La Commission de relecture des textes de la fédération camerounaise de football a solennellement remis son rapport mercredi, 14 juillet 2004, au ministre de la Jeunesse et de sports, quelques instants après les contre-propositions élaborées par le bureau exécutif de la fédération. On attend l’arbitrage de la Fifa.
Le rapport de la commission de relecture établit dans ses termes de référence que préalablement, elle a interprété les termes de sa mission en trois questions principales : les textes actuels sont-ils pertinents ? Organisent-ils suffisamment les rapports de tutelle avec le ministère des Sports ? Sont-ils conformes aux statuts et règlements de la Fifa ? Mais aussi, les membres de la commission ont-ils tenu à préciser, que celle-ci est allée «au-delà d’une relecture mécanique des textes, pour mener une véritable réflexion prospective » sur le football camerounais.
Dans l’examen des textes de base, la commission a analysé trois questions : la qualité de membre de la fédération ; l’organisation de la fédération ; les rapports de tutelle entre le Minjes et la Fecafoot. La Commission recommande ainsi que, seuls les associations, les clubs, les ligues, les associations de corps de métiers ( arbitres, entraîneurs, footballeurs, etc.) soient des membres à part entières de la fédération, contrairement aux textes en vigueur qui permettent aussi que des personnes physiques soient admises es qualité. Pour cette catégorie de personne, la commission prescrit la création d’un comité d’honneur qui accueillerait les anciens présidents de la fédération et d’autres personnes ayant contribué au développement et au rayonnement du football camerounais.
De l’organisation
Dans l’organisation de la Fecafoot, la commission retient comme base, le niveau national et pas les niveaux inférieurs (provincial, départemental, et d’arrondissement) qu’elle présente comme des extensions de la fédération. Elle remet en cause la crédibilité du conseil d’administration dont les membres font aussi partie du bureau exécutif, ce qui défavorise le travail de contrôle du conseil. Par conséquent, la commission recommande les instances suivantes à la Fecafoot : l’assemblée générale ; le conseil fédéral (en lieu et place du conseil d’administration) ; le président ; le secrétariat général. Ainsi, les compétences du bureau exécutif seraient dévolues au président, au conseil fédéral et au secrétariat général. Comme on peut le constater, la commission érige le président en organe, tandis que le secrétariat général devient un organe permanent de la fédération sous la direction du Sg nommé par le conseil fédéral sur proposition du président avec lequel il signe un contrat. Il n’aura donc plus qu’une voix consultative à l’assemblée générale, comme cela se passe à la Fifa.
Dans le cadre de cette réorganisation, la commission propose que l’assemblée générale passe de 169 membres à 104 membres et que les dix provinces n’aient plus la même représentativité. Les textes en vigueur accordent à chaque province, 10 délégués à l’assemblée générale. Tout en imposant qu’aucune province ne soit représentée à moins de 5 délégués, les textes de la Commission recommandent qu’aucune province ne déborde non plus le nombre de 10 délégués ; la répartition se ferait ainsi sur la base de : 1 délégué pour 2 clubs de DII. Pour eux, la représentativité en province se fait au niveau des clubs de DII.
Pour l’élection des membres du Conseil fédéral, la commission récuse le scrutin de liste et propose l’élection uninominale pour le seul président de la fédération, les autres membres du conseil fédéral étant désignés par ceux qu’ils représentent : les ligues provinciales, les clubs de DI, les associations des corps de métiers et les représentants des ligues spécialisées (en supposant que ces ligues sont agréées effectivement par la fédération). Les avantages, souligne la commission, sont les suivantes : les clubs ne devraient plus moins représentés au profit de personnes désignées es qualité et le conseil fédéral évitera d’être un groupe d’affidés, réunis par la tête de liste et disposés à une collusion inévitable. D’autre part, ce mode de désignation évite la mise à l’écart de « bons candidats» qui parfois, ne peuvent pas constituer une liste réunissant les quotas des dix provinces.
La commission préconise aussi un comité d’urgence pour gérer certaines affaires entre deux sessions du conseil fédéral et propose que parmi les trois organes juridictionnels de la fédération, que la commission ad hoc d’appel devienne permanente pour éviter les manipulations et que, le tribunal arbitral soit effectivement mis en place.
