Le mythique stade municipal de Mbalmayo n’est plus que l’ombre de lui-même. Situé en plein cœur du quartier « Newtown », il s’offre avec toutes ses laideurs. Au fil des années, le joyau architectural qui a fait le bonheur et la fierté des populations du département du Nyong et So’o, est devenu l’ombre de lui-même.
A première vue, rien n’indique qu’il s’agit d’un stade de football. Seuls quelques amateurs du ballon rond se souviennent encore du vestige en péril. Difficile de savoir que de grands noms de footballeurs sont passés ici. Soit en tant que joueurs évoluant dans l’une des multiples équipes de la ville ; soit venus dans le cadre d’une rencontre de football. Des noms comme : Bentchell, Njoko Isidore, Ebela, ou encore des internationaux camerounais comme Aoudou Ibrahim, feu le gardien de buts Ngondiep ont commencé à taper sur le ballon ici.
Si le stade municipal de Mbalmayo n’a pas résisté à l’évolution du temps, c’est aussi à cause des conflits et les clivages sociologiques nés entre dirigeants de clubs et reléguant le football à l’arrière plan. «De grandes équipes ont fait la gloire de la ville. Le football a connu son apogée avec l’épopée de « Mbalmayo club » en division d’élite. Toute la ville était une et on vibrait au rythme de l’équipe. De nombreuses équipes ont été créées et ont accédé en 2ème division. C’est le cas de : Réal de Nkongsi, Cocam de Mbalmayo. Il y a même eu Olympique club de Mvolyé qui a pris ses quartiers ici, grâce aussi à la beauté de ce stade», se souvient Balogog Timoé Léon, ancien footballeur.
De nombreuses gloires de football ayant fait leurs premiers pas au stade municipal de Mbalmayo pensent que les clivages créés par le pluralisme politique dans les années 1990, ont davantage jeté de l’huile dans le feu. C’est dans la même période que le stade municipal a commencé à se dégrader pour devenir ce qu’il est. Sur la grande muraille qui donne sur l’axe routier principal, on voit comment le fleuron se bat contre l’âge et la décrépitude. Plusieurs fois, des pans de la clôture se sont écroulés ou ont menacé de tomber, quelques nostalgiques ont réussi à sauver ce qui pouvait l’être. Des artistes plasticiens amateurs se sont donnés le plaisir de dessiner des photos de stars camerounaises de football sur la clôture. Eto’o Fils, Roger Milla, Marc Vivien Foe (de regrettée mémoire)… Une fois à l’intérieur, on se croirait dans un garage sinon dans la cour de recréation d’une école publique de canton. De part et d’autre du vestige, les murs sont en déphase avec l’enceinte d’un terrain de football. Ce qui tient lieu de toilette est un petit mur en parpaings, à l’allure quelconque. L’aire de jeu ressemble à un champ de patates.
La mort dans l’âme
David Dacko, populairement connu sous le nom de « Columbo » ou « Tkc », a de la peine à parler de la grande épopée du stade municipal de Mbalmayo. « Il y a quelques années, la ville de Mbalmayo était le centre du football dans la grande région du Centre Sud Est. On était si bien évolué que le département était comme la pépinière des footballeurs. Tous les grands clubs venaient se ravitailler ici. S’agissant du stade municipal, de grandes rencontres de football étaient organisées ici, pour le bonheur de tous », se souvient-il. Nostalgique. Lorsqu’il débarque dans cette « Ville Cruelle » si chère à Eza Boto en 1963, le stade qui est nouvellement construit (longtemps avant la construction du stade Ahmadou Ahidjo) attire des foules. Il est le plus beau et le plus stratégique de la région du Centre Sud Est. En dehors du stade militaire à Yaoundé, les plus grandes confrontations et derbys sont programmés dans la ville. « Mbalmayo n’était pas ce qu’on voit aujourd’hui. C’était une ville de transit grâce au port fluvial à travers lequel transitaient les marchandises de Douala pour Yaoundé. Il y avait de grandes entreprises dirigées par les Grecs ; ce qui faisait que la ville était tout le temps animée et par conséquent, il y avait du beau football », ajoute David Dacko.
Des appels sont lancés en vue de la rénovation du vestige. Toute la ville rêve des moments où le stade une fois sorti de sa déliquescence actuelle va de nouveau recevoir de grands matches de football.
Souley Onoholio