Des posters géants du président de la République, visiblement en course pour sa réélection en 2018, font ombrage aux affiches annonçant la compétition dont le coup d’envoi est prévu dans 16 jours. Une campagne de communication politique qui met en quarantaine les principales actrices de cette Can historique, à qui un maigre espace a été consacré.
On s’attendait à voir les Lionnes en vitrine. C’est plutôt Paul Biya que la Commission de communication a choisi comme la star de la Can féminine 2016. Même la mascotte « Lili » n’était finalement qu’un artifice. La vraie mascotte s’appelle Paul Biya ! On croyait pourtant qu’après les critiques acerbes de la presse qui ne comprenait pas qu’à un mois de la compétition, aucune communication n’a été encore initiée dans le sens de préparer au moins les populations à accueillir cet événement, la dite Commission songerait au moins à réaliser un véritable tôlé autour de ce tournoi. Mais en guise de riposte, c’est un autre flop que ces experts de la Com’ ont servi aux fans de l’équipe nationale. A leurs yeux, la vedette n’est autre que Paul Biya. Lui le chef de l’Etat, le roi, le Dieu. Tenez ! Toutes les imposantes affiches que l’on peut voir dans les principales artères de Yaoundé et Limbé, portent ce message pour le moins burlesque : « Can féminine Cameroun 2016, une grande réalisation, une grande réussite », avec en guise d’illustration à côté, l’image du N’nomgui, plus large que celle des joueuses engagées dans la compétition. C’est à peine si on réussi à identifier les trois Lionnes sur ces panneaux qui inondent les boulevards et les avenues des villes hôtes. Le premier sportif camerounais s’arroge donc à lui tout seul, l’éclat et la clarté. Même le logo de la compétition semblable à un aiguillon, est à peine visible.
Elections présidentielles en ligne de mire
A en croire les partisans du régime, l’organisation de la Can 2016 est une « réussite » qui est attribuée à Paul Biya. Lui qui, à 83 ans, dont 34 ans au pouvoir, n’avait pas encore réussi à organiser depuis son arrivée au pouvoir (1982), une Coupe d’Afrique des nations. Pour une compétition où les filles ont versé sang et sueur depuis cinq bonnes années, hissant le drapeau du Cameroun au firmament, il ne manquait plus que tous ces sacrifices et ces performances reconnus outre-Atlantique, soient aujourd’hui l’apanage du « premier sportif camerounais ». On croyait en avoir assez vu à travers les campagnes d’affichage qui précédent souvent les élections présidentielles où ses images sont présentes partout. Dans les ministères, les bureaux, les routes, les salles de classe, les maisons, les chambres, les radios, les banques, sur les stades… Revoici donc ses effigies, accompagnées de banderoles ou de messages parfois insensés qui s’invitent à la Can, une compétition sportive qui s’accommode mal des élans de propagande. Un culte de la personnalité qui enjoint parfaitement le griotisme à outrance dans lequel excellent les membres du comité d’organisation.
Oublier l’essentiel pour vanter le futile
Lors de la cérémonie de tirage au sort le 20 septembre dernier, c’était le même rituel. Des centaines de posters géants de Paul Biya, solidement suspendus, inondaient le palais polyvalent des Sports de Yaoundé. C’est à peine si les oriflammes et autres étendards de la Confédération africaine de football (Caf), pourtant propriétaire de la Can féminine, n’avaient pas été englouti par cette overdose de visuels du premier sportif camerounais. L’homme sans qui, cette Can n’aurait jamais été attribuée au pays de Gaëlle Enganamouit. Où sont donc passés les posters de nos héroïnes que sont : Christine Mani, Enganamouit, Aboudi Onguéné, Mefometou, Leuko, Chout Njoya, Ngo Ndom et Cie ? Pourquoi leur avoir volé la gloire ? Le Cameroun est donc resté fidèle à lui-même. Oublier l’essentiel pour vanter le futile. Un one man show qui dure depuis des lustres.
Christou DOUBENA