Prince Bana et directeur général adjoint d’une grande entreprise de transit, Emmanuel Ngassa Happi a tout donné pour l’Union sportive de Douala entre 1967 et 1982. C’est avec lui que l’équipe fanion de la capitale économique a remporté ses deux titres continentaux en 1979 et 1981.
A 64 ans sonnés, Emmanuel Ngassa Happi, ancien étudiant camerounais en France avant l’indépendance, a bâti sa réputation dans le football. Notamment avec son passage dans l’Union sportive de Douala où il a été tour à tour simple membre, secrétaire général et président général. Ses premières amours avec l’équipe fanion de la capitale économique remontent à 1967, après son retour de France où, en tant qu’étudiant en comptabilité, il jouait les premiers rôles dans de nombreuses associations. Il était secrétaire général de l’association des élèves bamiléké et, de 1960 à 1964, vice-président de la Fédération des Etudiants d’Afrique noire.
Après une année comme simple membre dans l’Union, Ngassa Happi est élu secrétaire général du club au congrès de 1968 à Douala. A l’époque, l’équipe, «née de la fusion de Jeunesse bamiléké, Vent du nord, Diable rouge de Bafang et Panthère (clubs de New-Bell), est présidée par Samuel Kouam. De 1968 à 1972, Ngassa Happi sert fidèlement Kouam, “le créateur” de l’Union de Douala qui, après la 8ème coupe d’Afrique des nations organisée par le Cameroun en 1972, est jeté en prison par l’Etat qui l’a accusé avec d’autres dirigeants sportifs et fonctionnaires impliqués dans l’organisation, de malversations financières.
Il reviendra au Dr Happi d’assurer l’intérim. Et de reconduire le jeune et dynamique Ngassa Happi dans ses fonctions de secrétaire général. En 1973, ce prince Bana qui n’a que 35 ans, volubile et remuant fait l’unanimité au sein du directoire de l’Union qui lui confie le “perchoir” comme on dit dans cette équipe.
Le complice des joueurs
Avec Emmanuel Ngassa Happi comme président, l’Union sportive de Douala écrit les plus belles pages de son histoire. Elle remporte plusieurs titres nationaux et deux continentaux. «Quand je suis devenu président de l’Union, j’ai décidé d’appliquer les méthodes managériales de Samuel Kouam dont j’avais été secrétaire général de 1968 à 1972. Elles consistaient à favoriser la démocratie et à se rapprocher régulièrement des joueurs pour leur montrer qu’ils sont le maillon le plus important de l’équipe. Dans l’Union, nous écoutions tout le monde et acceptions toutes sortes de contributions pour l’édification du club», se souvient Ngassa Happi que les joueurs ont toujours considéré comme leur père.
En dépit de ses grands airs et de ses positions véhémentes, Emmanuel Ngassa Happi n’est pas moins un personnage modeste, disponible et humain, très proche du joueurs. “Il partageait les repas avec ceux-ci, allait en boîte avec eux après des victoires éclatantes. Il connaissait les domiciles et les familles de chacun d’entre eux. C’était un véritable père de famille”, témoigne Nana, un sexagénaire, grand supporter des Nassaras. Ce caractère paternel de Ngassa Happi est reconnu par de nombreux anciens joueurs de l’Union tels Pougueuleu, Kang Wilson, Mboubouama, Ekoulé et autres qu’il a fait embaucher dans son entreprise. «Les joueurs qui ne travaillaient pas et n’allaient pas à l’école avaient chacun un salaire mensuel chez le président Ngassa. Tous les joueurs encore élèves tels Bell Joseph Antoine, Yerima, Nguimya… étaient entièrement pris en charge par lui», révèle Mme Monthé, membre active de l’Union depuis les années 70.
Deux titres continentaux
Pour Ngassa Happi, le plus grand défi a relever était de donner à l’Union les deux prestigieux trophées continentaux. Objectifs atteint en 1979 pour la coupe des clubs champions et en 1981 pour celle des vainqueurs de coupes. «Pour cela, j’avais fait de mon équipe une grande famille. Il y avait 25 joueurs qui se valaient les uns les autres. Et, l’équipe dirigeante de 1973 à 1982 n’avait pas changé : Deffo président actif, Dieudonné Monthé secrétaire général et Théophile Abong entraîneur. C’est le même groupe qui a remporté les deux titres africains», rappelle prince Ngassa Happi qui se vante encore d’avoir été “le plus jeune président de club à remporter le doublé continental”.
En réalisant cet exploit, Ngassa Happi prit un peu du dessus sur Ferdinand Koungou Edima et Martin Omgba Zing, respectivement présidents de Canon et Tonnerre, équipe rivales de l’Union au Cameroun. «Les présidents Koungou et Omgba Zing étaient mes “amis-ennemis intimes”. On se chamaillaient sportivement au stade pendant les matches puis, le soir, nous nous retrouvions ensemble pour boire du champagne. A chaque intersaison, on se surveillait. Nul ne voulait que l’autre lui arrache un joueur. Avec moi, aucun joueur n’est parti de l’Union pour Canon ou Tonnerre. Mais, j’avais pu, en 1978, arracher Doumbè Lea au Canon. Ce fut un grand coup ! Les médias en parlèrent beaucoup», rappelle encore celui qui, en 1981, fut surnommé “empereur” par le président Ahmadou Ahidjo. En raison des deux titres continentaux remportés par Union de Douala en l’espace de trois ans.
Homme téméraire et de défi
Le tout premier président de la République avait du respect pour les promoteurs du sport. Ils les recevait régulièrement à la présidence. En 1979, lors de la finale de la coupe des clubs champions à Yaoundé, Ngassa Happi arrive au stade quand toute les issues sont bloquées. Seule celle donnant au tapis rouge, réservée au président Ahidjo est disponible. Le président de l’Union qui vient des vestiaires où il est allé s’entretenir avec ses joueurs, emprunte ladite issue, malgré le refus des forces de l’ordre. Silence dans la tribune officielle. L’on croit alors qu’il vient de signer son arrêt de mort. Mais, le président Ahidjo ne fit rien et, à la réception à la présidence après la finale remportée par l’Union, il lança à Ngassa Happi : «Tu es un mal nécessaire».
C’est en 1981 que le président Ahidjo surnomme Ngassa Happi “Empereur”. L’union qui venait de remporter la coupe des vainqueurs de coupes était à l’honneur à la présidence. Les membres de l’équipe présents ne cessaient d’appeler Ngassa Happi “président”. Puis soudain, Ahidjo lui dit : «M. Ngassa Happi vous n’êtes plus président. Désormais, vous êtes empereur, vous avez remporté deux titres continentaux en l’espace de 3 ans». C’est ainsi que, Jean Diatta, un journaliste de Rfi qui était présent, médiatisa l’appellation “empereur” décidée par Ahmadou Ahidjo.
Aujourd’hui, Emmanuel Ngassa Happi qui s’est retiré de la présidence de l’Union en 1982 est président du conseil supérieur de l’Union sportive de Douala. Chaque fois que l’équipe traverse une grave crise, on fait appel à lui. C’est d’ailleurs par son entregent que l’Union est en partenariat depuis bientôt un an avec la Kadji sports academy (Ksa) de Gilbert Kadji. Il a toujours prodigué des conseils à Michel Nzuko et Michel Kamdem, les principaux dirigeants actuels du club phare de Douala.