Le capitaine des Lions indomptables se confie en exclusivité à Cameroon Tribune.
Pouvez-vous nous raconter les péripéties qui ont conduit à votre retour en sélection ?
Comme vous le savez, c’est sur la demande des plus hautes autorités de notre pays que j’ai accepté de revenir. J’avais dû à contrecœur renoncer à la sélection, compte tenu du fait que certains dirigeants se sont acharnés sur moi et ont fait croire aux Camerounais que j’étais à l’origine de tous les problèmes de l’équipe nationale. Pour ces dirigeants-là, nous ne sommes que de simples joueurs et n’avons pas le droit de donner notre avis sur le fonctionnement de la sélection.
Comment avez-vous trouvé la sélection après ce come-back ? Vos coéquipiers vous ont-ils bien accueilli ?
Evidemment ! Votre famille vous manque toujours. Les Lions indomptables sont une grande famille. Globalement, la situation que j’avais laissée n’a pas évolué. Mais en ce qui concerne les joueurs, nous nous sommes longuement concertés et tout le monde a commencé à prendre conscience de la responsabilité qui est la nôtre vis-à-vis du peuple camerounais. Au-delà des divergences souvent mineures, notre devoir est de nous accorder sur notre mission essentielle qui est de mettre efficacement nos capacités individuelles au service de l’équipe afin de répondre positivement aux attentes des Camerounais. Sur ce point, je pense que nous sommes dans la bonne direction.
L’élimination face au Cap-Vert est-elle digérée ?
Cet échec, comme ceux que nous avons connus, ces dernières années, a été une énorme frustration mais c’est la vie, avec ses moments de joie et également ses moments de tristesse. Aujourd’hui, je pense que le plus important c’est l’avenir. Il faudrait tirer les leçons de nos erreurs du passé, se relever, panser nos plaies et aller de l’avant. Je crois profondément que l’échec peut être le fondement de la réussite. Nous devons nous appuyer sur ces frustrations pour trouver les forces nécessaires pour rebondir.
Certains de vos coéquipiers estiment que vous exercez une trop grande influence sur la vie du groupe….
Je me contente de jouer mon rôle de capitaine. Cependant, il arrive régulièrement que compte tenu de mon expérience, le sélectionneur sollicite mon avis sur des sujets variés et cela se passait ainsi bien avant que je ne devienne capitaine. En club, j’ai souvent eu la chance de bénéficier de la confiance de mes différents entraîneurs qui sollicitaient mon avis sur un grand nombre de questions. C’était le cas avec Rijkaard à Barcelone, Mourinho à l’Inter et c’est le cas actuellement avec Hiddink à l’Anji. Pourquoi ces coéquipiers qui savent que ça se passe comme cela dans leurs clubs et s’y accommodent, ont du mal à accepter cette situation en sélection ? Pour l’amour de notre pays, nous devons tous nous mettre au-dessus des considérations personnelles et adopter les mêmes attitudes strictement professionnelles que nous avons dans nos clubs respectifs.
Denis Lavagne, l’ancien sélectionneur et certains responsables de la Fécafoot estiment que vous outrepassez votre rôle de joueur. Ils laissent également entendre que vous avez un ego surdimensionné. Que répondez-vous à ces accusations ?
Je voudrais rappeler que je suis au service de cette sélection depuis maintenant quinze ans. De tous, je suis le plus ancien et à ce titre, j’estime qu’il est de mon devoir de prendre position sur un certain nombre de questions en relation avec la vie de la sélection. Le meilleur héritage qu’on puisse laisser aux générations qui viennent, c’est de débarrasser cette sélection de ses vieux démons. Tout gamin, j’entendais déjà parler des mêmes problèmes…Ces dernières années, presque tous les joueurs de l’équipe nationale fanion évoluent dans des clubs professionnels bien structurés et bien organisés, au sein desquels chaque chose est à sa place et chacun joue efficacement son rôle. Malheureusement, nous retrouvons en sélection un environnement complètement différent, dans lequel beaucoup de choses ne sont pas à leurs places et presque personne n’est responsable de rien et tout le monde responsable de tout. Je me suis souvent retrouvé en train de m’occuper des problèmes d’ordre administratif ou logistique dans le seul but de minimiser l’impact de ce désordre sur nos performances sur le terrain. En ce qui concerne mon ego, j’avoue que je n’ai jamais été un béni oui-oui, ni en club, ni en sélection, ni dans la vie tout court. J’ai des convictions que j’assume dans le strict respect des règlements, sans jamais manquer de respect à quiconque.
