Le match international de dimanche dernier, entre le Cameroun et la Côte d’Ivoire, a encore donné l’occasion aux observateurs de se rendre compte de l’incapacité du stade Ahmadou Ahidjo à accueillir un match de football de haut niveau, dans les normes minimales exigibles.
La cellule de communication de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), à son petit niveau, a bien essayé d’aménager une zone mixte (espace réservé pour les interviewes d’après-match) dans l’une des salles situées au sous-sol du stade.
Mais, pour bon nombre de confrères, il a été impossible d’y accéder à la fin de la rencontre, puisque la meute des spectateurs des tribunes A et B se marchaient sur les pieds pour sortir, et bouchaient donc l’accès vers les vestiaires. Dans une cacaophonie indescriptible, les policiers s’y sont mêlés et bousculaient tout le monde dans tous les sens. Ceux des journalistes qui ont pu accéder à la zone mixte ont eu vraisemblablement du mal à s’en sortir, pour aller produire rapidement leurs papiers.
Le reste de l’enceinte de Mfandena est un champ de ruines où rien, mais alors rien, ne marche. Le tableau électronique est désepérement muet; chaque reporter ou spectateur est donc obligé d’avoir son chronomètre personnel pour suivre le déroulement du match. La tribune de presse n’existe pas; les journalistes accrédités se disputent les sièges avec des spectateurs payants sur l’aile gauche de la tribune présidentielle. De la même façon, ils se déchirent avec leurs voisins spectateurs pour essayer d’attraper la feuille de match distribuée avec peine, par dessus les têtes, par la cellule de communication de la Fécafoot. On a beau crier « c’est pour les journalistes! », les spectateurs se servent avec furie de ces feuilles de match. Avec raison, puisqu’il n’y a pas de speaker au stade pour donner la composition des équipes, ainsi que les divers remplacements effectués. Seulement six boxes vitrés, sans pupitre, dont deux inopérationnels parce que barrés par un gros pilier en béton, sont prévus pour les médias audiovisuels. Dans quel pays a-t-on vu ça ?
La main courante est exagérement peuplée. De ramasseurs de balle, de secouristes, de photograhes et de cameramen, bien sûr. Mais, aussi, d’une batterie de gens du protocole, d’innombrables agents de sécurité et de quelques journalistes qui ont là le seul moyen de pouvoir recueillir les propos des acteurs. Ils ne peuvent le faire en réalité, avec beaucoup de chance, qu’à la mi-temps. A la fin du match, en effet, les joueurs sont encerclés par des spectateurs qui quittent les gradins pour se retrouver dans l’aire de jeu. Le seul reflexe des joueurs est alors de s’extirper de cette masse populaire pour regagner les vestiaires, et non de répondre aux questions des journalistes. Et pendant ce temps, que fait la colonie des forces de sécurité grassement payées?
Rien. Si ce n’est en rajouter au désordre en agitant les matraques dans tous les sens alors que les spectateurs ont déjà envahi l’aire de jeu, et très souvent le couloir qui mène aux vestiaires. Pourtant, dimanche dernier, la police était renforcée par des vigiles privés qui arboraient de manière voyante des chasubles marqués « sécurité » (avec une grosse virgule de Nike sur le ventre, alors que la Fécafoot est sous contrat avec Puma). Le public camerounais est indiscipliné; on peut être heureux qu’il ne soit pas violent, mais c’est avec le feu que l’on joue ici. Une sécurité fantoche et inefficace, malgré ses effectifs impressionnants, qui est le comble de l’amateurisme dans la gestion du stade Ahmadou Ahidjo. Une infrastructure vétuste, inadaptée à la compétition internationale, qui mérite une vraie réfection globale, et non la régénération saisonnière du gazon qui, elle-même, n’est que trop approximative.
Emmanuel Gustave Samnick, Mutations