De quel Foot Jeunes allons-nous parler ici ? En réalité, le terme « Foot Jeunes » renvoi à un grand ensemble qui regroupe en son sein le « football scolaire », le « football de quartier » (ou de rue), et le « football fédéral » (organisé).
Le football scolaire
Le football scolaire s’exprime à travers les rencontres inter établissements et les championnats de la FENASCO, la fédération nationale du sport scolaire, anciennement OSSUC (organisation du sport scolaire et universitaire du Cameroun). La FENASCO n’entretient pourtant aucun lien formel connu avec la FECAFOOT, ce qui semble illogique. L’âge d’or du football scolaire se situe bien avant les années 1990. De nos jours, il a perdu de sa splendeur et intéresse moins les clubs de l’élite, qui ne jurent plus que par les académies et les centres de formation. Des établissements scolaires investissent de plus en plus dans la formation des jeunes footballeurs, même si le fait n’est pas nouveau. Historiquement, le Collège Vogt (Yaoundé), le Lycée Leclerc (Yaoundé), le Collège Libermann (Douala) et le Lycée du Manengouba (Nkongsamba), notamment, ont été parmi les premiers établissements scolaires à se lancer dans le « sport-études » au Cameroun. Curieusement, le football scolaire n’entretient aucun lien, aucun échange formel avec le football fédéral et les académies. Scolarité et pratique sportive tendent même à devenir des notions inconciliables pour les enfants camerounais, souvent obligés de choisir entre sport et études. Il serait donc bien venu que la FECAFOOT établisse des passerelles formelles avec l’éducation nationale et le football scolaire, car lien permettrait, notamment, de freiner l’abandon scolaire galopant des jeunes sportifs, comblant ainsi le fossé grandissant entre le monde de la formation sportive et celui de la formation scolaire.
Le football de rue
Le football de rue (ou de quartier) quant à lui trouve son apogée lors des championnats de vacances, qui sont une institution au Cameroun, au même titre que les « navétanes » au Sénégal. Le « Mongo Football », comme on l’a appelé jadis, a ainsi pris le relais du football scolaire en termes de popularité et de révélation des talents dès le milieu des années 1990. Des années 1980 à 1990, la société des Brasseries du Cameroun a régulièrement organisé un championnat de vacances très populaire, la « Coupe Top », avant de se lancer elle-même dans la formation dès 1989, avec son Ecole de Football des Brasseries du Cameroun (EFBC) aujourd’hui gérée par un particulier. A cette entreprise qui a contribué à institutionnaliser les championnats de vacances, se sont substitué des promoteurs privés, personnes physiques quelquefois plus avides de publicité personnelle que de spectacle sportif. Le football de rue reste pourtant un vivier incontestable de talents et continue d’avoir les faveurs du grand public, qui y voit le dernier bastion du « vrai football » au Cameroun. Victimes de son succès, le « Mongo football » court aujourd’hui le risque de perdre ce qui a toujours fait sa popularité : l’insouciance, la spontanéité et la fraîcheur de ses acteurs et le désintéressement de ses organisateurs. Une réflexion s’impose pour mieux encadrer ce patrimoine du football national, le protéger des recruteurs internationaux de tout acabit qui y gravitent désormais, et imaginer des passerelles avec le football fédéral.
Le football fédéral
Le football fédéral est le football des équipes de jeunes affiliées à la FECAFOOT, administré par une commission ad hoc. Depuis des années, cette « commission spécialisée » a du mal à tenir la distance, à mettre en place des compétitions structurées et régulières sur toute l’étendue du territoire national. Elle est souvent suppléée par les académies privées, plus réactives, plus flexibles et plus « débrouillardes », qui organisent elles-mêmes des tournois pour leurs jeunes. Le football de jeunes fédéral souffre manifestement d’un problème de gouvernance: les centaines d’éducateurs et dirigeants-promoteurs d’académies du pays déplorent un manque de concertation et de transparence des membres de la Commission ad hoc, dans la prise de décisions les concernant. Parmi les sujets de discorde, les frais d’affiliation, non indexés sur les ressources du plus grand nombre de structures, les frais de visite médicale exorbitants, la non-délivrance systématique des licences et des compétitions irrégulières. Une autre de leurs récriminations concerne l’inégalité des chances dans l’accession des jeunes aux sélections nationales. Le 28 juin 2012, la fédération rendit publique une liste de 30 jeunes pour un stage préparatoire à une rencontre éliminatoire de la CAN Cadets 2013. Cette liste comptait 22 joueurs pour la seule ville de Douala, 04 pour Limbé, 03 pour Yaoundé et 01 seul pour Bafoussam. En mars 2012, sur 35 joueurs convoqués, 17 venaient déjà de Douala, 10 de Yaoundé, 02 de Limbé, 02 de Mfou, 01 de Nkambé, 01 de Garoua, 01 de Dschang et 01 de Bertoua. En octobre 2008, déjà, en vue du match Cameroun-Erythrée comptant pour la CAN Cadets 2009, sur 35 joueurs appelés, 12 venaient de Douala, 11 de Yaoundé, 02 d’Ebolowa, 02 de Garoua, 01 de Limbé et 01 de Bandja. Yaoundé et Douala sont de fait les places fortes du Foot Jeunes au Cameroun, or ces chiffres illustrent bien le déséquilibre qui existe entre les régions pour l’accession des jeunes aux sélections nationales.
On estime actuellement à 80.000, le nombre de pratiquants potentiels du Foot Jeunes au Cameroun, à 10.000 le nombre de ceux qui pratiquent dans les structures informelles et à 1400 le nombre de ceux qui participent aux championnats fédéraux. Il y a donc un grand fossé entre l’offre du Foot Jeunes fédérale et la demande. Mais il devient surtout évident qu’une simple commission de cinq membres, de surcroît sans moyens et sans feuille de route précise, n’est plus à la hauteur des enjeux dans un pays champion olympique de 20 millions d’habitants, dont la moitié a moins de 18 ans, où le poids démographique des moins de 15 ans est de 43,6 %. Les jeunes de moins de 15 ans représentent d’ailleurs 39,2 % de la population en milieu urbain et 47,8 % en milieu rural(1). La création d’une Ligue spécialisée du football des jeunes (sous l’égide de la FECAFOOT) ou d’un grand Département du Football des jeunes sont des pistes d’évolution à ne pas négliger si on veut réellement faire décoller le football des jeunes et permettre à tous les enfants camerounais de le pratiquer, où qu’ils se trouvent sur le territoire.
Jean Claude Mbvoumin, Ancien international, Président de l’Association Foot Solidaire
(1) Rapport du Bureau Central des Recensements et des Etudes de la Population, Cameroun (2005)