L’année 2013 sera blanche pour toutes les sélections nationales camerounaises éliminées de toutes les compétitions africaines. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Cette situation me réconforte davantage dans l’idée qu’il est plus jamais urgent de construire et d’organiser notre football de façon sérieuse et professionnelle. Je suis convaincu que les autorités compétentes sauront trouver les solutions administratives idoines.
Avez-vous toujours faim avec les Lions indomptables ?
Toujours. Chaque fois que je porterais ce maillot, j’aurais toujours faim.
Les rumeurs annoncent un autre changement d’entraîneur. Etes-vous pour ou contre ?
Mon avis importe peu dans la mesure où c’est à la fédération et au ministère de tutelle que revient le choix du sélectionneur.
La réconciliation avec Rigobert Song est-elle consolidée ?
Nous avons pu surmonter toutes les incompréhensions de ces dernières années. Désormais, tout va très bien avec mon grand frère avec qui je suis régulièrement en contact. C’est un compagnon d’armes.
Pensez-vous déjà à votre retraite internationale ?
Bien sûr. Actuellement, mon rêve, c’est de contribuer efficacement à l’édification d’une équipe nationale conquérante pour obtenir la qualification à la Coupe du monde de 2014 au Brésil et y faire bonne figure afin d’effacer le souvenir de 2010. Après 2014, j’évaluerai ma forme physique pour voir si je pourrais encore accompagner mes petits frères en jouant 20 ou 30 minutes par match. Le reste appartiendra à l’encadrement.
Le Cameroun a-t-il des chances de se qualifier pour cette Coupe du monde ?
Bien sûr que oui. A condition que chacun joue sa partition avec professionnalisme et loyauté.
La Fécafoot procède en principe dans quelques heures à la pose de la première pierre de construction de son siège. Est-ce un début de solution de modernisation de notre football ?
Non. Un siège pour quoi faire alors que nous n’avons pas de terrains de football ? Le stade de Mfandena est une catastrophe. La pelouse n’est pas bonne. Il fait chaud aux vestiaires. Pourquoi ne pas mettre cet argent à la réhabilitation de ce stade ? Ça ne sert à rien d’avoir des gens dans les bureaux douillets alors que les enfants manquent d’espaces pour jouer. A mon avis, ce n’est pas la priorité.
Jusqu’où peut aller votre club l’Anji cette saison ?
Il est vrai que nos performances sont encore meilleures depuis le début de cette saison. Nous sommes à la tête de notre poule en Ligue Europa, nous occupons la deuxième place du championnat à un point du leader et nous sommes qualifiés pour les quarts de finale de la Coupe de Russie. Nous continuons de travailler afin d’aller le plus loin possible dans ces trois compétitions.
Vos sorties médiatiques deviennent de plus en plus rares. Y a-t-il un problème avec la presse camerounaise ?
Loin de là. La presse camerounaise en général fait du bon travail et j’entretiens de bonnes relations avec la grande majorité des professionnels des médias. Malheureusement, une minorité s’est mise au service des personnes qui nuisent gravement à notre football. Ils travestissent les faits, les inventent et tentent en permanence de manipuler l’opinion.
Que représente pour vous le match de demain contre l’Albanie ?
Le début de la reconstruction. L’avènement d’une nouvelle ère. C’est demain que démarre la préparation du match Cameroun-Togo.