Au fait, qui fut meilleur buteur du championnat du Cameroun de la saison dernière ? Le nom d’Eric Ekounga, sociétaire de Coton Sport, est presque déjà oublié. Non seulement parce que l’intéressé a filé depuis lors sous d’autres cieux (Lokeren, Belgique), mais également et surtout parce que l’opinion sportive nationale ne semble plus trop accorder quelque intérêt au titre de soulier d’or du championnat camerounais.
La faute aussi, sans doute, à la rareté accrue d’attaquants de race qui puissent forcer l’admiration du public local sur la durée, pendant trois, quatre saisons d’affilée ou plus, comme le furent naguère Jean Manga Onguéne, Adalbert Mangamba, Eugène Ekoulé, Paul Alain Eyobo ou François Omam-Biyik. Le déficit de buteurs s’est encore fait ressentir dimanche dernier au stade Roumde Adjia en finale retour de la Coupe de la Caf, où Coton Sport avait grand besoin de marquer deux buts pour revenir à hauteur de son adversaire marocain, le Raja de Casablanca, pour espérer remporter son premier titre continental.
Les cotonniers ont bien dominé la partie, faisant le siège permanent du camp adverse, mais n’ont pas été à mesure d’inscrire le moindre petit but qu’on attendait dès la première période. D’être allés à la pause sans ouvrir le score a vraisemblablement installé le doute chez les attaquants de Coton Sport qui, en seconde mi-temps, ont couru en pure perte, ne parvenant que rarement à prendre le dessus sur les costauds défenseurs aériens sur les nombreux centres qui sont venus de la droite (par Boya Nstogo et Sessay) et de la gauche (Kibong).
L’attaquant congolais Wilfried Endzanga, révélation de cette saison, a peut-être été sorti très tôt, lui qui par son poids physique et sa vivacité pouvait encore causer des ennuis au Raja. Son compère Hamadou Soussia, dont la force habituelle réside sur la technique et le jeu en profondeur, a été complètement éteint par une défense bien organisée. Dans ce genre de circonstances, le déclic peut souvent venir d’un défenseur ou d’un milieu; ce ne fut pas le cas. A défaut, l’équipe doit posséder un attaquant capable de faire la différence seul par une accélération, une feinte de corps ou une frappe inattendue. Coton Sport n’a pas un joueur de ce calibre, et sa machine est restée logiquement gripée
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Plus d’audace
A l’étage supérieur, en sélection nationale, est-on mieux pourvu ? Tout porte à croire que non, pour le moment. Les Lions sindomptables sont aussi dans une panne évidente d’attaquants décisifs. C’est ce qui explique sans doute le retour mouvementé, lors du dernier match amical contre le Japon, de l’habituel tonton flingueur Patrick Mboma. Hélas, le goléador providentiel, auteur de quelques buts fracassants à la pointe de l’attaque du Cameroun depuis son intégration en 1996, est resté muet à Oïta, lui qui avait redonné le sourire une semaine plus tôt par un magnifique but d’avant-centre lors du match de gala à Lyon à la mémoire de Marc-Vivien Foé. C’est vrai, le compère idéal de « Magic » Mboma, en la personne de samuel Eto’o Fils, n’était pas de l’expédition japonaise. Mais, le problème reste entier : l’attaque des Lions indomptables a de plus en plus du mal à faire parler la poudre. La « Dream Team » de 2000 à avril 2002 pouvait compter sur deux buteurs en état de grâce, Mboma et Eto’o, mais aussi sur une fluidité globale du jeu de l’équipe qui autorisait les hommes de tous les compartiments (Kalla, Foé, Etame, Mettomo, et même Olembé) à venir créer du grabuge dans les filets adverses. Collectivement, depuis la dernière Coupe des confédérations, on a pu s’apercevoir que les Lions indomptables sont en train de retrouver leur jeu de rêve qui peut bousculer n’importe quel adversaire.
Reste, pour le staff technique que dirige Winfried Schäfer, à asseoir l’efficacité offensive. Celle-ci passera forcément par plus d’audace dans la finition de l’indéboulonnable Eto’o, trop porté ces derniers temps à multiplier les dribbles plutôt qu’à foncer vers le but.
Elle passe aussi absolument par l’alignement d’un deuxième attaquant de métier, rôle dévolu à Patrick Mboma jusqu’à sa mise à l’écart après la Coupe du monde 2002. Le système à une pointe à l’attaque est à éviter. Au milieu, peut-être qu’il faudrait aussi un patron pour la direction du jeu ; les travailleurs de l’axe (Mbami, Djemba) et des couloirs (Njitap, Idrissou, Atouba) on les a déjà. Idrissou et Atouba ayant du reste permis de donner plus d’allant au côté gauche qui peut désormais tenir la comparaison au couloir droit où Njitap est orphélin de Etame Mayer. Le salut offensif passera enfin par la solidité du banc de touche : N’diéfi a souvent su jouer les utilités à ce niveau, mais les entraîneurs comptent-ils encore sur lui ? Quant à Joseph Désiré Job, il est forfait pour la Can 2004. Les Kioyo et autres Webo n’ont pas encore prouvé qu’on peut compter sur eux. Schäfer fera-t-il alors monter Mokake, milieu offensif du Canon de Yaoundé à l’efficacité renversante dans la sélection espoirs ou se rendra-t-il en Belgique pour voir si Ekounga est encore opérationnel ? Ces interrogations montrent simplement que le chantier est vaste sur le front de l’attaque du Cameroun.
E. Gustave Samnick