Invité par la société de téléphonie mobile Orange Cameroun dont il est l’un des ambassadeurs, Samuel Eto’o Fils a donné une conférence de presse jeudi dernier au Yaoundé Hilton Hôtel. Bien que le sujet central de la rencontre était axé autour des championnats de vacances organisés par Orange Cameroun, le goleador Camerounais a tenu à délivrer un message en direction de ses compatriotes. Nous avons dont voulu restituer pour vous les propos de Samuel Eto’o dans les moindres détails comme il a souhaité lui-même.
«L’équipe nationale du Cameroun c’est notre équipe nationale. Je souhaite vraiment que ce que je dirais ce soir soit relayé fidèlement à mon peuple.
Je sais que la situation que l’équipe nationale traverse depuis un certain temps est difficile, elle est difficile pour tous les camerounais d’autant plus que nous portons beaucoup d’amour à notre équipe. Certaines personnes ont fait semblant d’ignorer les vrais problèmes de l’équipe nationale en me pointant du doigt, ce qui ne me gène pas. En ayant le rôle que j’ai dans cette équipe nationale, je sais que je dois prendre les coups au passage, mais je ne m’attendais pas que certaines personnes devaient voler aussi bas.
Je voudrais dire que l’équipe nationale c’est la maison de tous les camerounais. Jusqu’à présent, j’ai eu une très belle carrière grâce à vous, grâce au bon Dieu, grâce au peuple que vous représentez ce soir. Si je suis devenu l’un des cadres de cette équipe nationale comme vous le dites souvent, ce n’est pas parce que je suis le plus âgé, parce que dans cette équipe, j’ai des grands frères mais qui ne sont pas considérés commes des cadres; c’est certainement à cause de la carrière que j’ai eue jusqu’à présent.»
«L’équipe nationale du Cameroun aujourd’hui a besoin du calme»
«Je ne veux pas m’attarder ou rentrer dans des discussions qui n’ont pas d’issue en disant tel a dit ceci ou tel a fait ceci. J’aime apporter des solutions. L’équipe nationale du Cameroun aujourd’hui a besoin du calme, a besoin de tranquillité, parce que nous sommes en train de construire une nouvelle équipe. Mais n’oubliez pas une chose, on ne peut pas avoir une grande équipe si on se précipite pour faire les choses. Je sais qu’on est dans l’urgence à savoir les résultats; et nous auront ces résultats.
Il y a quelques temps je me suis permis d’intervenir en direct lors d’une émission animée par un frère. Ce jour là j’avais dit que je me retenais à donner mon avis sur le départ du coach Gweha Ikouam. Je ne l’ai pas fait pas parce que le coach Gweha était là, mais parce que Samuel Eto’o le voulait ainsi. Je ne l’ai pas fait parce que je voyais le désordre que cela allait créer. Ceux qui ont voulu prendre la décision de limoger Gweha Ikouam l’ont fait et nous avons assumé. Ils ont voulu prendre 4 sélectionneurs qui sont tous des numéros 1. Comment voulez vous qu’on puisse avancer comme çà ? Ce n’était pas une bonne idée, c’était une erreur et aujourd’hui je me retrouve entrain de porter un chapeau qui n’est pas le mien. Ces gens veulent détourner l’attention et dire que Eto’o prend des décisions à l’équipe nationale. Je sais qui est derrière cette affaire.
Je continuerai à prendre des décisions à l’équipe nationale pour que l’équipe nationale avance. Dans chaque groupe il y a des patrons. Je ne me cache pas pour dire que quand il faut frapper la main sur la table, je le fais. C’est toujours dans le respect, c’est toujours dans l’espoir de faire avancer les choses pour que vous soyez toujours fiers de nous, et pour que les coéquipiers qui sont appelés ce jour se sentent bien pour donner le meilleur d’eux même, et apporter le résultat que vous attendez tous de vos jeunes frères, de vos frères et de vos grands frères. Ça c’est le premier point.
Je ris parce que je sais qui se cache derrière cette magouille là, mais je vous dis, je n’en discuterai avec personne.
