Comme on pouvait s’y attendre, la très surprenante victoire du Cameroun samedi sur la pelouse de la République Démocratique du Congo (0-2) a suscité moult débats sur l’ensemble du Triangle national avec évidemment des avis très partagés sur l’issue de cette rencontre tant attendue.
Vue de loin, la bonne prestation, inespérée, des Lions indomptables a mis du baume au cœur d’un public sportif ulcéré et meurtri après leur récente débâcle à la Coupe du monde Brésil 2014. Mais dans un pays aux « 20 millions de sélectionneurs », il est presqu’impossible de faire l’unanimité au sujet de l’équipe nationale. C’est pour cela que les sentiments sont forcément partagés. Certains, sans doute majoritaires, souhaitaient vivement que les Lions new-look surfent sur la vague du changement ambiant pour frapper un grand coup. D’autres, irréductibles pêcheurs en eaux troubles croisaient les doigts, battant le rappel des vieux démons, pour que cette nouvelle cuvée des Lions morde la poussière pour légitimer le discours sur l’indispensabilité de certains joueurs-cadres volontairement laissés de côté dans la dynamique de la reconstruction voulue par un Volker Finke voué aux gémonies.
En attendant un éventuel faux pas, le discours trop convenu des lendemains de défaite du genre « si tel joueur avait été là » n’a plus de raison d’être. « Il faut parfois savoir prendre des risques pour imprimer le changement » a remarqué un commentateur sportif sur une chaîne de radio locale. Il ne croit pas si bien dire. Contrairement à certaines rumeurs savamment distillées faisant état de nouvelles divisions au sein des Lions, force est de constater que Stéphane Mbia, Eric Choupo Moting, Vincent Aboubakar ont joué à fond leur rôle. Avec leurs coéquipiers, ils ont cloué le bec à tous les prophètes de malheur qui écumaient les ondes radiophoniques et télévisuelles ces derniers temps pour souhaiter le plus grand mal à une sélection jugée peu représentative et peu compétitive. Mal leur en a pris, car la nouvelle génération des fauves a refusé de mettre l’eau au moulin de tous les Cassandre pour voguer vers des nouveaux horizons plus prometteurs.
Sans vouloir verser dans un triomphalisme de mauvais aloi, on peut tout de même souligner que la victoire de Lubumbashi n’est pas un simple fait du hasard. Elle s’est construite dans la douleur sur un socle granitique appelé à être consolidé lors des prochaines sorties. Le moins que l’on puisse dire c’est que cette nouvelle version des Lions a fait très fort en ce jour mémorable du 6 septembre 2014, loin de ses terres, sur la pelouse du non moins redoutable Tout-Puissant Mazembé de Lubumbashi qu’on ne présente plus. Peu côtés au départ à la bourse des valeurs du football africain et mondial, des Lions révoltés ont sorti leurs griffes pour vaincre le signe indien à travers une victoire convaincante. Pour apprécier cette performance à sa juste valeur, il convient de rappeler que depuis une quinzaine d’années, l’équipe nationale de la RDC est devenue une véritable bête noire pour celle du Cameroun qui fut éliminée en quart de finales de la CAN 1998 au Burkina Faso et de la CAN 2012 avec le match nul concédé à Garoua. Autant dire que les Congolais avaient des raisons d’être confiants avant le coup d’envoi devant une équipe considérée par certains comme expérimentale. Mais comme en football seul le résultat final compte, on peut d’emblée constater que le petit poucet supposé a tenu bon et s’est imposé au-delà des espérances.
Au-delà du score, très significatif en lui-même, c’est le comportement des joueurs sur le terrain et en dehors qu’il faut saluer. On l’a toujours dit : il n’y a pas de victoire sans sacrifice, sans don de soi. Pour une fois, on a vu des joueurs se concentrer sur leur sujet, abandonner le spectacle pour l’efficacité, l’égocentrisme et le vedettariat au profit du collectif. Comme si leur première sélection constituait une motivation supplémentaire, certains nouveaux joueurs ont évolué comme un poisson dans l’eau, se fondant sans effort apparent dans un collectif peu visible ces dernières années en équipe nationale. On a vu des jeunes en parfaite symbiose avec des « anciens » visiblement moins égoïstes, prêts à partager leur expérience pour le plus grand bien de tous. Dans l’ensemble, les Camerounais auront fait preuve d’un engagement, d’une détermination et d’une solidarité sans bornes, faisant leur l’adage « tous pour un et un pour tous ». Que de fois a-ton vu des éléments-clés se déporter aux avant-postes avant de redescendre pour sécuriser les arrières dans un système de jeu coulissant, voire insaisissable qui aura beaucoup désorienté l’adversaire qui n’a pourtant pas démérité, harcelant jusqu’au bout les lignes défensives camerounaises. Que de fois a-ton vu nos joueurs aller sur le porteur du ballon, effectuer des passes sûres dans un mouchoir de poche, casser le rythme quand il le fallait ou lancer une accélération au moment où on s’y attendait le moins. Les nombreux sceptiques, y compris nous-mêmes, ont assisté à un match de référence qu’on pourrait rapprocher d’un certain Cameroun-Tunisie (4-1) du 17 novembre 2013 à Yaoundé. Sauf que cette fois-ci, la victoire de Lubumbashi semble s’inscrire dans une dynamique ascendante.
Sans préjuger pour la suite, la première sortie victorieuse des Lions après une coupe du monde bâclée apparaît comme un déclic salvateur pour certains observateurs qui relèvent un nouvel état d’esprit fait d’humilité, d’engagement et de solidarité. Des nouvelles figures ont prouvé sur le terrain qu’ils ne devaient pas leur sélection au hasard du favoritisme. Visiblement, la nouvelle cuvée des Lions refuse d’être l’otage des clans qui ont jusqu’ici pourri l’ambiance dans la tanière et en dehors. Pour l’heure, la volonté du vivre ensemble semble plus forte que toutes les forces destructrices tapies dans l’ombre et dont on connait la capacité de nuisance. Il reste à souhaiter que cette entrée en matière réussie ne soit pas un simple galop d’essai, mais marque le début d’une renaissance attendue par tous.
Déjà, les Lions indomptables ont l’obligation de confirmer leurs nouvelles ambitions mercredi, 10 septembre 2014 à Yaoundé face à la Côte d’Ivoire qui veut aussi redorer son blason.
Jean Marie NZEKOUE à Yaoundé