Vous avez pris les rênes de la Fécafoot. On peut penser que vous avez enfin obtenu ce que vous vouliez ?
Avant toute chose, je dois exprimer ma joie et ma gratitude au président de la République qui a tout mis en œuvre pour que ce processus arrive au bout. Il nous a montré qu’il était là pour la jeunesse sportive et footballistique en particulier. Il y a aussi le sentiment d’un acte de confiance posé par les membres de l’assemblée générale en me portant à la tête de cette fédération. Je pense être capable de faire le travail attendu pour qu’ils ne regrettent pas leur choix du 28 septembre. Cela dit, il y a 20 ans, j’avais pensé que je pouvais mettre une stratégie sur pied pour être président de la Fécafoot. C’est un rêve que j’ai caressé et partagé avec deux ou trois personnes. C’était un objectif sur du long terme et même Dieu dit qu’Il est avec ceux qui patientent. Il fallait que je montre à Dieu que je suis prêt à patienter, à travailler dans la durée. J’ai eu ce que j’ai voulu.
Pourtant, tout semblait joué d’avance lors de l’élection…
A ceux qui disent que le chemin était préparé d’avance, je dirais tout simplement que ça l’était par Dieu. Ce chemin n’a jamais été préparé par un homme. Surtout pas par le Comité de normalisation. De l’extérieur, on peut le penser mais vous n’imaginez pas que plusieurs membres du Comité étaient venus en disant « tous ceux qui sont là, nous allons les mettre dehors ». Leur ambition n’était absolument pas de me préparer. Chacun a eu sa chance.
Ce n’est pas un secret qu’il y a eu consensus. Qu’est-ce qui a prévalu pour que tout le monde se mette d’accord ?
Je me présente toujours comme un homme du consensus. C’est pour cela que je ne suis pas extrémiste, ça ne mène à rien. Quand il y a un problème, on peut s’asseoir et discuter. Il y en a qui ont choisi de se mettre en face de moi mais parmi eux, certains peuvent travailler avec moi. Et même à ceux qui ne font pas partie du consensus, puisque c’est le terme consacré, je dirais qu’ils en font partie. Je vais aller vers eux et ceux qui acceptent ma main tendue seront de l’équipe technique de la Fécafoot.
Comment faire du neuf avec du vieux, comment prétendre à la rupture avec des personnalités qui traînent des casseroles?
La présence dans cette liste de personnes expérimentées est plutôt une chance pour le football camerounais. C’est à moi de montrer aux Camerounais que ces gens-là sont là pour travailler. Je ne pense pas que ces personnalités sont là pour continuer à tirer dans le mauvais sens. Nous avons suivi les conseils de la haute hiérarchie et chacune des personnes qui figurent sur cette liste a pris l’engagement de travailler selon la directive reçue et selon le projet mis sur pied.
Comment convaincre les Camerounais qui ont une mauvaise expérience des deux ans qui viennent de passer ?
Je suis d’accord. C’est pour cela que lors de mon discours-programme, j’ai clairement présenté des excuses au public camerounais pour l’image négative que les acteurs du football ont véhiculée. C’est pour cela qu’il faut absolument redonner confiance à travers les actes que nous poserons. La bataille des élections est terminée. A ceux qui ont postulé pour être président de la Fécafoot ou membre du Comité exécutif, je dis encore qu’ils ont la possibilité de participer au projet. Je leur conseille de faire comme moi et que, de l’intérieur, ils peaufinent leurs stratégies, car il est établi que c’est très difficile d’entrer dans une maison par le toit. Ainsi, dans quatre ans, ce sera facile pour eux d’être président de la Fécafoot. Il y a un gros travail à faire au niveau de l’image. C’est pour cela que nous appelons à la contribution de la presse, qui a beaucoup plus travaillé à mettre en avant les faits divers plutôt que les actes de développement posés par la Fécafoot.
Tout n’est pourtant pas terminé puisqu’il y a l’élection annulée à l’Est et les deux sentences attendues à la Chambre de conciliation et d’arbitrage…
Je suis un républicain. Quelle que soit la décision de la CCA, je la respecterais. Je ne ferais pas appel car les Camerounais ont trop souffert de ces voyages Yaoundé-Lausanne-Yaoundé. Toutes les décisions seront respectées. Nous ne ferons pas de commentaire car on ne commente pas une décision, on l’exécute. Nous sommes au Cameroun et nous avons l’obligation de respecter les lois du pays. A travers les motivations de la décision, que je n’ai pas encore vues, on va aviser pour le cas de l’Est. Si la CCA demande que les élections soient reprises, nous le ferons.