Grâce à vous, grâce à mon peuple, je suis devenu le joueur que je suis et personne ne peut changer la volonté de Dieu. Si je suis là c’est la volonté de Dieu. J’ai voulu devenir footballeur professionnel, le bon Dieu m’a donné la chance, j’ai travaillé et je suis le joueur que je suis. Chaque fois que je descends dans l’aire de jeu que se soit en sélection où en club, je vous porte tous dans mon cœur. »
Travailler avec Paul Le Guen pour la qualification
«Je ne rentre pas dans le débat d’être le meilleur joueur camerounais, parce que ceux qui étaient là avant nous, nous ont permis de rêver et de devenir les footballeurs que nous sommes aujourd’hui. Ils ont fait un bon boulot, ils ont fait un grand boulot, mais il faut à un moment passer à autre chose. Et le présent passe par nous autres. Il faut composer avec tout le monde, le premier Eto’o, ou le deuxième comme vous voulez, mais aujourd’hui nous sommes joueurs et il faut composer avec les joueurs.
Il ne faut pas que les gens se cachent pour apporter les intrigues dans l’équipe, parce que cela ne nous emmènera nulle part. Moi ce que je propose et je crois que je ne suis pas seul à le penser, puisque les gens ont pensé comme moi, de recruter un entraîneur qui va nous emmener certainement son prestige, et son expérience. Je vous prie maintenant que nous avons un nouvel entraîneur, d’être positif. Soyons positif.
Nous devons aller à cette coupe du monde. Nous avons pris du retard, mais c’est l’affaire de tous les camerounais. Si demain nous n’allons pas en coupe du monde, ce que je ne crois pas, ce ne sera pas seulement l’affaire de Samuel Eto’o. Je perdrai peut-être beaucoup plus que certains. Ce que certains de vos confrères ignorent c’est que je dois être à cette coupe du monde si je suis égoïste. Si Je ne pense qu’à moi, je me rappelle il y a deux ans, si j’avais peut-être été en coupe du monde j’aurais peut-être gagné le ballon d’or européen, parce que c’est ce qui me manquait apparemment.»
Ingérance et pression populaire
«Comme avec des »si » on ne peut pas refaire le monde, je veux être à cette coupe du monde 2010, c’est le rendez-vous des grands joueurs, et il faut que mon pays soit en coupe du monde. Mais je ne peux pas le faire seul, nous ne pouvons pas le faire seul, nous avons besoin de vous, nous avons besoin de notre peuple. Nous avons une finale le 5 septembre à Libreville; du côté technique, je vous demande de ne pas prendre partie, laissez le sélectionneur prendre ses joueurs, faites confiance au sélectionneur. Nous ne pouvons pas tous être des sélectionneurs, ne faisons pas l’erreur de mettre la pression sur certaines personnes en demandant que tel ou tel doit jouer.
Je vais vous prendre un exemple: le Barca la saison dernière avait Messi, Ronaldinho, Henry, Eto’o tous des grands joueurs. Frank Rijkaard pouvait décider d’aligner les 4 joueurs, mais il ne le faisait pas, il y avait toujours un grand joueur qui allait rester sur le banc de touche. Ça peut arriver à l’équipe nationale du Cameroun, ça peut arriver et il faut l’accepter. Ce n’est pas parce que qu’on est fort dans son club qu’on est forcement fort à l’équipe nationale du Cameroun; acceptez cette réalité, n’obligez pas les gens à aligner certains joueurs. Ces encadreurs sont payés pour ça. Par contre, obligez les à comprendre qu’ils sont payés pour çà, pour faire ce job, pour aligner les meilleurs. Aussi, tous les grands joueurs ne sont pas fait pour jouer ensemble. Nous ne devons donc pas créer des polémiques qui n’amèneront nulle part, apportons le maximum au nouvel entraîneur national pour qu’il s’adapte le plus rapidement parce que nos chances passent aussi par là. On a le Gabon en aller et retour, on a le Togo chez nous, on a le Maroc pour finir; on doit gagner. On ne peut pas faire semblant, vous savez que c’est des matches avec beaucoup de pression; les grands matches aux grands joueurs…»
