En juin 1988, le Racing club de Bafoussam affronte le Tonnerre Kalara club de Yaoundé en demi-finale de la Coupe du Cameroun de football. Les assauts répétés de Georges Weah et de ses coéquipiers sont stoppés par Simon Nlend, le portier du « Tout puissant de l’Ouest « . Plusieurs minutes après le coup d’envoi de la rencontre, le score du match est toujours de zéro but partout.
Un attaquant du Racing est fauché. L’arbitre central accorde à cette équipe, un coup franc à 35 mètres de la cage gardée par Boé. Le signal donné, Samuel Tchoupo prend un léger élan et propulse, d’un coup de pied de l’extérieur, le ballon au fond des filets. C’est la consternation générale chez les supporters de l’équipe de Mvog-Ada, tandis que ceux du Racing club de Bafoussam jubilent intensément. Le buteur que l’on appelle affectueusement » Willy » est porté en triomphe. Des moments de gloire comme celui-ci, Samuel Tchoupo les a connus pendant sa carrière de footballeur grâce à sa solide réputation d’habile tireur de coups francs. Une image prestigieuse qui aurait pu lui assurer une retraite paisible. Mais que non ! La quarantaine dépassée, l’ancienne vedette du Tout puissant de l’ouest (Tpo) sombre dans l’anonymat et broie du noir à Bafoussam. Sa consolation, les jzux de hasard.
» Il est vrai que le football est ingrat, mais chacun a son destin. Nul ne pourrait vivre son époque et celle d’un autre « , reconnaît-il. Avant de regretter : » au moment où nous jouions, l’arbitrage était infernal. C’est pour cela que nos performances ne nous ont pas permis d’émerger avec le Racing club de Bafoussam ». Une façon de soutenir que son palmarès personnel n’est pas suffisamment fourni à cause des injustices des hommes noir.
Dans le parcours de ce footballeur né à Yaoundé, on dénombre deux participations malheureuses en finale de la coupe du Cameroun de football (1988 et 1991), un titre de champion du Cameroun (1989). « J’étais conscient qu’à cause de mon poids, je ne pouvais pas me déplacer rapidement sur le terrain. C’est pour cela que j’axais particulièrement mes séances d’entraînement sur les exercices de balle arrêtée, notamment les coups francs. La particularité de mon style reposait sur la frappe de l’extérieur, ce que les Brésiliens appellent frappe des trois orteils. En plus de la puissance et de la précision dans la frappe, le succès de mes coups francs dépendait surtout de mon degré de concentration pendant le tir « , explique t-il. Tout en soulignant que le coup franc le plus mémorable qu’il a connu est celui marqué au stade municipal de Bamenda, au cours de la saison sportive 1984 – 1985, face à Camark.
Les habitués du stade municipal de Bafoussam, de la fin des années 1980, eux, n’ont pas encore oublié que l’entrée droite des 18 mètres était appelée la zone » tchoupouenne « . « Dans cette zone, lorsque je ratais un coup franc, affirme Samuel Tchoupo, c’est comme si j’avais marqué un penalty « . Dans la capitale provinciale de l’Ouest, le public sportif garde toujours en esprit l’image d’un Jacques Songo’o frissonnant en cette zone lors des rencontres Racing – Canon, face aux pénétrations ou aux boulets de Tchoupo. De nos jours, les footballeurs ayant intégré le style » Tchoupoen » sont quasi-inexistants. L’ex-sociétaire du Tpo révèle a ce sujet : » Hormis le coup franc inscrit par Roberto Carlos, lors d’un match amical France-Brésil, je n’ai plus vu, au cours des différentes rencontres de football que je regarde, un joueur dont la façon de marquer rentre dans mon style « . Une situation d’autant plus déplorable que, après avoir entraîné Lac Baleng, une équipe de deuxième division de Bafousam en 2000 et Stade de Badjoun en 2001, » le tireur d’élite » n’appartient, pour l’heure, à aucun staff technique d’une équipe de football. Ses cinq garçons constituent sa pépinière de footballeurs. » Je m’occupe à la formation de mes enfants, je suis convaincu qu’ils s’affirmeront comme de meilleurs footballeurs. Là, ils auront ce que je n’ai pas pu gagner « , se console cet ancien artificier au tempérament réservé.
Guy Modeste Dzudie