Quel diagnostic faites-vous de la Fédération que vous prenez en main ?
C’est clair qu’aujourd’hui, le Cameroun a baissé au niveau des résultats mais c’était la fin d’un cycle. Il faut le comprendre. En 1990, le Cameroun fait une très belle coupe du monde. C’était la fin d’une génération qui a brillé dans les années 70-80. On a terminé le Mondial 82 avec trois matchs nuls et aucune défaite. Cette équipe avait le niveau pour passer le premier tour. Après, on a connu une traversée du désert. A la CAN 1998, on est éliminé aux quarts de finale avec cette équipe constituée de jeunes après le fiasco de 1996. Elle est arrivée à maturité dans les années 2000. Seulement, il y a eu un problème de renouvellement des effectifs au niveau de l’équipe première. Je ne critique personne mais à un moment, des joueurs sont restés 15 ans aux mêmes postes, recevant les convocations même quand ils ne sont pas titulaires en clubs. Dans la foulée, des générations sont passées à côté sans jamais avoir l’occasion de rentrer dans l’équipe, même pour les regroupements ou les matchs amicaux. C’est une erreur qu’il va falloir corriger. On est à une phase de renouvellement après la coupe du monde 2014. Nous avons aujourd’hui une équipe plus performante que celle qu’on avait commencé à mettre sur pied en 1998. Réajusté à certains postes, ce groupe peut faire le même boulot que celui qui nous a mené au sommet du football.
Le football jeune a lui aussi été laissé totalement à l’abandon à un moment…
C’est clair et c’est un point important de notre projet : comment redynamiser le football jeune afin que les meilleurs soient pris en charge par la fédération dès lors qu’ils ont au moins 13 ans ? Ce sont eux qui seront les Lions de demain pour ramener un peu de joie aux Camerounais.
Qu’en est-il de la situation du football féminin qui n’est pas plus reluisante ?
Quand je suis arrivé comme secrétaire général, puisque l’organisation des compétitions faisait partie de mes prérogatives, le football féminin se jouait par zone au niveau de l’élite. On a créé un championnat unique, sur l’ensemble du territoire, qui se jouait avec six ou sept clubs. Aujourd’hui, on est à beaucoup plus que ça. Il est vrai qu’il y a eu cette fameuse grève qui nous a mis dans l’amertume, suivie par la sanction des clubs. Mais nous allons régler tout ça. J’ai mis sur pied des compétitions afin de multiplier le nombre de matchs pour que les pratiquantes aient le niveau pour rivaliser avec leurs homologues africaines. C’est pour cela qu’on est arrivé à ce niveau en ce moment. Je vais maintenir ces compétitions et multiplier les tournois, de sorte que dans toutes les régions, la deuxième division se joue.
Quels seront justement les chantiers les plus urgents ?
Ils sont tous urgents mais il va falloir prioriser certains, notamment le développement des infrastructures. Le gouvernement ne peut pas tout faire tout seul. Nous saluons le Programme national de développement des infrastructures sportives (PNDIS) mis sur pied depuis quelques années. Tout ce que l’Etat a l’ambition de faire est sur du moyen terme, ça ne peut pas se faire en un jour. Notre projet sera appliqué sur quatre ans et nous avons ciblé des villes pour avoir des aires de jeu. Pour construire un terrain, c’est un minimum de dix mois. Nous allons prioriser les pelouses synthétiques car plus résistantes. D’ailleurs, la Fifa recommande leur usage car il y a une pénurie d’infrastructures. Ça va être notre modeste contribution au PNDIS.
Que devient le chantier du siège qui piétine depuis quelques années ?
Nous avons décidé de parachever la construction du siège. Le chantier n’est pas à l’arrêt, même si nous avons connu certaines difficultés par rapport à des aléas. Il y a des ouvriers et ça avance, même si ce n’est pas au rythme souhaité. Il va falloir arriver au bout parce que ça va être un bon ouvrage à capitaliser. Avec un immeuble d’une valeur de plus de deux milliards de F, quelle banque peut nous refuser une avance de 200 millions de F pour terminer la construction d’un terrain ? C’est pour cela que ce sera notre priorité. Je ne vais toutefois pas m’aventurer à donner un délai. Ce qui est sûr, on verra l’immeuble avant nos quatre ans de mandat. Sauf imprévu, à mi-mandat, la Fécafoot sera à Warda.
Propos recueillis par JRM