L’ancien allier des Lions indomptables au mondial 90, reserviste de luxe, n’était pas moins un joueur incontournable dans le groupe de Valéry Nepomniachi, l’entraineur de l’époque. Mais, il ne s’est uniquement pas fait remarquer par son talent à cette grand’messe. Très taquin et courageux, Maboang fut le premier joueur camerounais à ouvrir le bal des photos avec la star argentine, Diego Maradona, véritable vedette de l’époque, au point d’emballer presque toute la délégation camerounaise, y compris Ministre des Sports, le Regretté Joseph Fofé et l’arbitre central de ce match Argentine-Cameroun, le Français Michel Vautrot.
L’ancien joueur du Lions de Yaoundé s’en gargarise d’ailleurs dans cet entretien.
Est-ce qu’en 1990 lors de votre première Coupe du monde vous avez été surpris par votre convocation en équipe nationale fanion ?
Je m’attendais déjà à une convocation, parce que j’avais déjà joué en sélection chez les cadets, chez les juniors, et les espoirs. Et les deux buts que j’avais marqués en Coupe d’Afrique contre le Kenya (Algérie 1990, ndlr) avaient frappé les esprits, et m’avaient lancé pour la coupe du monde. Et il n’y avait plus d’autres compétitions après. Et ça reste dans l’esprit des entraineurs que Maboang a marqué deux buts, et ça me lance en coupe du monde. Sauf que je me retrouve avec Roger (Milla, ndlr), qui n’est pas dans la liste initiale, n’ayant pas fait les éliminatoires avec nous. Donc, ça fait que je me pose des questions, pensant que c’est moi qu’on va laisser. Ça fait qu’on a Alphonse Tchami qu’on a laissé, Dang Dagobert… Il y a Oman Biyick et Ebongue qui sont là, et Roger qui arrive, donc, je sais que je dois partir. Mais, beaucoup de choses se passent, et le coach (le Soviétique Valéry Nepomniachi, ndlr) me recase à droite, et Roger et moi, nous sommes remplaçants. Il décide de jouer avec François et Makanaky… On arrive à cette coupe du monde, avec des jeans…donc, la liste était tellement difficile, qu’on ne l’avait jamais eu avant. Pour 1990, on s’est retrouvé un matin au nombre de 22, puisque chaque soir, on faisait partir trois personnes en catimini. On venait à 23 heures te signifier dans ta chambre que tu n’étais plus du groupe et que tu devais rentrer au pays préparer la prochaine coupe d’Afrique. Au départ, on était 27, après on se retrouvait au nombre de 25, puis 22, et c’est le groupe qui allait en Coupe du monde.
Est-ce qu’à votre époque votre préparation était influée par des soucis administratifs tels que le paiement de primes, comme on en voit un peu de partout aujourd’hui?
On avait des primes olympiques qui étaient fixés à 1000 F Cfa, ou 3 000 F Cfa par jour. On n’avait pas de sponsor, on n’avait pas un problème de prime. D’abord, on ne savait même pas où on allait. On n’avait pas, pour la plupart, des comptes bancaires. C’est à la veille du match Cameroun-Argentine (Italie 90, 1:0) qu’on nous a proposé 600 000 F Cfa de prime de participation. Des grand-frères se sont réunis pour discuter, et la prime est passée de 3000 000 F Cfa à 6 000 000 F Cfa, et nous sommes partis jouer contre l’Argentine.
Quelle est pour vous l’anecdote la plus marquante de l’entre-deux coupes du monde, 1982 et 1990 ?
La petite histoire en 1990, était l’arrivée de Maradona au stade du Milan. Tous les joueurs chantent. Les Argentins s’entrainent sans Maradona. Nous, on cherche Maradona, et moi, mon rêve, c’est de toucher Maradona. Il arrive avec pleins de journalistes à ses trousses, et moi j’arrête l’échauffement, parce que je ne commençais pas le match, et je cherche à faire la photo avec Maradona. Notre Ministre des Sports de l’époque (Joseph Fofé, ndlr), me demande, « mais, qu’est-ce que tu fabriques là au lieu de t’échauffer ». Sauf qu’en cinq minutes, le Ministre lui-même m’a donné son appareil pour lui faire une photo avec Maradona (rires). Ensuite, à la fin du match, je demande le maillot à Maradona, puis, sans intrigue, Roger Milla me dit : « toi, prends mon maillot et tu me donnes celui de Maradona ».
Ainsi, vous étiez obnubilé par la présence de Maradona, malgré votre victoire inouïe ?
Je ne connais pas un seul joueur, même Roger Milla, qui n’a pas voulu faire la photo avec Maradona. On ne s’est même pas échauffé, pour tout vous dire. Tous les regards étaient braqués sur lui. Je vous le dit, même l’arbitre, Michel Vautrot m’avait donné son appareil pour le prendre en photo avec Maradona. Moi j’ai demandé la photo, je l’ai eu, et puis tout le monde s’est mis à faire la photo avec lui avant le match… Quand on a vu Maradona jongler le ballon, au moins quatorze joueurs ont pleuré par émotion. La Coupe du monde n’a commencé pour nous que lorsqu’on nous nous sommes mis en rang pour saluer les Argentins, et j’étais à la queue, parce que je voulais me filmer avec Maradona, c’était mon rêve. Surtout lorsqu’Omam Biyick nous a fait savoir que le Chef de l’Etat (Paul Biya, ndlr) était dans les tribunes, là nous étions galvanisés.
Et comment viviez-vous l’ambiance du vestiaire ?
On était solidaires, compacts, même s’il y avait des égos, parce que c’était des grands joueurs. Quand on faisait la réunion, c’était l’assemblée. Quand vous aviez Makanaky, Ekekeké. Quand vous aviez un vestiaire avec Nkono, Bell Joseph Antoine, Kundé, l’homme aux 120 sélections, Mfédé qui était un joueur confirmé, donc, en réunion, c’était comme une assemblée, et ce n’était pas la rigolade.
Qu’est-ce qui faisait donc votre force ?
Quelques soient les différends, les tribus et tout ce qui se racontait, nous, quand on allait au stade, on priait ensemble. On n’était pas des saints. On était taquins, quand Roger marquait, on s’embrassait. On se discutait, mais quand on entrait sur le stade, c’était une seule personne. On se rentrait dedans, et avec violence, mais dès que le match arrivait, on s’embrassait, on chantait, on rigolait, quitte à revenir dans nos égos à la fin du match.
Recueillis par Armel Kenné