« Le pouvoir, il n’est pas sérieux. On y entre avec des lauriers, et on en sort humilié, et entre temps on n’en déguste jamais les délices à notre aise », me disait ma grand-mère. Si seulement j’avais pris la peine de mieux comprendre sa déclaration, je ne serai très certainement pas arriver dans la situation actuelle. Comment, moi qui ai reçu une éducation stricte sur le respect de la valeur humaine et le respect d’autrui me suis retrouvé dans le cercle très fermé des hommes dont les amoureux du ballon rond veulent la tête à tout prix ?
Tu (ma conscience) hantes mon esprit tous les jours avec cette question. Personnellement, je ne puis te donner une réponse juste. Tout ce que je sais, c’est que je reconnais avoir commis des erreurs. Oui, en ma qualité de membre de l’équipe dirigeante du football de mon pays, j’ai brisé l’avenir des certains de mes concitoyens. C’est pour cette raison que je t’écris en ce jour afin que tu m’aides à mieux comprendre les choses.
La semaine dernière, j’étais de passage à Famkeu dans la Région de l’Ouest-Cameroun. Mon chemin a croisé celui des jeunes qui jouaient dans la boue. Je me suis dit qu’ai-je fait ? Pourquoi n’ai-je pas encouragé « mon fils » Samuel Eto’o a construire son centre de formation de football au bercail? Au moins, il aurait sorti ces jeunes de la précarité. Je suis allé très loin en estimant qu’il ne méritait plus de jouer dans notre équipe nationale. Au lieu d’encourager l’équipe dirigeante à construire le football dans notre pays, j’ai été de ceux qui ont plutôt pillé les fonds à lui réservé. J’ai primé la corruption sur la méritocratie.
L’autre jour, j’étais au stade de la Réunification de Douala pour voir le match Botafogo contre Tonnerre Kalara Club de Yaoundé comptant pour la deuxième journée de la phase retour du championnat national de deuxième division MTN Elite Two. J’ai coulé des larmes sans le savoir. Il y avait à peine 100 spectateurs au stade. Preuve qu’on ne peut vendre notre football en ce moment. Il pleuvait abondamment. Je me suis abrité à la tribune. A un moment donné, j’ai eu peur que la toiture de la « tribune présidentielle » ne tombe sur moi. Comment pouvais-je avoir peur de mourir dans un stade de football alors que moi-même était censé participer activement à la construction des infrastructures sportives dans mon pays ? À regarder les acteurs du match mouiller le maillot sur la pelouse, je me suis dit: « pauvres gamins. Ils se battent comme des valeureux Lions alors que c’est nous qu’ils enrichissent » Quand j’ai pensé que pour la récupération de l’énergie ainsi dépensée certains mangeront des beignets-haricots, d’autres mangeront le tapioca mouillé je me pose la question de savoir pourquoi moi je n’ai pas démissionné d’équipe dirigeante du football de mon pays de sitôt.
« Démissionner ». Chose vraiment étrange que ce petit mot ne puisse pas exister dans notre jargon. Ne dit-on pas souvent au quartier que « quand ça te dépasse, laisse seulement ? » Je ne pouvais pas laisser. Je me cachais aussi tout comme les autres membres de l’équipe dirigeante derrière les nombreuses victoires des Lions Indomptables pour dire que notre football se portait très bien. Qu’ai-je vraiment fait pour le développement du football dans mon pays alors que le peuple opprimé m’a fait confiance ? Des gens ont cru en moi et que suis-je entrain de faire pour les remercier ? Aides-moi s’il te plait. J’ai besoin de comprendre ce qui m’arrive. Aides-moi s’il te plait. J’ai l’impression que le football de mon pays est en ruine. Il se meurt.
L’empereur Britanikus Zendé