Le sélectionneur national s’est entretenu avec la rédaction de Cameroon-Tribune ce mardi et a accepté comme à son habitude de discuter de tous les sujets, même les plus sensibles. Il en ressort une méfiance des appréhensions, et même aussi une certaine méconnaissance de ses joueurs, notamment lorsqu’il est surpris que l’on parle de l’abondance des milieux défensifs. Pour lui, Joel Matip est le seul véritable milieu défensif du groupe.
Le match Cameroun-Libye
La préparation était un peu difficile en raison de la suspension de la Fécafoot. Ce n’était pas évident d’organiser des matchs amicaux. La Libye en a eu plusieurs, notamment contre le Mali et le Ghana. Heureusement, ça c’est arrangé. Avec le stage à Paris, on a tiré le mieux d’une situation difficile. Là, on a cinq jours pour préparer la rencontre. Pour une équipe nationale, c’est beaucoup. On a vu jouer la Lybie à la Can 2012 et ils se sont imposés à l’aller. Il faut la respecter. De l’autre côté, on a une équipe qui peut gagner. C’est toujours dangereux de jouer le match nul car le foot a toujours ses imprévus. C’est pour cela qu’il faut travailler pour être prêt contre la Libye car l’enjeu est énorme. Je suis optimiste mais dans le football, il n’y a jamais d’assurance. C’est ce qui fait aussi sa beauté et la magie du football.
La sélection des joueurs
J’étais surpris des réactions après la sélection de Kameni. La situation des gardiens est difficile parce qu’il n’y a qu’un seul titulaire avec son club Konyaspor, Charles Itanje. Or, c’est important d’avoir l’expérience de la compétition au moins une fois par semaine. On a avait espéré que Ndy Assembe, après avoir changé de club, serait titulaire à Guingamp. Mais il ne joue pas. Sammy Ndjock a disputé 18 matchs en Turquie l’an passé. Cette saison, il y a déjà quatre gardiens dans son club et il sera peut-être prêté. Et il y a Kameni qui est remplaçant. Il a eu une bonne période à l’Español mais il y a eu ce match contre le Cap Vert qui a fait mal à tout le monde. Itanje est le numéro un actuellement. Pour les autres, je peux changer pour avoir des options.
Le stage en France
C’était important qu’on se regroupe pour avoir des discussions avec les joueurs. Le football, c’est une équipe. On dit nous, pas moi. Sinon, tu joues au tennis et au golf qui sont des sports individuels. Avant, c’était entre la superstar, le meneur de jeu, le patron de la défense et l’entraîneur. Aujourd’hui, tout a changé. Tu as besoin de beaucoup de leaders. Chacun est responsable sur le terrain. C’était donc important que tout le monde soit là pour trouver un esprit de groupe. Quand il y a un nouvel entraîneur, il faut beaucoup travailler et pas seulement aux entraînements. Il faut expliquer l’idée de ce qu’on peut faire ensemble. Et ça, ça dépend du coach et des joueurs. Il faut tenir compte des compétences et talents de chacun, surtout que ce n’est pas moi qui joue sur le terrain. La semaine après la défaite du Togo était la plus importante. Il y avait beaucoup de critiques mais c’est normal, il faut vivre avec. Le plus important est que tout le monde s’est remis sérieusement au boulot.
L’attaque stérile des Lions
Il faut jouer un football qui nous met dans les bonnes conditions pour marquer. Nous avons eu de bonne situations mais pas de buts. Peut-être que la pression sur les épaules des attaquants est trop forte. Mon job est aussi de donner confiance aux joueurs qui ne doivent pas se dire : je dois absolument marquer. Il faut avant tout jouer du beau football, bien bouger, mettre la pression, être motivé et après on verra qu’on peut marquer. Ici, la pression est trop forte parce qu’on joue pour son pays et il y a la famille. C’est différent quand on est en Europe.
Samuel Eto’o. Le capitaine Samuel Eto’o était blessé lors des précédentes sorties des Lions. C’est la vérité, malgré les spéculations. Je l’ai rencontré deux fois entre Kiev et les deux matchs à Lomé et à Kinshasa et nous étions toujours en liaison. Il peut faire la différence à tout moment car c’est un des meilleurs attaquants au monde. De plus, son cœur bat pour le Cameroun. La situation est un peu difficile pour lui en club mais il a pu être là en France pour le stage et c’est le plus important.
Les choix tactiques
Mon premier contact avec l’équipe était à Kiev avec 19 joueurs. Je ne disposais d’aucun ailier droit avec les absences d’Angbwa et Nyom. J’ai discuté avec les joueurs pour voir qui pouvait les remplacer. Dany Nounkeu s’est proposé. Il a très bien joué et a apprécié l’expérience. C’était donc normal qu’il joue encore pour suppléer les absents. Il ne faut pas croire que l’entraîneur est stupide. J’ai aussi lu que les milieux étaient tous défensifs. Ce n’est pas vrai. Alex Song ne l’est pas. Ni Eyong Enoh. Ce sont des milieux modernes dont on a besoin dans le foot actuel. Le seul qui est vraiment un milieu défensif, c’est Joël Matip qui évolue comme défenseur central à Schalke. Les autres sont des joueurs polyvalents. J’ai vu le match contre Malaga et Song a bien joué. S’agissant de Fabrice Olinga qui a également disputé ce match, c’est difficile de lui donner une note car 90% de possession de balle était en faveur de Barcelone. Dans ce match, Fabrice a bien travaillé pour la défense. Je suis heureux qu’il joue cette saison parce que ce n’était pas le cas l’an passé. Mais il va évoluer. En tout cas, la porte est ouverte pour ceux qui n’ont pas été appelés.
Les rapports avec les médias
Je connais les difficultés pour les journalistes. En Allemagne, c’est la même chose. Je fais attention parce que quand on parle le français et l’anglais comme moi, il peut avoir des malentendus. On peut parfois interpréter quelque chose que je n’ai pas dit comme je voulais. C’est vraiment dangereux pour moi. C’est pourquoi je suis disponible. Même s’il y a toujours deux vérités. La force d’une équipe, c’est d’avoir quelque chose qui concerne seulement l’équipe et le coach, qui reste dans les vestiaires. Le problème, comme partout ailleurs, ce sont les fuites qui rendent difficile les rapports entre les joueurs et avec les journalistes. Etre professionnel, c’est aussi être diplomate et respectueux envers toutes les règles, notamment ici au Cameroun. Je ne suis pas l’entraîneur blanc qui veut gagner le salaire de Mourinho. Je travaille pour le Cameroun.
Le suivi du football au Cameroun
Chacun a sa place. Il faut des formations pour les entraîneurs. Mais il y a aussi l’organisation des clubs qui doivent avoir par exemple avoir un petit stade au quartier. Le foot professionnel à la base a beaucoup de difficultés. J’ai regardé des matchs du championnat local et le niveau n’est pas mal. Mais il faut encore travailler. L’équipe nationale doit donner l’exemple parce qu’on est un peu responsable du foot local quand on joue en Europe. Je viens de passer deux mois au Cameroun et la facture de téléphone était énorme après parce qu’il faut toujours être en communication avec les joueurs. J’ai des back-offices en Allemagne qui les suivent au quotidien. Mais il faut aussi être là-bas. C’est très simple d’être tout le temps à Yaoundé mais il faut voir le travail où il se fait aussi.
Josiane Matia