Rome est tombé. Oops, non! la Mannschaft est tombée! Revenons un peu sur la Coupe du Monde 2018. Je pense que la victoire de la France et la débâcle de l’Allemagne constituent des symboles ironiques. Il y a cette constante remise en question qui perdure jusqu’aujourd’hui qui fait qu’en France, dès qu’un joueur d’origine africaine joue mal, il arrêtait d’être français et devenait franco-quelque chose (sénégalais, camerounais, guinéen, et patati).
Son appartenance au peuple des gaulois était rapidement reniée de par l’esprit de la recherche du bouc émissaire. Qu’est-ce que cela a à voir avec l’Allemagne ? Après l’élimination humiliante de l’Allemagne au premier tour du mondial russe, Mezut Ozil va claquer la porte en pointant le racisme du président de la fédération allemande de football, Reinhard Grindel.
La photo qu’ont prise Ozil et Gundogan avec le très contesté président turc Erdogan est ce qui aurait tout déclenché. Cependant cette photo a été prise et publié en mai, plusieurs semaines avant le début de la coupe du monde. Si la photo était si dérangeante, l’Allemagne avait tout le temps de renvoyer ces deux joueurs à la maison. Mais ils les ont gardé, question d’avoir un « punching bag » tout prêt en cas d’échec. Mais il faut dire que même les plus sceptiques ne pouvaient s’imaginer une sortie dès le premier tour surtout, que cela n’était pas arrivé depuis 1930. A titre d’illustration, c’était 30 ans avant l’indépendance du Cameroun.
Comme dit l’adage, “what goes around, comes around” ou comme on le dit au quartier, “quand tu craches en l’air, ça retombe sur ta tête”, même 36 ans plus tard. Le 25 Juin 1982, pour ceux qui s’en rappellent ou l’ont lu, il est survenu ce qu’on a appelé la « Honte de Gijon » (ou encore le pacte de non agression de Gijon). Les allemands rencontrent les autrichiens lors de la troisième et dernière journée des matchs de poule. L’Allemagne avait besoin de gagner sans encaisser pour s’assurer d’une place de qualification et l’Autriche pouvait perdre d’un seul but pour se qualifier aussi. Ces deux nations germaniques vont donc comploter pour renvoyer les vaillants algériens à la maison. Après le but de Horst Hrubesch dès la onzième minute qui donna l’avantage à la Mannschaft, les deux équipes vont littéralement arrêter de jouer. Les commentateurs vont demander au public de changer de chaîne ou d’éteindre la télé. Ce match est la raison pour laquelle les matchs de dernière journée de chaque poule des grandes compétitions tour se jouent en même temps. L’ironie du sort a voulu qu’en 2018, neuf compétitions mondiales plus tard, ce soit une équipe de second rang comme la Corée du Sud, déjà éliminée, qui ferme la porte du second tour aux champions du monde en titre.
Oui, j’ai dévié un peu de mon sujet sur Ozil, ou de la situation des bi-nationaux dans les pays européens. C’est juste qu’en bon Camer, je tiendrais plus le Ndem que les performances de Mezut Ozil comme responsable du fiasco allemand. Le président du Bayern de Munich Uli Hoeness a déclaré qu’Ozil n’était plus performant avec l’équipe nationale depuis des années. Pourquoi donc ne pas s’en prendre au coach qui l’a sélectionné ? Mr Hoeness lui qui a fait la prison pour fraude fiscale, critique quelqu’un qui a gagné la coupe du monde pour l’Allemagne en 2014. Le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas soutient qu’: ”un millionnaire (Mezut Ozil ndlr) vivant en Angleterre ne dit rien des capacités d’intégration de l’Allemagne”. Rappelons que Mezut est né et a grandi à Gelsenkirchen et a fait ses classes à Schalke 04 et au Werder avant de s’établir à Londres en 2013 après deux ans au Real Madrid.
Pointer Ozil sert de distraction et de paravent pour les autres protagonistes. Personne ne parle de la boulette de Neuer, d’un Thomas Muller inexistant, d’un Boateng particulièrement mauvais, ou encore d’un coach au bout du rouleau en manque d’inspiration, qui n’a pas jugé bon de d’appeler Leroy Sané qui a fait une saison étincelante avec Manchester City et qui aurait été un bon catalyseur entre le milieu de terrain et une attaque allemande sans panache et très prévisible.
Ne dit-on pas que “le choisir, c’est le choisir” ? Chacun doit se sentir à l’aise face à ses choix puisqu’ils ne feront jamais l’unanimité. À titre d’exemple, certains Suisses sont bien fâchés contre Rakitic pour avoir choisi la Croatie alors qu’il est né, a grandi et a été formé en Suisse. Tim Weah, fils du seul ballon d’or africain George Weah joue pour les Etats-Unis alors que son père est Président du Libéria et a passé la majorité de sa carrière en France. Joel Matip semble regretter d’avoir choisi le Cameroun. Lucas Hernandez parle mieux espagnol que français… Le nombre de binationaux ne va faire qu’augmenter malgré les situations délicates. Donc quelle que soit la décision, il y aura des mécontents et des gens qui vont en vouloir au joueur.
Cependant c’est aussi un privilège d’avoir à choisir, car cela signifie que le joueur vaut quelque chose. À titre de comparaison, la situation des “AAA Recruts” dans les sports nord-américains est un peu similaire. Ces jeunes de 16 à 18 ans doivent choisir une université qui va presque définir leur carrière future. Plus il est talentueux, plus d’offres il va recevoir, donc des bourses bien alléchantes des universités les plus prestigieuses avec les meilleurs programmes. En tenant compte du côté émotionnel associée à la décision de jouer pour telle ou telle équipe nationale, il faudrait aussi rajouter le côté pratique et pragmatique. Je ne suis pas convaincu que Pogba aurait signé à Manchester United pour 110 millions s’il jouait pour la Guinée comme ses frères aînés.
La couleur de votre peau, votre nom de famille, le pays d’origine de vos parents, votre orientation sexuelle, votre religion etc… sont tous des outils de division bien acceptés par la masse. Quand on gagne, vous êtes des nôtres, quand on perd, vous devez rentrez chez vous. Le cas Ozil est un avertissement sans frais à tous les autres bi/tri-nationaux en général et d’origine camerounaise en particulier. Il faut assumer ses choix, et surtout, vos parents n’arrêterons jamais d’être vos parents, mais ces politiciens et autres hommes de média qui vous couvrent d’éloges lors des victoires, vous acculerons et vous dénigrons à la moindre chute.
Enganche, Blogue Camfoot