Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Bidoung Mkpatt revient sur la prestation en demi-teinte du Cameroun à Corée-Japon 2002.
Au lendemain de l’élimination du Cameroun de la coupe du monde, vous êtes certainement un homme déçu, aujourd’hui…
Je suis déçu comme tous les Camerounais, qui attendaient beaucoup de leur équipe nationale et ils avaient bien raison ; car cette équipe a des potentialités exceptionnelles. Les matches amicaux livrés contre les pays comme l’Argentine, l’Autriche et l’Angleterre présageaient d’un parcours riche en prouesses lors de la coupe du monde. Nous avons une équipe valeureuse et qui a beaucoup d’atouts pour relever de grands défis. Par ailleurs, je puis vous assurer que toutes les dispositions administratives étaient prises pour une prestation honorable à cette coupe du monde. Les programmes arrêtés ont été apprêtés et finalisés un an à l’avance au niveau de mon département ministériel. Et puis, il y a eu cet incident de Paris. Il s’agit du retard créé par les revendications des joueurs. Par rapport à tout cela, il y a de quoi être déçu.
Les Camerounais cherchent et chercheront encore à comprendre les raisons de cette élimination prématurée. En tant que ministre des Sports et chef de la délégation du Cameroun, que leur dites-vous ?
Je dirai au Camerounais que c’est aussi cela la loi du sport. Nous ne pouvons pas gagner tous les jours. Hier, le Cameroun a gagné la médaille d’or aux jeux olympiques face aux grandes nations footballistiques telles que le Brésil qui gagne la coupe du monde aujourd’hui ; ensuite, le Cameroun a gagné la coupe d’Afrique des nations au Nigeria en 2000 avant de rééditer cet exploit cette année même au Mali. Tous les Camerounais étaient contents, mais maintenant nous trébuchons devant de grands pays de football, les meilleurs du monde. Nous devrions sportivement accepter cette défaite, faire un bilan exhaustif de notre participation à la coupe du monde et surtout examiner objectivement les insuffisances constatées pour mieux préparer les prochaines échéances.
A en croire l’entraîneur, tout est parti du retard pris par les Lions à Paris. Comment comprendre que la prime de qualification promise n’ait pas été payée avant le début de la compétition?
Toutes les dispositions administratives pour une participation sereine et honorable ont été prises par mon département ministériel en relation avec la Fécafoot, depuis le premier stage de prise de fonction de l’entraîneur national sélectionneur en vue de régler tous les problèmes d’intendance dans toutes les étapes de préparation.
C’est ainsi qu’au cours d’une réunion que j’ai personnellement présidée à Leverkusen en présence de tous les encadreurs et de tous les joueurs, nous avons arrêté consensuellement les montants des différentes primes tant pour la coupe d’Afrique des nations que pour la coupe du monde. Même les pourcentages des primes des matches amicaux ont été arrêtés dans la convention signée entre mon département ministériel et la Fécafoot. Les primes qui devaient être servies et dont les montants étaient arrêtés d’accord parties sont : la prime de présence, la prime de participation et la prime de match.
Il n’a donc jamais été fait mention d’une prime de qualification. Il s’agit plutôt de la prime de participation. Celle-ci a été arrêtée à Leverkusen et tant pour la CAN que pour la coupe du monde, elle devait être servie aux joueurs avant la compétition. Toutes les dispositions ont été prises dans ce sens. Tout s’est bien passé lors de la CAN. A quelques heures du départ pour la coupe du monde, toutes les dispositions étaient prises pour que la prime soit servie aux joueurs à Paris. Les chèques établis n’ont pas été acceptés par les joueurs. Ceux-ci réclamaient de l’argent liquide pour des raisons diverses. Or, ils sont arrivés à Paris un week-end et lundi était férié. Cette première revendication a dégénéré en une autre : un complément de dix millions de francs à ajouter à chaque joueur. Compte tenu de l’importance de la compétition et sur hautes instructions de la hiérarchie, des dispositions urgentes ont été prises par les départements ministériels compétents pour une solution satisfaisante. Mais c’est trois jours de voyage que les Lions Indomptables ont perdu à Paris. A cause de ce retard et compte tenu des délais d’acclimatation, la chance des Lions indomptables de réaliser une bonne performance au Japon a commencé à être hypothétique.
D’une façon générale, n’avez-vous pas l’impression qu’on parle plus d’argent, beaucoup trop, chez les Lions et autour des Lions, au détriment de l’essentiel ?
