L’affaire du «principe de quotas discriminatoires dans les centres de formation français» révélée, jeudi, par le site Médiapart, provoque des remous en France.
A l’origine, une réunion (8 novembre 2010) de la direction technique nationale (DTN) de la Fédération française de football (FFF) au cours de laquelle des membres de cette structure, François Blaquart, Eric Mombaerts, Francis Smerecki et le sélectionneur Laurent Blanc planchent sur ce sujet brûlant. Les 4 «techniciens» se mettent d’accord sur le principe de mettre en place des quotas de joueurs de couleur (noirs) et arabes à retenir dans les centres de formation. Le but recherché est de limiter le nombre de joueurs arabes et noirs dans le football français. Les initiateurs de ce projet se cachent, bien sûr, derrière le prétexte de protéger l’équipe de France qui, à leur goût, renferme «trop de Blacks et d’Arabes».
L’argument avancé, selon lequel la France forme des joueurs qui vont ensuite porter le maillot du pays de leurs parents ne résiste pas à la réalité des faits. Quand bien même les centres de formation et clubs forment des joueurs, tous ne peuvent pas être internationaux. Où est le problème lorsqu’un bon joueur barré en équipe de France décide de goûter aux délices d’une sélection, fusse-t-elle autre que la France ? Il y a de très forts relents de racisme derrière cette décision. A l’instar d’une frange importante de la société française, des acteurs et dirigeants du football français ont emboîté le pas au discours nauséabond de l’extrême droite et une partie importante de la majorité qui gouverne ce pays.
Après avoir démenti, dans un premier temps, l’information donnée par Médiapart, les 4 «techniciens» ont reconnu avoir abordé ce chapitre lors de la réunion de novembre.Laurent Blanc, sélectionneur de l’équipe de France, s’est fendu de plates «excuses auprès de ceux que mes propos ont pu choquer.» Il aurait mieux fait de déposer sa démission. C’est un nain qui ignore ce que c’est que l’élégance dans ce milieu.
En 2004 alors qu’il commentait Chelsea-Monaco (demi-finale de la Ligue des champions), l’ancien entraîneur de football, Ron Atkinson, reconverti commentateur à la chaîne britannique ITV, a prononcé ces mots dramatiques à l’endroit de Marcel Desailly (Chelsea) : «Put… de fainéant de nègre !». Le lendemain, sa démission était sur le bureau du patron de la chaîne. Il a oublié que la France, qui a remporté la Coupe du monde 1998, l’a fait grâce «aux sales Arabes et Noirs» qui avaient pour nom, Thuram, Desailly, Karembeu, Zidane, Henry… ; demain, soutiendra-t-il le regard des Arabes Nasri, Benzema et des Noirs Nass et Aliou Diarra, Malouda, Sagna et tous les autres joueurs dont les origines ont fait l’objet d’un procès de la DTN ? La charte olympique, les statuts de la Fédération française, de la FIFA, sans parler de la Constitution française interdisent toute forme de discrimination liée aux origines, religion, langue, couleur…
La scandaleuse démarche de la DTN française a le mérite de mettre toute la lumière sur un sujet tabou, à savoir le racisme dans le football de l’Hexagone que les instances du football et une partie de la presse passent volontairement sous silence, comme l’illustrent ces quelques exemples. Lorsqu’un joueur exemplaire comme George Weah (Liberia) retourne à Paris, où il a joué sous les couleurs du Milan AC, il est accueilli par des cris de singe des tribunes de Boulogne.
Joseph Antoine Bell (Cameroun) a vécu la même mésaventure à Marseille lors de son retour au Vélodrome avec le maillot de Bordeaux. Des bananes par régimes entiers jonchaient sa surface de réparation. Franck Matingou et Pascal Chimbonda, qui deviendra international sous les ordres de Raymond Domenech, ont essuyé des insultes racistes… de la part de leurs supporters bastiais. Le dernier «haut fait» de cette scandaleuse dérive s’est produit le 16 février 2008 en Moselle à l’occasion du match Metz-Valencinnes. Victime d’insultes racistes de la part de supporters messins, le Marocain Abdeslam Ouaddou, qui joue actuellement à Lekhouiya au Qatar entraîné par Djamel Belmadi, se révolte et tente de s’approcher de ceux qui l’insultent. L’arbitre (Ledentu) sort son carton rouge et expulse l’international marocain.
Par cette décision, il a conforté les supporters racistes de Metz dans leur acte. A présent, les sportifs français d’origine étrangère ne sont pas la cible uniquement de supporters racistes, mais des structures et instances elles mêmes du football.
Yazid Ouahib