Samuel Eto’o qui vient de raccrocher les crampons après une vingtaine d’années de service au plus haut niveau restera dans l’histoire comme l’un des footballeurs les plus talentueux et les plus performants de sa génération. Tel l’enfant prodigue de la légende, il est parti des terrains vagues et bosselés de New-Bell-Douala pour s’imposer dans les plus grandes enceintes sportives du monde, en se forgeant au passage un palmarès impressionnant.
Depuis ses premiers contacts avec le football professionnel, le parcours du goléador camerounais aura été exceptionnel à plus d’un titre. D’abord par sa durée. On sait que le pic de performance d’un sportif de haut niveau va rarement au-delà d’une décennie. C’est encore plus vrai dans le football où les accidents de parcours ne manquent pas, la valeur marchande d’un joueur dépendant largement des exigences de la haute compétition, des objectifs recherchés et des critères de performance.
Dans ces conditions, continuer à disputer des matchs jusqu’à la quarantaine était déjà un exploit en soi. Ensuite au niveau du palmarès qui est sans doute l’un des plus riches des vingt dernières années, en Afrique et dans le monde. Il n’y a qu’à énumérer les titres et distinctions remportés par l’intéressé, en équipe nationale comme dans les différentes équipes où il a évolué. Double champion d’Afrique en 2000 et 2002 avec le Cameroun, en plus de la médaille d’or aux Jeux olympiques Sydney 2000, trois titres en Ligue des Champions des clubs, avec respectivement FC Barcelone et Inter Milan, le meilleur buteur de l’histoire de la Coupe d’Afrique des nations, quadruple « ballon d’or » africain, footballeur le mieux payé de la planète en 2011, des centaines de buts marqués, etc.
Mais la dimension du personnage est assez multiple pour être limitée au seul domaine sportif. Il est intéressant de souligner à quel point les lauriers engrangés auront contribué à une aura quasi planétaire, au point d’en faire une sorte d’icône pour des générations d’inconditionnels qui comptent aussi bien des individus que des institutions respectables. Le Cameroun, son pays d’origine, aura été le premier à goûter aux multiples retombées de cette grande réussite qui a transformé au fil des ans Samuel Eto’o en une sorte d’ambassadeur itinérant rayonnant aux quatre coins du monde. Tous ceux qui se sont retrouvés un jour ou l’autre à l’étranger savent à quel point sa réputation a rejailli sur celle du Cameroun et vice-versa. Tel dans un kaléidoscope, quelques images fortes peuvent confirmer le rôle emblématique d’un homme dont l’effigie a été parfois associée à certains événements. Comme lors de cette finale de la CAN 2019 au stade international du Caire lorsqu’il a traversé la pelouse pour aller remettre en jeu le prestigieux trophée. Sa médiation a été aussi sollicitée sur certains dossiers délicats. On se rappelle encore la fameuse rencontre du 02 octobre 2018 au Palais de l’Unité en compagnie du président de la CAF, Ahmad Ahmad, qui s’était montré plus conciliant par la suite avant d’appeler plus tard « l’ambassadeur de la CAN 2019 » à ses côtés comme un « collaborateur permanent » à l’instar de l’Ivoirien Didier Drogba. Comme tout être humain, Samuel Eto’o a sans doute son côté sombre. Il est arrivé que certains de ses faits et gestes à des moments cruciaux n’aient pas toujours été appréciés par des gardiens d’une certaine orthodoxie. Toujours est-il que les manquements éventuels n’affectent en rien la somme des actions positives dont l’impact n’est plus à démontrer Aussi bien dans les domaines du football, de la diplomatie sportive ou de l’humanitaire. Sammy restera, malgré tout, un grand défenseur du Cameroun et de son football. Pour services rendus, il mérite donc toute notre reconnaissance à ce tournant décisif de sa vie.
Salut l’artiste !
Jean Marie NZEKOUE, Editorialiste, auteur de : « L’aventure mondiale du football africain », L’Harmattan, Paris, (2010)