A 70 ans, Raymond Fobeté coule une retraite paisible à Banjah Street par Bamenda. Après avoir servi le football camerounais pendant 30 ans. Les jeunes ne le connaissent pas assez. Pourtant, cet homme fut le premier Camerounais à entraîner l’équipe nationale de football du Cameroun. Ceux qui ont entendu ses échos dans les années 60, 70 et 80 ne tarissent pas d’éloges à son endroit.
Pour Joseph Oyoko, professeur d’Education physique et sportive, « c’est le seul qui a toujours eu le courage de gérer le football camerounais chaque fois qu’il était au creux de la vague. Il n’a jamais couru après les gloires, mais après le travail. C’est pourquoi on ne lui connaît pas de grandes victoires. Toutefois, il a toujours été là quand le bateau prenait de l’eau. » Une opinion que partage Jean-Baptiste Sipa qui, à l’époque, était journaliste sportif. « C’est l’un des grands hommes que j’ai connus dans le monde du football camerounais », affirme-t-il. Mais qui est-il au juste, cet homme qui semble avoir tant marqué les esprits des observateurs de la scène sportive en son temps ?
Formé comme maître d’Eps au Centre d’éducation sportive de Dschang entre 1954 et 1957, Raymond Fobeté exerce, pendant plus de 5 ans, comme enseignant chargé de cours. Il officie tour à tour à Edéa, Dschang, et Yaoundé. Son étoile brille très tôt et il gravit des échelons sur le plan administratif. Dès 1960, il est nommé professeur coordonnateur d’Eps au lycée général Leclerc de Yaoundé. Un poste qu’il n’occupera que pendant deux ans, puisqu’il est promu, en 1962, inspecteur départemental de la Jeunesse et sports dans la Sanaga Maritime à Edéa. C’est pendant qu’il assume ces fonctions qu’il bénéficie d’un stage de formation en France en 1963. Cette session de formation qui se déroule entre 1963 et 1964 est sanctionnée par un diplôme de conseiller sportif, spécialité football. Aujourd’hui encore, il se rappelle de quelques détails qui ont animé sa vie au cours de ce stage. « J’ai passé mon diplôme d’entraîneur au niveau de la Fédération française de football en juin 1964 avec Jean-Vincent comme promotionnaire. L’ambiance était très bonne», affirme-t-il, nostalgique.
Entraîneur
A son retour, Fobeté est nommé, à partir de 1965, inspecteur régional de la Jeunesse et sports du Cameroun occidental. Mais les responsabilités administratives ne l’ont pas détourné de ses ambitions. C’est pourquoi, il s’est mis mécaniquement au service de l’équipe nationale de football du Cameroun. D’abord comme entraîneur, ensuite comme secrétaire général de la Fécafoot et enfin comme directeur administratif. Son plus grand succès public dans cette immense aventure reste la Coupe d’Afrique des nations de 1970. Il en garde de très bons souvenirs. « J’ai été le premier Camerounais à entraîner notre équipe nationale de football et à l’emmener à la Coupe d’Afrique des nations. C’était à la septième édition à Khartoum au Soudan », affirme-t-il tout fier.
Mais durant tout le temps passé avec l’équipe nationale, il n’a, le plus souvent été qu’adjoint ou intérimaire. Il explique : « si la plupart du temps je n’étais qu’intérimaire, ce n’est pas parce qu’on manquait des cadres camerounais capables. Je peux citer le cas de Nyongha Jules qui a fait l’Ecole supérieure de football en Allemagne et qui a passé son diplôme d’entraîneur avec l’actuel sélectionneur national des Lions, Winfried Schäfer. En fait, l’option gouvernementale du Cameroun était d’abord d’utiliser les expatriés. » Cette option s’explique, poursuit-il, « par la pression que les Camerounais exercent sur les entraîneurs nationaux. » Et de conclure, « ces derniers n’ont jamais eu la main libre pour exercer vraiment leurs fonctions ».
Regrets
Mais le plus triste souvenir de Raymond Fobeté reste la 8e Coupe d’Afrique des nations qui s’est jouée en 1972 à Yaoundé. Non seulement l’équipe du Cameroun n’a pas atteint ses objectifs – ce qui était un échec pour l’encadrement technique – mais surtout il a été confondu dans ce qui est aujourd’hui convenu d’appeler l’affaire de la 8e coupe. Interpellé puis incarcéré en 1973, il a été relaxé un an après pour faits non établis. Cette expérience malheureuse aurait pu lui servir de prétexte pour mettre fin à sa carrière. Mais, par passion, il a continué à servir le football camerounais jusqu’en 1988, année à laquelle il s’est retiré à Bamenda pour préparer sa retraite. Et même à la retraite, il n’a pas lâché le foot. Aux derniers moments de sa carrière de fonctionnaire, il dirigeait le Cenajes de Bamenda et faisait en même temps office de conseiller sportif auprès de Pwd de Bamenda.
«Mais plus le temps avance, dit-il, plus on prend de l’âge, plus on a besoin de repos. Qu’à cela ne tienne, je suis à l’écoute du football et même de tous les autres sports (disciplines). Du village où je vis aujourd’hui, je constate que le football camerounais a progressé. Comme occupation, j’ai de petites activités agricoles. Avec mon épouse, nous produisons du champignon à la façon des Chinois. Cela nous occupe suffisamment. » Comme on fait son lit, on se couche. Aujourd’hui épuisé, la postérité retiendra de cet homme qu’il fut un modèle d’abnégation, qui a fait des principes sartriens des leitmotivs de son existence.
Alexandre T. Djimeli et Donat Suffo