Le capitaine de la sélection nationale du Cameroun, a adressé une lettre le 1er juin 2011 au président de la fédération camerounaise de football (fécafoot). Une épître qui vilipende et remet en question la gestion administrative et managériale du football camerounais.
« Iya Mohammed dans l’Eto’o » ou « l’étau de Samuel se resserre sur Iya ». A chacun la formule qui lui plaira. Quoiqu’il en soit, c’est par l’un de ces intitulés qu’on pourrait qualifier la sortie épistolaire du capitaine des Lions indomptables. Les formules sont peut-être belles, mais le contenu de cette lettre de quatre pages est un véritable brûlot. Articulée en huit points, la lettre du « 9 » avec ampliation au ministère des sports et de l’éducation physique (Minsep), dénonce de façon générale l’improvisation, la mauvaise organisation et la gestion approximative de l’équipe nationale par la Fécafoot. Samuel Eto’o qui a été entendu le week-end dernier dans les bureaux de la sous direction des enquêtes économiques et financières de la police judiciaire parle d’une « organisation tatillonne » qui ne peut pas être efficace pour des joueurs professionnels qu’ils sont.
S’exprimant au nom de ses coéquipiers, il critique le staff administratif de la Fécafoot qui, selon lui, est incapable de faire face aux divergences de toutes sortes qui surviennent ces derniers temps hors et dans la tanière. Eto’o en veut pour preuve, l’absence d’un calendrier susceptible de gérer les compétitions.
Car, le joueur professionnel évolue avec une vision prospective et doit pouvoir voir clair sur un programme visible et étalé dans le temps. Ce qui n’est pas le cas pour les Lions indomptables. « Dans nos clubs respectifs, nous côtoyons des internationaux d’autres nationalités (…) Ils disposent d’un calendrier complet, précis et détaillé de leurs équipes nationales respectives. Pour notre cas, nous allons de programmation au jour le jour en annulations, de matches négociés à la dernière heure en regroupement sans matches ».
Pire, « il est constant lors de nos stages de préparation, que notre matériel d’entraînement est à la fois insuffisant et pas en ligne avec les exigences de la haute compétition ». Lorsqu’on sait que la Fécafoot est sous contrat avec l’équipementier Puma, l’on est en droit de se demander quelle direction prend le matériel des joueurs au point où ils puissent se retrouver en disette.
Transparence
Les joueurs par la voix de leur capitaine demandent également à la Fécafoot « de disposer d’un siège structuré avec une administration fonctionnelle ; d’acquérir et d’aménager des infrastructures d’entraînement afin de sortir du spectacle désolant qui s’offre à nous aujourd’hui où des clubs de première division et deuxième division s’entraînent sur des terrains vagues qu’ils discutent parfois à plusieurs et même quelques fois avec des enfants des quartiers qui devraient en réalité être des utilisateurs desdits terrains vagues ; de rendre transparente la gestion des contrats, de la rémunération des joueurs et donner aux instances dirigeantes du football dans notre pays le droit et même l’obligation d’auditer l’utilisation faite par les clubs de l’argent des subventions reçues de la fédération et surtout l’utilisation des sommes parfois très importantes provenant de la vente ou du transfert de joueurs »
Déclin
Parlant de l’ambiance (pourrie) qui règne dans la tanière, le sociétaire de l’Inter de Milan souhaite que les clans qui y sont installés disparaissent. Voilà pourquoi « nous suggérons que soit mise sur place un forum de discussion animé par un médiateur qui aura le devoir de faire en sorte que tous les problèmes identifiés, connus ou latents, soient discutés collégialement par tous les membres de la communauté de notre équipe nationale, dans la sincérité et la transparence ».
A la lecture de cette lettre on est tenté de se demander pourquoi ce n’est que maintenant qu’Eto’o Fils se résout à écrire publiquement à la Fécafoot et au Minsep. Lui qui claironnait après le match retour Cameroun-Sénégal que c’est aux instances dirigeantes du football camerounais de « mettre de l’ordre » dans la tanière. Ne voudrait-il pas, sentant le déclin des Lions évident, dégager sa part de responsabilité et jeter à la vindicte populaire les autorités en charge du football camerounais? Bien plus, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour « déballer » ce qui aurait dû l’être avant le naufrage? Une pluie d’interrogations qui n’entame certainement en rien l’impact que va produire dans les jours à venir cette correspondance dans l’environnement socio-politique et sportif camerounais. On ne perd rien à attendre.
Focal: Samuel Eto’o comme Cavaye ?
La correspondance du capitaine des Lions indomptables rappelle curieusement l’allocution du président de l’Assemblée nationale à l’ouverture des travaux de la session de juin. Même si fort des contextes (bien différents), certaines langues refusent aujourd’hui qu’une quelconque comparaison ou rapprochement ne soit établi, le destinataire, le poids des mots et les circonstances dans lesquelles ces deux sorties interviennent ont tout leur sens. Eto’o vient-il en soutien à Cavaye ? On est bien tenté de répondre à cette question par « peut-être ». Si tant est que Cavaye, dans sa stature de porte parole des élus du peuple a plaidé pour le limogeage du Dg de la Société de développement du Coton (Sodecoton); Eto’o, lui, dans son rôle de porte parole des joueurs de l’équipe fanion condamne la gestion du football camerounais par le président de la Fécafoot. Quoi qu’il en soit, ces deux hommes ont quelque chose en commun : leur aura.
Le Pan critiquait la gestion de la Sodecoton qui, selon lui, doit être confiée à « des hommes disponibles, qui ne sont pas partagées entre les passions populaires et la gestion de l’entreprise, le coton ne saurait se gérer à distance. Il faut remettre le coton sur la trajectoire normale». Une volée de bois vert à l’encontre de son « frère du Nord » qui intervient dans un contexte où le patron de la Fécafoot et certains de ses collaborateurs effectuent des va-et-vient à la Police judiciaire à Yaoundé.
Des auditions qui se situeraient dans le cadre d’une enquête diligentée depuis 2005 par des responsables de la pj et ceux du contrôle supérieur de l’Etat ; suite à une plainte déposée par le gouvernement camerounais pour des faits de présomptions de malversations financières dans la gestion de la manne financière issue des participations des Lions indomptables aux différentes compétitions internationales, notamment aux six coupes du monde de football. Les faits parlent d’eux-mêmes.
Le Messager