Nous allons à nouveau parler de la composition de l’équipe du Cameroun de football qui s’apprête à aller défendre son titre continental et convoite un cinquième titre de champion d’Afrique, dont un troisième de rang. Mais au préalable, deux précisions valent la peine d’être ici mentionnées.
1. Dans la galaxie football, aucune liste de joueurs n’a jamais fait l’unanimité. Et tous les sélectionneurs du monde subissent des pressions diverses au moment de divulguer leur sélection. Demandez donc à Luis Felipe Scolari, le sélectionneur du Brésil champion du monde 2002, si le fait de ne pas retenir Romario ne lui a apporté que des amitiés. Ou à son prédécesseur Carlos Alberto Parreira, champion du monde 1994, quelles couleuvres il dut avaler pour ne pas aligner, même pendant une minute, la star naissante Ronaldo et déjà produit de marketing à 17 ans ! Aimé Jacquet dut faire avec les larmes des supporters d’Anelka et d’Ibrahim Bâ, à qui il préféra les Guivar’ch et Dugarry; essuyer l’opposition farouche de la presse française, avant de remporter la Coupe du monde 1998. La liste est ainsi interminable des cas de hiatus entre les choix d’un entraîneur national et les désirs d’une opinion publique toujours existante. A ce niveau, le Cameroun n’a pas inventé le fil à couper le beurre.
2. Le football est un jeu universel, le sport le plus populaire de la terre. Donner son avis sur une question qui y est liée ne veut nullement dire que l’on veut usurper le rôle d’un autre. Et l’expérience a montré que les techniciens de football les plus brillants sont ceux qui savent trier, dans le flot de critiques qui leur tombent sur le crâne, les arguments de conviction pour améliorer leur métier. Il reste que le Cameroun est, malgré tout un cas à part, dans la gestion de son football de sélections. L’interview que Pierre Wome Nlend a accordée au correspondant de Mutations à Paris (voir édition du jeudi 8 janvier 2004) est à ce point révélatrice des moeurs peu orthodoxes en vigueur dans l’équipe du Cameroun de football quadruple champion d’Afrique. Certes, l’ancien défenseur de Bologne et actuel pensionnaire de l’Espanyol de Barcelone y force parfois le trait, avec une malencontreuse mauvaise foi, à moins que ce soit une sublime ignorance, quand il juge par exemple que les deux gardiens de buts du championnat camerounais présélectionnés pour la Can 2004 (Tignyemb et Mathurin Kameni) ne sont pas à la hauteur. Mais, le fond de ses révélations est décapant. On y apprend notamment que le sélectionneur national officiel n’est que la paravent d’une mafia tirant les ficelles dans l’ombre, plus précisément entre les murs sombres du ministère de la Jeunesse et des Sports. C’est là-bas qu’on donne le bon à sélectionner à l’entraîneur-sélectionneur recruté et pourtant payé à prix d’or, coupant les têtes à tout vent aux joueurs indociles ou leur exigeant des lettres d’excuse destinées à polir l’image de la tutelle au sommet de l’Etat.
C’est une véritable insulte à la modernité dont aime à se revendiquer le Renouveau national du président Paul Biya. Patrick Mboma, Lauren Etame Mayer, Pierre Wome Nlend, Alioum Boukar, Patrice Abada se sont ainsi retrouvés du jour au lendemain au ban de l’équipe nationale pour des raisons extra-sportives. Sans qu’une communication claire soit venue donner les tenants et les aboutissants de ce bannissement subit. La sélection nationale est quelque chose de dynamique. Loin de nous donc l’idée de penser qu’il y a des sénateurs qui y sont membres à vie. Cependant, même si nous avons la chance au Cameroun d’appartenir à une terre fertile en footballeurs de talent, force est de reconnaître qu’un consensus peut se faite sur certaines noms. Nous avons la faiblesse de penser que l’équipe actuelle du Cameroun qui se rend à la Can 2004 a un déficit criard d’attaquants de race a priori et que, par conséquent, elle ne se donne pas les meilleures garanties de réussite en boudant les appels de pied d’une gâchette établie comme Patrick Mboma.
Ce dernier, en déclarant avant la Coupe des confédérations qu’il se mettait en réserve de la sélection a peut-être offert là à ses bourreaux sélectionneurs de l’ombre la corde qui a servi à sa pendaison, et ce serait malheureux de sa part s’il aurait effectivement (comme le veut une rumeur insistante qui le voit roder autour du palais de l’Unité) entrepris des démarches pour se faire réhabiliter par le chef de l’Etat. Mais, le plus à plaindre est sans doute le sélectionneur national officiel Winfried Schäfer. Ailleurs, ses collègues meurent avec leurs idées, lui avoue à certains joueurs qu’il lui est interdit de les sélectionner. Ça permet peut-être d’être maintenu au poste dans la victopire comme dans la défaite,mais c’est indigne de la première sélection africaine.
Emmanuel Gustave Samnick