Le prochain match du Cameroun contre l’Algérie comptera peut-être pour du beurre, puisque le pays des Lions est déjà éliminé de la course pour Coupe du monde 2018 en Russie. Même sans enjeu réel, la rencontre se joue déjà dans la rue et surtout à travers les réseaux sociaux mis en ébullition après la récente sortie médiatique du sélectionneur Hugo Broos justifiant l’absence de certains joueurs, notamment Eric Choupo Moting et Karl Toko Ekambi.
La riposte de ce dernier traitant de « mensongers » les propos du coach à son endroit, n’est qu’une goutte d’huile de plus sur le feu qui couvait sous la cendre.
La situation n’est pas nouvelle car à chaque fois que s’approche l’échéance d’un match plus ou moins important à disputer par les Lions, les spéculations reprennent de plus belle quant à l’identité, au parcours, à la forme du moment des joueurs convoqués, l’attention des médias étant aussi focalisée sur les déclarations de l’entraineur principal à propos des choix opérés. D’aucuns pourraient même s’offusquer de la curiosité suspecte de certains médias toujours prompts à scruter le moindre indice pour étayer leurs soupçons. Dans ce domaine, nous n’inventons pas la roue, hélas. Sous tous les cieux, les techniciens en charge de l’équipe nationale sont soumis à une espèce d’interrogatoire permanent ou cyclique, pour connaitre leurs méthodes de travail et justifier au cas échéant leurs choix. Sans doute par souci de transparence et pour éviter certains non-dits lourds de conséquences.
Communication à problème
En matière de communication, le sélectionneur principal des Lions indomptables a visiblement encore du chemin à faire. C’est connu de tous les étudiants en journalisme : communiquer c’est transmettre un message entre un émetteur et un récepteur. Pour être bien reçu par sa cible et obtenir en retour une bonne réaction, le message doit être bien conçu à l’origine et être bien transmis par la suite pour éviter que la parole ne finisse par trahir la pensée.
Selon les spécialistes de la question, la qualité première d’un message c’est la clarté qui exclut toute équivoque, toute fausse interprétation. Au sein des Lions, les cas de déclarations émanant du staff technique et battues en brèche plus tard par leurs destinataires présumés sont légion, donnant du coup l’impression que l’artifice et la duplicité sont érigés en règle. Impression d’autant plus persistante que l’accumulation des « affaires » en sélection nationale trahit un double déficit communicationnel et relationnel que l’on croyait en voie de disparition depuis la CAN 2017.
Hugo Broos a une envie certaine de communiquer, ne serait-ce que pour dissiper toutes ces rumeurs distillées ici et là. Mais on a l’impression que sa manière de transmettre le message va au-delà de ses convictions profondes. On l’a entendu maintes fois justifier la convocation ou l’absence de tel ou tel élément, rendre public le contenu des conversations tenues avec tel ou tel joueur dans un cadre strictement privé, etc. Dans la plupart des cas, sa version des faits est rarement confirmée par les mis en cause. Une telle situation qui tend à perdurer fait en sorte que toute déclaration du coach des Lions est désormais suivie à la loupe, passée au crible pour y déceler d’éventuelles incongruités. Ce qui en rajoute à la controverse qui s’installe dans l’opinion à chaque fois qu’une nouvelle liste des Lions est publiée, créant une incroyable cacophonie entre le coach et certaines valeurs sûres laissées de côté sans motif valable (selon eux).
Des exemples sont légion. Hier, c’était le « cas Kameni » qui aurait évoqué une maladie imaginaire pour déroger à une convocation par défaut. Ensuite, ce fut les « affaires » Matip et Choupo Moting, deux joueurs longtemps courtisés par la grande Mannschaft mais qui ont fait le choix de la mère-patrie avant de se voir reléguer sur le banc des réservistes, puis accusés d’un manque de patriotisme. Puis ce fut le « cas Onana » qui estimait ingrat son rôle de doublure à un gardien réserviste en club, avant de claquer la porte. Le « cas Nkoulou » et le « cas Oyongo Bitolo » ont aussi fait des vagues en leur temps. Dernier en date, le « cas Toko Ekambi » est révélateur d’une espèce de paranoïa qui semble s’emparer des uns et des autres, amplifiant une fameuse théorie du complot plus ou moins réelle.
Depuis la Coupe des confédérations, l’apparition d’autres « cas » comme Bassogog et Aboubakar portent les germes d’une déstabilisation future. Vertement pris à partie par le coach, ces deux éléments du dispositif offensif semblent en sursis. Mais visiblement ce n’est que partie remise.
Jean Marie NZEKOUE, Editorialiste, auteur de « L’aventure mondiale du football africain », L’Harmattan, 2010.