouda a été déclaré une fois de plus non coupable des accusations des faits de corruption qui avaient valu sa rétrogradation de trois divisions. Le juge civil avait déjà tranché cette affaire en faveur du club de Mbouda, le 28 juillet 2008. Mais, la Fécafoot avait refusé d’exécuter cette décision au motif que les questions liées au football ne se réglaient pas dans les tribunaux civils. Cette fois-ci, c’est une juridiction de sport qui a été saisie en appel : la Chambre de conciliation est d’arbitrage (Cca) du Cnosc. En exécutant cette décision, Bamboutos de Mbouda devra intégrer le championnat Elite One, puisqu’il s’agira de le rétablir dans ses droits. En attendant, c’est la mobilisation à Mbouda. L’équipe a commencé les entraînements le 3 janvier dernier au stade municipal de Mbouda. Des entraînements se déroulent tous les jours à partir de 15h et sont suivies, selon nos sources, par des milliers de spectateurs. François Toguem a quitté Yong Sport academy où il était entraîneur-adjoint pour Mbouda où il procède aux recrutements, assisté de Zacharie Toyem. Tous les chefs traditionnels des villages du département des Bamboutos sont mobilisés pour organiser le retour du club en championnat d’élite. Et dimanche dernier, les réunions de familles Bamboutos de la ville de Bertoua ont fêté ce retour de leur club dans les danses traditionnelles.
Sauf que la décision rendue le 23 décembre n’est pas encore exécutoire. C’est sur la base du plumitif qu’il y a toute la mobilisation observée en ce moment. « Nous attendons encore la sentence qui devra motiver ce qui a été décidé. Ce n’est qu’à partir de là que la Fécafoot pourra donner une position. Nous attendons qu’elle nous soit notifiée. Le plumitif, c’est juste le dispositif de la décision. Maintenant, on doit savoir ce qui a la sentence. Les délais de recours pour éventuellement interjeter appel ne commencent à courir que lorsqu’il y a notification de la sentence. Pour le moment nous attendons », a indiqué Patrick Ebodé Tsanga, du département juridique de la Fécafoot. Me André Duclair Mangoua, le conseil de Bamboutos, reconnaît qu’il y a ce détail de procédure à régler. « Si la décision est déjà rédigée, je vais la lever. C’est l’extrait du plumitif est la décision que le juge a lu à l’audience. Maintenant, il doit aller s’asseoir pour la rédiger. Il va me donner une copie de la décision, qui implique toute les motivations ayant abouti à la décision dont on a eu l’extrait du plumitif », explique Me Mangoua. Toutefois, il y a des questions qui font débat en ce moment.
Rétroactivité ou non de la loi
Ceux qui sont contre la décision de faire revenir Bamboutos de Mbouda évoquent le principe de la non rétroactivité de la loi en droit. Ceux-ci, proches de la Fécafoot pour la plupart, estiment qu’il ne saurait y avoir rétroactivité de la loi, sauf si le texte de son application parle de cette rétroactivité dans ses dispositions transitoires. Ils pensent qu’en 2007 au moment des faits, la Cca n’existait pas. Et elle n’a commencé à fonctionné qu’en 2011 avec la loi du 15 juillet 2011, portant sur la Charte des sports. Et de ce fait, l’exception de compétence de cette Chambre devrait se poser. Elle ne devrait pas se déclarer compétente pour connaître de cette affaire qui date avant sa mise en place.
Argument rapidement balayé par Dr François Dikoumé, rapporteur de la Cca et juge au Tribunal arbitral du sport (Tas), que nous avons joint au téléphone. « La loi n’a fait que reconnaître la création de la chambre. La chambre existe bel et bien depuis le 18 janvier 2001 par les statuts reconnus par le Cio (Comité international olympique). C’est consigné dans le document du Cio. Elle existe dans les statuts du Comité national olympique camerounais dans son article 37 ; ces statuts ont été approuvés par le Cio le 18 janvier 2001. Que les gens ne fassent pas du bruit pour rien. Qu’ils aillent au Tas et verront qu’ils seront déboutés. La Fécafoot nous a écrit et nous allons envoyer cette sentence à la Fécafoot. Les gens ne connaissent pas la date exacte de création de la chambre », soutient-il. L’on reste accroché à l’attitude de la Fécafoot lorsqu’elle va être notifiée de cette sentence. Si elle ne l’exécute pas en réhabilitant Bamboutos de Mbouda en Elite One, elle disposera alors de 21 jours pour faire appel au Tas. « Des gens sont déjà allés au Tas pour des affaires tranchées par nous deux ou trois fois et n’ont jamais eu gain de cause. Je suis membre du Tas depuis l’an 2000. Je sais de quoi il s’agit. Et le président de la chambre est conseiller à la Cour suprême. Nous ne faisons rien au hasard. Nous ne prenons pas de décisions pour en vouloir à certaines personnes », avise Dr François Dikoumé.
Rappel des faits
Cette affaire date de sept ans, alors que Bamboutos de Mbouda a déjà subi les conséquences d’une accusation qui avait été faite contre lui, au sujet d’un match disputé le 16 septembre 2007 contre Fédéral du Noun au stade de la Réunification de Douala. Après avoir remporté la partie, 3 buts à 2, lors de cette rencontre de la 307me journée du championnat, le club de Mbouda se mettait à l’abri de la relégation. Mais il a été relégué de trois divisions par la commission d’homologation et de discipline. Une décision confirmée en appel auprès de la Commission des recours de la Fécafoot, au motif que Bamboutos de Mbouda avait été coupable de corruption pour remporter son match. L’affaire avait été portée devant le juge civil, qui, le 28 juillet 2008, a rendu son verdict. Après avoir reconnu la compétence du juge civil à connaître de cette affaire le juge Mandeng, avait déclaré Bamboutos de Mbouda non coupable des faits de corruption et avait condamné la Fécafoot à payer le franc symbolique. Décision que la Fécafoot avait refusé d’exécuter. Le politique s’y était mêlé. Augustin Edjoa, le ministre des Sports à l’époque, avait rencontré Iya Mohammed, le président de la Fécafoot d’à lors, pour lui demander de réintégrer Bamboutos de Mbouda en première division. Même le premier Ministre, fort de la tension sociale qui se dessinait à Mbouda, avait demandé à la Fécafoot de s’exécuter. Mais, elle n’a pas plié. Et depuis lors, Bamboutos de Mbouda a disparu de l’échiquier du football camerounais.
Antoine Tella à Yaoundé