Ancien entraîneur national, directeur des relations internationales et des événements sportifs de haut niveau au ministère des Sports ayant pris la retraite jette un regard synoptique sur l’actualité footballistique au Cameroun. Entretien…
Vous êtes entraîneur de football et avez occupé de hautes fonctions avant de prendre votre retraite. L’actualité du football vous laisse-t-elle indifférent ?
Point n’est besoin de se mettre dans la rue pour constater qu’il y a des changements qui sont en train d’être opérés au sein de notre équipe nationale de football. En tant qu’entraîneur de football je ne suis pas insensible à tout ce qui se passe. Après notre débâcle en Coupe du Monde, le chef de l’Etat a commandé une enquête et les résultats sont en train de tomber. Même si les résultats n’ont pas été rendus publics, on sent tout de même qu’on commence à avoir des réponses à diverses interrogations. Par exemple, au niveau du staff technique, tout le monde avait constaté qu’à un moment donné, il n’y avait pas d’harmonie. Ou alors une démission de certaines personnes au niveau de ce staff à un moment donné. Avec le réaménagement qui a été fait, je crois qu’il va y avoir un changement, parce que les personnes qui ont été nommées Alexandre Belinga, qui est un homme de caractère avec une grande expérience et Bonaventure Djonkep, bien capé lui aussi.
Justement, quelle appréciation faites-vous de ce nouveau staff technique des Lions Indomptables ?
Il répond au vœu que tous les Camerounais avaient, à savoir que l’équipe nationale doit être un aboutissement et non le début d’une carrière. Tous ces entraîneurs qui viennent d’être nommés sont des gens qui ont roulé leur bosse dans des clubs et qui ont eu à produire des résultats. Ils ont même conduit leurs équipes au niveau international, grâce au travail accompli. Leur nomination est méritée.
Volker Finke dit compter beaucoup sur ces deux coachs pour mieux connaître les joueurs locaux …
Il faut d’abord remarquer que les deux sont d’anciens footballeurs. Ce qui est un atout non négligeable, parce qu’on ne peut pas apprendre quelque chose à quelqu’un alors qu’on ne l’a pas soi-même pratiqué. Je crois que nous avançons vers les succès qu’on attend, parce que ça ressemblait déjà à certaines faveurs que l’on accordait à certaines personnes dont on ne maîtrisait le parcours pour arriver en équipe nationale. Là, maintenant, avec ‘expérience de ceux-là, ajoutée à Volker Finke qui est un bon entraîneur, les choses devraient aller.
Volker Finke qui coiffe ce staff technique a été très critiqué. Etes-vous de l’avis de ceux qui ne sont pas d’accord avec lui ?
Je ne vais pas penser comme tous les autres, parce que nous avons été tous d’accord ici avant la Coupe du Monde, lors des matchs éliminatoires et de préparation, notamment contre l’Allemagne, que M. Volker Finke était un bon entraîneur. C’est ce qui s’est passé entre ce match amical contre l’Allemagne et le début de la compétition, qui a tout gâté. C’est à ce niveau que Volker Finke a perdu la main sur son équipe. Je reste convaincu que c’est un bon entraîneur. On a vu sa touche lors des matchs éliminatoires de cette Coupe du Monde, avec un changement dans la manière de jouer.
Volker Finke a convoqué des joueurs pour les deux prochains matchs éliminatoires de la Can 2015, avec des changements notables. Pour vous, est-ce ce qu’on attendait ?
Je n’aimerais pas parler comme un profane. Tout le monde a été unanime qu’il fallait un changement pour une reconstruction. Pour le faire, c’est avec la jeunesse et je crois que cette liste est la bienvenue, parce qu’en tant qu’entraîneur, pour moi, ce n’est pas les résultats immédiats qui comptent. C’est prendre patiemment du temps pour mettre une équipe en place, pour se donner en moyenne quatre ans pour bâtir une vraie équipe. Je ne dis pas que les résultats sont négligeables ; je dis que nous ne devons pas être trop exigeants pour les résultats en ce moment.
Selon vous, on pourrait ne pas se qualifier pour la prochaine CAN que ça ne gênerait pas ?
Pas du tout. L’important est de voir la marge de progression de ces jeunes au fil des éliminatoires. On doit sentir à chaque fois qu’ils franchissent un palier, même si le résultat n’est pas celui qui est attendu.