Intégration des jeunes et sélection selon le mérite
«Moi Samuel Eto’o je vous dis et je le dis publiquement, je ne laisserai jamais quelqu’un de l’extérieur venir dire qu’un tel ou un tel doit jouer. Je vais reprendre les mêmes cours qu’ils m’ont donné la semaine dernière; à l’équipe nationale du Cameroun, les meilleurs doivent jouer, qu’ils soient jeunes, vieux ou ce que vous voulez, mais c’est les meilleurs qui doivent jouer. Ne mettez pas la pression pour dire que les jeunes doivent jouer parce qu’ils sont forts. Et à ces jeunes je leur dis, le pouvoir ne se donne pas, il s’arrache. Tous les grands chefs le disent. Quand vous venez en équipe nationale ne soyez pas juste contents d’être convoqués, sinon venez parce que vous pensez que vous pouvez apporter autre chose. J’ai eu un grand frère avec qui j’ai eu du plaisir à jouer dans cette équipe nationale, même si certains de vos confrères écrivent qu’on ne s’entendait pas, c’était Patrick Mboma. Un jour, j’ai dit au grand Patrick Mboma: »dans quelques années je serai plus fort que toi ». Et pourtant Patrick était tout pour nous. Quand il y avait match, il pouvait débloquer la situation à tout moment, mais c’est parce que je voulais bousculer Patrick et parce que je voulais me bousculer moi-même, et croire que je peux être plus fort que Patrick. Aujourd’hui je ne suis pas plus fort que Patrick. Mais, je sais que j’ai eu une grande carrière parce que j’ai cru que je pouvais être plus fort qu’un grand joueur comme Patrick Mboma. C’est ce que je demande à ces jeunes.
Moi je vis le quotidien de l’équipe nationale et je n’ai pas de sentiment si je dois prendre une décision pour un joueur ou pour un autre. Nous anciens de cette équipe ou le “9 8 4” ou le “1 9 8 4” comme vous le dites, sommes fiers de dire qu’on joue avec Rigobert Song. Avec tout le respect que je dois à mes jeunes coéquipiers, jusqu’à présent. Je ne vois pas le remplaçant de Rigobert Song à l’équipe nationale, je vous le dis en vous regardant dans les yeux. Vous parlez de Bassong; oui Bassong peut jouer, mais seulement vous ne partagez pas le quotidien de l’équipe nationale comme nous autre. Donc n’avancez pas les noms. Rigobert ne joue pas à l’équipe nationale parce qu’il s’appelle Rigobert Song, il joue parce qu’il est fort que ceux qui sont là et vous devez l’accepter. Il y a des joueurs beaucoup plus âgés que Rigobert qui sont encore en activité.
Moi je sais que dans deux ans vous allez dire que je suis très vieux. Pourtant, certains de ces jeunes qui arrivent à l’équipe nationale aujourd’hui sont plus vieux que moi ou ils ont le même âge que moi. J’ai commencé à jouer beaucoup plutôt. Vous autres les journalistes, vous avez obligé le coach Manga Onguené à me convoquer avec les seniors alors que je n’avais que 15 ans! L’un des journalistes qui m’a beaucoup torpillé ces derniers jours est d’ailleurs celui qui était à l’origine de cette convocation. Il avait dit qu’il y a un jeune qui fait de bonnes choses et qu’on devait le sélectionner malgré son âge, et c’est comme ça que j’ai commencé.
Je suis arrivé à l’équipe nationale je tutoyais tous les grands, je n’avais pas froid aux yeux. À cette époque là déjà je pensais qu’il n’ y avait pas plus fort que moi, mais je n’ai pas été aligné, tout cela m’a permis d’apprendre. Le “1 9 8 4” comme vous dites, Carlos est le meilleur gardien camerounais aujourd’hui, il n’y a pas de doute. Ça ne veut pas dire que Souleymanou n’est pas fort; Souleymanou est fort, se sont les deux gardiens Camerounais qui reviennent aujourd’hui. Vous savez qu’il y a un temps, c’est Souleymanou qui jouait parce qu’il était en forme. Et si Souleymanou a pu jouer et que Carlos était au banc ça veut dire que si quelqu’un du “1 9 8 4” n’est pas fort il ne jouera pas, même pas Eto’o.»