Compte tenu du niveau de performance atteint par notre équipe nationale, il est normal que les victoires remportées par ces joueurs méritent une récompense. L’Etat camerounais et son Chef S.E. le Président de la République a toujours su récompenser les acteurs de ces victoires. Compte tenu des énormes sacrifices que consentent ces derniers, il est normal qu’ils bénéficient pour leur propre bien-être et celui de leur famille des retombées des efforts qu’ils déploient pour maintenir très haut le drapeau national. Le football, il est vrai, génère beaucoup d’argent, compte tenu de la popularité de la discipline et des victoires éclatantes que l’équipe nationale remporte ; ils perçoivent de l’argent en guise de motivation mais peut-être pas autant qu’ils en perçoivent dans leur club. Sous les couleurs nationales, ils jouent pour l’honneur de la Patrie. Notre équipe nationale devrait se vendre mieux à l’heure actuelle, par rapport au niveau de performance atteint. Nous avons la possibilité de mieux la professionnaliser par un marketing plus suivi. Le nombre de sponsors qui soutiennent notre équipe nationale n’est pas très élevé et nous pensons qu’une dizaine de sponsors devrait permettre d’alléger le poids financier que supportent les finances publiques. Il est impossible de faire du football sans argent aujourd’hui. La formation et l’entraînement et même la compétition coûtent très cher. Mais l’essentiel au-delà de tout cela doit être sauf, à savoir la défense de l’image de marque de notre patrie à travers le sport, notamment à travers le football.
Sans doute pensez-vous déjà à l’avenir de l’équipe – Allez-vous ordonner un renouvellement au niveau du coaching, par exemple, et au niveau de l’intégration de joueurs plus jeunes et plus confirmés ?
Après une étape importante comme la coupe du monde, il faudrait encore attendre quatre ans pour participer à la prochaine échéance qui aura lieu en Allemagne dans quatre ans. Je ferai le point avec tout mon staff, pour une meilleure projection, par rapport aux effectifs actuels et par rapport à l’avenir, étant donné que certains joueurs qui ont joué cette année compte tenu de leur âge, n’auront plus la possibilité d’être présents à la prochaine coupe du monde. Avec un peu de recul, je vais ordonner une autopsie de la situation et je renforcerai la politique de régénération afin de donner plus de viabilité à l’équipe nationale lors des compétitions futures. D’ailleurs, des compétitions internationales pour des jeunes sont imminentes. C’est l’occasion pour la direction technique de détecter de nouveaux talents susceptibles de remplacer certains joueurs actifs. Cela devra se faire avec beaucoup de minutie et de professionnalisme, à travers les tournois et les matches amicaux auxquels notre équipe nationale sera conviée. Il est impératif d’entreprendre un travail en profondeur, à partir des équipes inférieures : Espoirs, Seniors, Juniors, Cadets pour préparer une meilleure relève. Déjà il importe de relever que l’équipe nationale junior va bientôt se produire dans le cadre des éliminatoires de la CAN Burkina 2003. Une sélection minutieuse devra être faite à cette occasion.
Un des Lions a évoqué des » problèmes autour de l’équipe » comme une des explications possibles à leur échec. Est-il vrai M. le ministre, qu’il y a une sorte d’affairisme autour des Lions, et qu’un certain sponsor y dicte pratiquement sa loi ?
Aucun sponsor n’a le monopole de la gestion de l’équipe nationale. Il existe entre le MINJES et la Fécafoot une plate-forme dont le suivi est assuré par un comité que j’ai mis en place pour gérer les retombées des différents sponsorings. Il se trouve que nous venons d’assister au plus important rendez-vous en matière de football ; chaque équipe avait établi un programme pour la vente de son image de marque et celle de son pays. C’était notre cas. Cela se faisait à travers des conférences de presse, chaque composante de l’équipe technique et administrative devait donner les détails de sa préparation et de son fonctionnement. En accord avec la Fécafoot, bien entendu.
La société Puma s’occupait de l’organisation des conférences de presse, sous la supervision de l’officier de presse désigné en la personne de Jean Lambert Nang. L’essentiel ici était de faire le point des préparatifs match après match et de permettre aux acteurs de s’exprimer. C’est la même stratégie qu’utilisaient toutes les autres équipes, avec le concours des sponsors de leur fédération. Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est celui de la professionnalisation de notre équipe, parce que ni la fédération, ni l’Etat ne peuvent tout faire ; les sponsors sont un support idoine qui doit permettre à notre football d’émerger et de se mettre au même diapason que les autres grandes nations de football.
Quel est l’avenir immédiat de l’équipe du Cameroun ; le prochain cap ?
L’avenir immédiat de l’équipe du Cameroun, c’est essentiellement, le travail de détection de nouveaux talents par l’encadrement technique pour une relève efficace, afin que l’esprit de Sydney et du Mali prévale et que de nouvelles victoires se préparent à travers la participation de l’équipe à des matches amicaux et des tournois. La prochaine grande échéance, c’est les éliminatoires de la CAN junior Burkina 2003 qui commencent ce mois contre la Tanzanie ; le match aller a lieu au Cameroun. Puis vont suivre la coupe de la CEMAC, la CAN pour les cadets au mois de décembre et la coupe des confédérations en 2003. Nous entendons les préparer dès maintenant, ainsi que les échéances suivantes qui sont la CAN 2004, la CAN et la coupe du monde 2006.