La sentence de l’appel formulée à la plus haute cours de justice en matière de sport par la fédération camerounaise de football a été rendue public ce jeudi. Et le Tribunal Arbitral du Sport a expliqué de manière succincte les raisons qui l’ont amenées à rejeter l’appel de l’institution qui gère le football au Cameroun. Le document est détaillé, et comme à son habitude, reprend les réclamations des deux parties et leurs argumentaires, avant d’utiliser la jurisprudence pour étayer ses conclusions.
Au travers de ce duel qui s’articulait autour de la rétrogradation de New Stars de Douala en Ligue 2, se profilait aussi le débat du retrait d’agrément décidée par la Fécafoot à l’encontre de la Ligue. Les juges se sont longuement étalés sur cette question, mais sont venus à la conclusion que la Fédération Camerounaise de Football a agi de mauvaise foi (point 144 et suivants) puisqu’aucune preuve ne soutient les allégations de corruption, de mauvaise gestion, et tout le quidam que l’on reproche à la Ligue.
La fédération est aussi accusée de fouler du pied ses propres règlements, en usant de malices, en fournissant des documents falsifiés (voir point 155 et suivants), et même s’il s’avérerait que tout cela soit vrai, la Ligue n’aura jamais été invitée à se défendre, point 164.
On comprend pourquoi la Fédération Camerounaise de Football a perdu plus d’un milliard de FCFA dans les batailles juridiques. Cette cause aurait très bien pu se régler hors cours. Mais l’animosité entre les différents protagonistes a forcé la tenue des procédures longues et fastidieuses. Pour la Fécafoot, il s’agit aussi d’un moyen de sortir de l’argent des caisses afin de payer les amis et partenaires. On peut prendre des paris de la présences des rétrocommissions.
Morceaux choisis des articles pertinents de la sentence
144. A teneur de l’art. 129 du Code disciplinaire de la FECAFOOT « [la charge de la preuve des fautes disciplinaires commises incombe à la Fédération ou à ses ligues ou au plaignant suivant le cas ». La même règle de répartition du fardeau de la preuve vaut en droit suisse. L’mi. 8 CC, applicable en l’absence de disposition spéciale contraire, prévoit, en effet, que : « chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. ». Cette disposition répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c) et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l’échec de la preuve (ATF 126 III 189 consid. 2b; ATF 125 III 78 consid. 3b).
145. En vertu de ces références légales et jurisprudentielles, la FECAFOOT qui prétend à l’existence de violations graves et réitérées commises par la LFPC devait prouver les faits dont elle pouvait déduire son droit de suspendre cette dernière.
146. Or, en l’espèce, la FECAFOOT s’est contentée d’alléguer que la LFPC avait été suspendue pour « manquement, dysfonctionnement et défaillance constatées » dans le cadre de sa déclaration d’appel du 28 novembre 2019, sans toutefois justifier chacun des griefs et sans, de plus, apporter de preuve pour étayer ce constat. Le mémoire d’appel est tout aussi muet sur les accusations portées à l’encontre de la LFPC. Lorsqu’elle a été interpellée par la Formation sur cette question, l’ Appelante, dans son courrier du 31 juillet 2020 a fait une déclaration révélatrice selon laquelle les « motifs invoqués, soit la violation grave et réitérée de ses obligations, paraissent devoir constituer un motif suffisant du fondement de la mesure ayant entrainé la suspension de la LFPC » (soulignement ajouté), ce qui établit qu’il s’agit d’une supposition plutôt que d’une certitude.
147. Les explications des membres de la FECAFOOT et de ses témoins présents lors de l’audience du 1er juillet 2020 n’ont pas été convaincantes. En particulier, lors de son audition, M. Aboubacar Alim KONATE a fait état de crises entre la LFPC et les clubs sans, là encore, donner plus de détails et de preuves pour étayer ses déclarations. Il a, en outre, évoqué des problèmes de corruption, une utilisation indue des fonds remis en gestion, des changements de formules à répétition et des « tripatouillages » sans apporter le moindre début de preuve ( ou sans se référer à une éventuelle preuve qui aurait été déposée dans le cadre de la procédure) à ces accusations.
148. Il s’ensuit que la compétence du Comité exécutif pour prendre la décision de suspension du 3 septembre 2020 – respectivement confirmer celle prise par son bureau exécutif en vertu de l’art. 48 al. 5 des Statuts de la FECAFOOT – est douteuse dès lors que les violations graves reprochées à la LFPC n’ont pas été démontrées. En l’absence de justifications et de preuves de telles violations, la compétence pour prendre la décision de suspension appartenait à l’Assemblée générale, ce qui constitue un premier motif justifiant la constatation de la nullité de la décision du 3 septembre 2019.
155. En revanche, le 8 avril 2020, l’ Appelante a produit le procès-verbal de l’Assemblée générale du 17 octobre 2019 et un procès-verbal de constat dressé par Me Dieudonné ONAH MBOUROU. Ces deux documents entrent en contradiction avec le communiqué dans la mesure où il en ressort que l’Assemblée aurait délibéré sur la suspension de la LFPC et l’aurait confirmée.