Dans la convention Minjes/Fecafoot, la commission propose que les 55% des revenus des Lions Indomptables versés au Minjes par le canal du trésor public soient orientés ainsi qu’il suit : 2/3 des sommes doivent alimenter un fonds de développement du football (à créer) cogéré par le Minjes et la Fecafoot et que les 1/3 restant aillent au développement des autres sports.
La fédération fait des contre-propositions
Evidemment, le bureau exécutif de la fédération n’agrée pas ces propositions. Son comité chargé d’examiner le rapport de la commission, dirigé par Antoine Essomba Eyenga en récuse plusieurs. Et globalement, ce comité qui déclare s’être appuyé sur les statuts standards de la Fifa adoptés à Doha en 2002, les correspondances et observations que la Fifa avait faites au moment de l’adoption des textes de la Fécafoot élaborés en 1999 (ceux actuellement en vigueur), les lois de la République du Cameroun relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale et à celle des conseillers municipaux dans les Mairies, la convention Minjes/Fécafoot signée en 2000 et autres textes (Charte des sports par exemple) relatifs à la pratique du sport au Cameroun, trouve les textes de la commission Nguewa « en contradiction avec les prescriptions de la Fifa ; en violation des lois et règlements de la République ; en total déphasage avec les réalités socio-politiques du Cameroun ». Mais il finit aussi en annonçant que «la Fécafoot pour sa part, (…) s’est dores et déjà attelée à l’élaboration d’un projet de statut calqué sur le modèle standard de la Fifa ». Les multiples observations faites par ce comité adhoc pour le compte de la Fécafoot, auraient déjà été acheminées à la Fifa. C’est sans doute ce qui fait dire à bon nombre d’observateurs (dont les chroniqueurs sportifs) qu’on serait entrain de s’acheminer vers un bras de fer entre le Minjes et la fédération.
En effet, quoi qu’observant que le rapport de la commission créée par le Minjes contient « quelques propositions pertinentes », la Fédération oppose beaucoup de contre-propositions à la commission Nguewa Omer. Elle ne veut rien changer ni à la représentativité, ni au mode de désignation de membres . Par exemple, elle récuse l’idée de la commission d’admettre les candidatures des personnes non membres de l’assemblée générale, même parrainées par des membres de l’assemblée générale ou soutenues par 35 signatures, au minimum, des membres des ligues provinciales. Comme dopée par le conflit actuel, la Fecafoot réclame ses droits bafoués par le passé. Elle propose par exemple que le ministre des sports ne nomme plus de représentants à l’assemblée générale et même, dénonce la convention qu’elle avait, dans le souci d’harmoniser ses relations avec le Minjes, signée en l’an 2000 sous Bidoung Mpkatt. La commission Nguewa n’a pas dénoncé cette convention.
D’autre part, la Fecafoot annonce qu’elle envisage la création d’une direction générale chargée de l’administration et des finances à côté d’un secrétaire général (toujours élu) chargé de la gestion des compétitions. La Fécafoot dénonce aussi (avec raison) la disposition qui remet la gestion de l’équipe nationale aux mains du Minjes et annonce qu’elle «envisage d’élaborer dans les meilleurs délais possibles en respect avec les règlements de la Fifa, le texte particulier fixant les règles de fonctionnement de la direction technique de l’équipe nationale ». Elle suggère donc l’élaboration d’une nouvelle convention avec l’Etat, « en respect des prescriptions de la Fifa et qui disposerait notamment que la gestion technique et administrative des équipes nationales ainsi que l’organisation des compétitions internationales ressortissent de la compétence exclusive de la Fédération tandis que la gestion financière et comptable des équipes nationales relèverait de la compétence de l’Etat ».
Dans le contexte de batailles feutrées que se livrent les acteurs du football, on constate que la fédération, hier encore modérée voire complice vis-à-vis de l’Etat ou de certains ministres, sort ses griffes et réclame ses droits. La Fifa, qui a indiqué qu’elle était disposée à soutenir la relecture des textes initiée par le gouvernement, à condition qu’elle se déroule dans le strict respect de ses principes et de ses statuts-types, doit désormais trancher. Avant de dire lesquels des textes sont véritablement en conformité avec ses prescriptions, il lui faudra résoudre l’épineux problème africain des fédérations qui ont besoin de l’Etat pour mener leurs actions de service public.
Par Venant MBOUA, Le Messager