La dernière actualité en date, c’est la nomination d’un nouveau capitaine de cette équipe nationale. Que signifie cette décision pour vous ?
La nomination d’un capitaine répond à certains critères : l’ancienneté, le leadership et la performance sur le terrain. Pour le moment, je crois que parmi les joueurs qui ont été convoqués, Stéphane Mbia répond à ces critères. C’est un joueur très engagé et qui a toujours tout donné sur le terrain. Il donne toujours le meilleur de lui-même et apparemment, c’est un rassembleur.
Beaucoup estiment déjà que c’est la fin pour Samuel Eto’o avec les Lions Indomptables ; Est-ce votre avis ?
On peut mettre un joueur de côté, pas parce qu’il n’est plus performant. Mais, parfois pour apaiser certains esprits et ramener le calme dans certains groupes. Peut-être que plus tard, on pourra encore faire appel à lui. Pour le moment, il était nécessaire, compte tenu de tout ce qui se dit et se raconte, qu’on le mette un peu en marge du groupe. Je crois qu’un nouvel esprit va naître et s’il revient, ce sera à lui de s’y adapter.
Vous êtes passé par les Lins Indomptables sans que l’on vous sente vraiment …
J’ai été nommé avec Jean-Pierre Sadi et Pierre Njili en 1993 par le ministre des sports de l’époque, M. Bernard Massoua II. Arrivé ici à Yaoundé, puisque je venais de l’Est en tant qu’entraîneur provincial et il y a eu tous les problèmes du monde à la Fécafoot et on a créé un Comité provisoire de gestion dirigé par Ngewa Omer. Ce Comité a plutôt des coachs pour l’équipe nationale au lieu de les nommer. Et après la Coupe du Monde catastrophique des Etats-Unis, on ne savait quoi faire de nous, alors que nous avions déjà pris fonction à notre poste. Et à l’occasion d’un match des Espoirs que le ministre Bipoun Woum nous affecte de bouche, sans note, dans différentes sélections nationales. C’est comme ça que je me retrouve à l’équipe nationale Espoir sans une note. Sadi s’est retrouvé chez les cadets et Njilli chez les dames, alors que nous avions déjà pris fonction chez les Lions A. On n’a pas connu assez de rencontres. Le match qu’on a disputé comptait pour les éliminatoires des Jeux olympiques d’Atlanta, en 1994. De retour des Etats-Unis, il y a eu un black out sur le championnat national. Les clubs réclamaient leur quotte part des retombées du Mondial et le championnat a été interrompu pendant six mois. Or, nous devions affronter le Ghana au dernier match, sans championnat, sans regroupement. Sauf au cours des deux dernières semaines et nous avons été éliminés.
Le mandat du Comité de normalisation tend à sa fin. Il y a eu l’adoption des textes samedi dernier. Comment trouvez-vous le travail fait par les gens qui ont travaillé dans ce groupe ?
Je n’ai pas travaillé avec ce Comité de normalisation. Mais, pour une fois, une assemblée générale pour l’adoption des textes, s’est déroulée sans heurts. Il y a lieu de dire que le travail a été bien fait. Je pense que nous aurons une véritable Fédération, avec des hommes dotés d’un nouvel esprit. Ils peuvent même être des anciens. Mais, qui apportent un nouvel esprit, dans le respect scrupuleux des textes mis en place par la Comité de normalisation. Ce sera ainsi le redécollage de notre Fédération. Je salue le travail fait par ce Comité dirigé par le Pr Joseph Owona.
Que devient Pierre Ngue Ngue, après le passage dans des clubs et des équipes nationales ?
Je n’ai pas quitté les bancs de touche. Après avoir acquis une expérience certaine sur les bancs de touche, pendant plus de 25 ans dans les clubs et au niveau des équipes nationales, l’administration a eu besoin de moi afin que je réfléchisse sur les problèmes du terrain, que j’apporte cette expérience au terrain, pour faire pour faire évoluer ce sport. J’ai terminé comme directeur des relations internationales et des événements sportifs de haut niveau au ministère des Sports. Et je suis toujours sollicité comme consultant dans toutes les réflexions qui concernent le football dans la mise en place des structures, des textes et autres… Et au moment où je vous parle, je suis en train de mener une réflexion toujours dans le souci d’améliorer notre football.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé