Il ne fait pas bon d’être entraineur de football dans notre pays en ce
moment. Tout comme nos valeureux footballeurs amateurs, rares sont les
entraineurs qui vivent réellement de leur métier. Le constat est
clair. Au pays de « Magic » Mbomagoal, on « dépanne » la majorité des
entraineurs de football comme des vulgaires gamins. Leurs employeurs
les virent parfois comme des malpropres ou des moins que rien. Ils
sont très loin du statut des José Mourinho, Sir Alex Ferguson, Arsène
Wenger pour ne citer que ceux-là.
Phénomène du « coach ndolè »
Le poste d’entraineur est le plus difficile et le plus stressant
dans le football. L’entraineur doit au quotidien gérer un groupe d’au
moins 25 joueurs et gérer aussi les humeurs non seulement des joueurs
et des dirigeants de son club employeur mais aussi celles des
supporters. Rencontré au stade de la Cité Cicam à Douala, NADEU jeune
entraineur ancien footballeur de la Bundeslinga en Allemagne a été
très clair à ce sujet : « Pour être entraineur de football, non pas
seulement au Cameroun, mais aussi ailleurs, il faut avoir un cœur en
béton armé. Ce dernier porte sur lui tout le poids de l’équipe. Les
choix d’un entraineur peuvent être interprétés de plusieurs façons et
je vous assure que rien n’est facile dans ce métier. »
En effet, DIKOUME Jean-Marc Delano ancien footballeur ayant évolué dans
plusieurs équipes de la capitale économique de notre pays a vu son
rêve de devenir professionnel du football se briser à cause dit-il de
ses différents entraineurs. Il s’en souvient très bien : « J’étais un
très bon attaquant. Je suivais les traces de mon idole Samuel Eto’o
Fils. Mais mes différents coaches ont brisé mon rêve. Je suis devenu
chargeur ici à Ndokoti à cause d’eux. Ils passaient leur temps à me
demander de payer pour être dans la liste. Pour être dans le onze
entrant, je devais les donner 90% de ma prime de match et parfois 95%.
Pour un match hors de la ville de Douala, mes parents devaient donner
beaucoup d’argent. Né dans une famille très pauvre, la solution idéale
c’était d’arrêter avec le football. Tous ces entraineurs sont des
coaches ndolè. Ils t’aiment quand tu les donnes de l’argent. Je pense
qu’ils n’ont aucune conscience et la méritocratie n’existe pas dans
leur jargon. Je ne peux pas vous dire s’ils sont le diable en
personne, mais je dirais qu’ils doivent respecter leur métier. S’ils ne
sont pas payés, ce n’est pas la faute des joueurs ».
Le phénomène du «coach ndolè » (les entraineurs corrompus) est à la mode dans notre pays. Même l’avènement de la Professionnalisation de notre
football n’a rien changé à la donne. Des enquêtes personnellement
menées ont démontré que certains présidents de club de football
imposent à leur entraineur la liste des onze entrants mettant ainsi en
péril l’esprit de la méritocratie valeur pourtant fondamentale dans le
football. Ce phénomène est monnaie courante dans le football. Pour
n’avoir pas supporté que le Président de Chelsea lui impose Andrei
Chevtchenko, José Mourinho alias « the special one » avait été
débarqué de son poste de manager général du club. Quand Laurent Blanc
sélectionneur de l’équipe de France publiait la liste des joueurs
présélectionnés pour la prochaine Coupe d’Europe il y a quelques
semaines, la présence de Johan Gourcuff a fait tellement débat au
point où les gens se sont demandés si ce dernier n’était pas le «
ndolè » du coach. Contactés, pour répondre à certaines préoccupations,
certains entraineurs ont refusé de me recevoir.
Au Cameroun, il n’existe pas officiellement un institut national
spécialisé dans la formation des entraineurs de football comme dans
d’autres pays. 90% de nos entraineurs sont des produits de l’Institut
National de la Jeunesse et des Sports (INJS) organe chargé de la
formation des professeurs d’Education Physique et Sportives (E.P.S).
8% sont des anciens footballeurs et 2% sont de simples passionnés. Nos
entraineurs n’ont parfois pas de contrat de travail qui les exposent à
tout genre de désagrément. Ils sont la risée de tout le monde jusqu’au
haut sommet de l’instance faitière de notre sport-roi. Sinon comment
comprendre que nos dirigeants puissent payer à coût de millions les
entraineurs expatriés avec contrat de travail à l’appui et ne point
faire pareil quand il s’agit d’un entraineur local ? Est-ce un
problème de compétence ? Compétence pour n’employer que ce mot-là,
Jean-Paul AKONO en l’an 2000 avait prouvé au monde entier que le
Cameroun et l’Afrique en générale avait aussi des entraineurs
hautement qualifiés. Les victimes de ce système sont les joueurs.
Certains entraineurs sont obligés de faire chanter certains joueurs
pour avoir de quoi nourrir leur famille ce qui est déplorable pour un
sport où la méritocratie prime sur tout.