«À 50% de mes moyens à la CAN-2008»
«Je vais vous dire une chose: l’avantage que moi j’ai c’est que je m’appelle Samuel Eto’o, c’est vrai. À chaque fois que je descends dans un stade de football, même si je suis diminué l’adversaire se dit, il est dans le stade, et c’est çà les grands joueurs. Thierry Henry a joué la finale de la champions league, vous savez tous qu’il n’était pas en grande forme parce qu’il avait une blessure, mais il a joué, parce que ce sont les matches des grands joueurs. Vous devez accepter çà aussi. Dans une équipe, il peut arriver que le joueur qui a plus de poids ne soit pas en forme, comme lors de la dernière Can.
Voilà quelqu’un qui me torpille aujourd’hui, qui essaye de tout monter, il était venu me voir lors de la Can au Ghana pour me demander de ne pas faire jouer Idrissou. Dites moi, Samuel Eto’o comme leader vous me voyez entrain de dire à l’entraîneur de ne pas faire jouer Idrissou? Même si je le dis, le coach va le faire ce qu’il veut. Je sais que plusieurs d’entre vous auraient souhaité que Idrissou soit sur banc de touche lors de la Can. Mais je vais vous dire, le travail que Idrissou a abattu pendant la Can, aucun autre joueur ne pouvait le faire. J’étais à 50% de mes moyens parce que je sortais de ma deuxième blessure importante. Mais je devais jouer parce que le football est aussi psychologique. Le travail qu’il a abattu, il faut reconnaître ça. Quand j’ai dit non à celui là qui voulait que Idrissou ne joue pas, à partir de là, les intrigues sont nées, parce qu’il faut que vous sachiez la vérité.
Je défendrais toujours l’équipe nationale parce que nous sommes tous camerounais et je n’ai jamais payé pour jouer à l’équipe nationale, je n’ai jamais payé pour jouer en club et je n’accepterai jamais de créer de l’injustice autour de notre équipe nationale, même si parfois des choses m’échappent. Mais j’essayerai toujours de me battre, que se soit avec ces gens qui viennent nous empêcher d’avancer correctement, que se soit avec les gens qui dirigent notre football aujourd’hui.»
Tranquille et confiant pour son avenir en club
«Autre chose, sachez tous que l’équipe nationale du Cameroun est dirigée par la Fecafoot. J’ai eu la chance avant le match contre le Maroc de discuter avec le président Iya. La Fédération Camerounaise de Football est en charge de l’équipe nationale, le ministre qui est notre patron est le ministre de tous les sports au Cameroun et pas le ministre du football. Le président de la Fecafoot, je le lui ait dit, si nous n’avançons pas ce sera de sa faute. Et comme je sais que c’est un monsieur qui a la volonté de faire de bonnes choses, il faut que vous sachiez que le football camerounais et l’équipe nationale en particulier est dirigée par ce monsieur, il est responsable de notre équipe et de notre football. Si ça ne marche pas je ne poserai pas de question au ministre, je poserai d’abord des questions au président et je le lui ait dit. Je vous le dit aujourd’hui parce que moi je suis toujours clair, je n’aime pas les intrigues et je ne souhaite pas vous emmener dans ce jeu.
Voilà en gros ce que je voulais vous dire. Je sais que certains souhaiteraient que je parle de mon club, je vous demande juste d’avoir la même tranquillité que moi, ce que Dieu a réservé pour moi vous le saurez bientôt, et nul ne peut le changer. Il y a des difficultés partout, et je ne suis même pas en difficulté, c’est tout ce que je peux vous dire. Je suis tranquille et confiant, la seule chose que je puisse vous dire c’est que je jouerai encore au football et au haut niveau la saison prochaine. C’est tout, Bonne soirée.»
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé