Paul Le Guen n’aurait jamais pensé à la déferlante qui est née de sa décision de faire de Samuel Eto’o son capitaine. Habitué de la controverse et des électrochocs, cet ancien sélectionneur des Lions Indomptables a mis la table à la prolifération d’un climat malsain dans la tanière. Plusieurs années après son départ, les effets ne se sont toujours pas estompés. Devrait-on le blâmer?
Avant d’être nommé au Cameroun, Paul Le Guen avait connu une totale déchéance en Ecosse, au mythique club des Rangers. Ayant terminé l’année 2005-2006 en troisième place, ce qui signifiait rien de moins que l’humiliation, le président de l’équipe annonce en grande pompe l’arrivée d’un coach nouveau genre. C’est que Le Guen sortait d’une année sabbatique après avoir gagné trois fois de suite le championnat de France aux commandes de Lyon. En plus, durant deux années consécutives, Lyon a fait de bons parcours en UEFA Champions League en se hissant à chaque fois aux quarts de finale. Le Guen était donc attendu pour relancer la franchise d’autant plus que plusieurs clubs européens, Lazio, Benfica and Fenerbahce entre autres, voulait l’attirer.
Et pourquoi pas? Rangers était un club avec une grande histoire, ayant une énorme base de supporters et a connu sa part de succès. Même si la Scottish Premier League avait déjà commencé son déclin, incapable d’attirer des joueurs au haut profil, le calcul de Le Guen était simple: trouver une manière de rendre au club sa notoriété d’antan et être reconnu.
L’échec sera par contre retentissant. Sept mois et 31 matchs plus tard, Le Guen et les Rangers se séparent; par consentement mutuel, dira t-on. Il passera cependant à l’histoire comme étant le coach au plus court règne.
Comment avait-il échoué de façon si spectaculaire au Rangers quand il semblait avoir telle opportunité pour le succès?
Le Guen était un homme confiant, un brin arrogant. Il avait une philosophie qu’il souhaitait mettre en place qui devait incarner son style de jeu sur le terrain, mais aussi regenter le comportement de ses joueurs en dehors.
Une interdiction des tacles pendant les entraînements devait permettre aux joueurs de changer leur mentalité pour se dédier à de la technique. Il voulait instituer un système de jeu basé sur la possession de balle. Ces indications prouvent que Le Guen n’avait pas compris ou n’était pas intéressé à comprendre la nature profonde du football écossais.
Et puis, il y a la gestion des hommes. Malgré les bourdes à répétition, il a continué à faire confiance à Letizi, à refuser de changer son approche. Il s’est brouillé avec son capitaine, et joueur mythique des Rangers, Barry Ferguson qu’il a en outre isolé. Il est allé jusqu’à décrire le capitanat comme n’étant pas important pour l’équipe alors que dans la culture angosaxonne, le capitaine est adulé des fans.
À tort ou à raison, le style de gestion de Le Guen avait provoqué une scission au sein du club.
Cette même histoire s’est répétée chez les Lions Indomptables quelques mois plus tard. Le capitanat a échu à Samuel Eto’o dans des conditions toujours pas évidentes. Cette mauvaise perception des enjeux aussi bien en Ecosse qu’au Cameroun ne se résume pas seulement en un échec, mais elle conditionne la suite des choses.
Pour ce qui est des Lions Indomptables, la nature mystérieuse de Le Guen et celle un peu trop extravertie de Samuel Eto’o a produit des cratères qui prendront longtemps à cicatriser. Dans ce mélange de genre, capitanat, néo-colonialisme et syndicalisme se sont entre nourris. Joueurs, entraîneurs, administratifs et politiques autrefois complices des manigances de leur capitaine, se sont retrouvés face à la réalité.
Les barrières autrefois infranchissables ont explosé. Le refus de l’autorité, le diktat des joueurs sur les matches amicaux, les primes, les grèves! Ah oui… les grèves. Et en arrière, le contrôle serré de la communication des joueurs, la valorisation de la fidélité, la déification du capitanat.
Cependant, peut-on affirmer que ces faits d’armes du duo Le Guen – Eto’o ont disparu après leur départ? La gestion de la CAN2015 nous prouve le contraire.
Raphaël Onambélé