Il y a certainement plus des semaines que des jours, que je pouvais encore me
vanter d’être l’un des Hommes les plus puissants qui puissent exister dans ce monde pardi. Je pouvais décider du sort des footballeurs de mon pays. A vrai dire, j’étais un Dieu vivant car l’avenir de valeureux jeunes dépendaient de ma vision et de ma pensée. J’étais un homme vénéré et craint par tous. Personne ne peut douter du plaisir que procure un tel pouvoir.
Je pouvais trainer des gens pendant plusieurs heures devant mon bureau. Ils ne pouvaient pas se plaindre parce que dans tous les cas, ils avaient besoin que ma signature figure sur leur document. Ne passent-ils pas très souvent des heures devant les bureaux des «Ngomna » pour la même signature ? C’est le système. S’il faut arrêterun bandit, on devra aussi arrêté le chef bandit.
Quand l’équipe nationale jouait à l’extérieur, la vie était pleine de charmes. Que de moments inoubliables ! C’était le moment propice pour me faire aussi
plein de « doos » comme on le dit souvent au quartier. Je pouvais alors aller voir le match avec toute ma famille. Bah ! Y avait des frais de mission nor ! Je pouvais me balader, dormir dans une suite présidentielle dans des hôtels cinq étoiles et manger à ma guise au grand dam des acteurs que sont les joueurs. Ils n’avaient pas les mêmes privilèges. Ils n’étaient là que pour jouer. Je pouvais inviter aussi quelques une de mes copines si je le voulais. Est-ce que
l’argent sortait de ma poche ? Certains journalistes se sont payés le luxe de raconter ce qu’ils savaient, mais ça me laissait aussi à 37. Etions-nous les seuls dirigeants de ce pays à « manger » et à profiter des « avantages » de la mangeoire ? Etait-ce de ma faute si tout était géré comme une épicerie ? Avant que je ne naisse, tout était comme cela. Donc, je me suis dit pourquoi ne devrais-je pas aussi profiter ?
Toute personne porteuse d’un projet de développement de notre football devait au préalable mouiller « ma barbe » ou me donner « la chose nocturne » que l’on donne à l’égard des yeux. Comme tous mes collègues, mes intérêts devaient passer avant tout. Parce que quand l’heure de la retraite sonne, on est dans l’oubli. Mieux vaut faire le plein des poches quand on est encore en fonction. Ne m’a-t-on pas appris à l’école des colons que « no pitié in business » ? Je pouvais faire tout ce que je voulais parce que je n’avais aucune conscience. Mais aujourd’hui, elle me hante avec ses questions sans réponse.
La vie n’est vraiment pas facile quand on se rend compte que des gens ont eu confiance en vous et que vous n’avez rien fait pour l’honorer. Je suis sûr que quand la mort frappera à ma porte, on dira de moi que j’étais un ange venu du ciel. Le mouvement sportif de mon pays dira que j’étais aussi un dirigeant exceptionnel alors que tel n’était pas le cas. J’ai ruiné le football de mon pays. Je me suis enrichi sur le dos des vrais acteurs de ce sport-roi. On me fera très
certainement des obsèques nationales pour rendre hommage à ce «valeureux » fils du pays qui a servi les intérêts de la Nation toute entière. Je n’arrive pas à croire que l’on puisse en arriver là, mais je crains que ça ne soit ainsi. Mais alors, mériterai-je les obsèques nationales comme ce fût le cas pour Marc Vivien FOE ? Est-ce que tout le peuple opprimé pleurera d’une seule larme pour moi ? Non. Lui au moins, il est passé de vie à trépas sur le champ de bataille en portant les couleurs nationales. Par contre moi, je restais dans mon bureau climatisé et je pouvais passer toute la journée au téléphone pour savoir si mon duplex privé sera à la hauteur de ce que j’ai pu voir sur la Côte d’Azur lors d’un de mes déplacements princiers.
Que ceci puisse être considéré aujourd’hui comme mon testament, ce qui est sûr et certain c’est que je n’ai rien fait pour que mon pays soit effectivement une grande nation de football. A vrai dire, je n’avais aucun mérite pour faire partie de l’équipe dirigeante du football. Je ne m’y connaissais pas trop. C’est mon parrain qui m’avait proposé d’intégrer l’équipe dirigeante. Je reconnais devant mes frères que j’ai péché. Je demande pardon à ce peuple opprimé qui n’avait plus que le
football pour noyer ses soucis. J’ai toujours prétendu être ce que je ne pouvais être parce qu’au-delà de toute chose, vanité des vanités, tout est vanité. Dieu a vraiment créé le monde, mais apparemment c’est
le diable qui le fait vivre.