Les Lionnes indomptables récemment qualifiées pour le Coupe du monde 2015 à l’issue du Championnat d’Afrique de football féminin 2014 en Namibie, ont finalement gagné de haute lutte le bras de fer qui les opposait aux officiels en charge de la gestion des équipes nationales. Mercredi, 29 octobre, chacune d’elles a reçu la rondelette somme de 9,8 millions de francs au cours d’une mémorable cérémonie d’hommage au Palais polyvalent des sports de Yaoundé.
Du coup, les visages des héroïnes de Windhoek ont retrouvé le sourire, après des longues heures de détresse et la mauvaise humeur affichées lors de leur arrivée à Douala, puis à Yaoundé. Les discours de circonstances, les réactions entendues ici et là chez les joueuses comme chez les encadreurs expriment la satisfaction globale.
Tout est donc bien qui finit bien, pourrait-on dire, en guise de consolation. Toujours est-il qu’on revient de loin. Il suffit de rappeler qu’avant l’épilogue de mercredi, un premier rendez-vous manqué a eu lieu mardi, 28 octobre 2014 au Palais des sports. Tout semblait réuni pour une fête grandiose : un dispositif protocolaire et sécuritaire bien huilé, des invitations envoyées à diverses personnalités, la mobilisation des membres de famille venus encourager les leurs, le buffet dressé pour la circonstance, etc. Seul un élément majeur manquait au décor : la présence des joueuses. Une situation quasi-insolite qui avait alors entrainé le report de la cérémonie pour le lendemain. Selon des sources dignes de foi, ce renvoi est venu mettre au grand jour des incompréhensions entre les organisateurs et les joueuses restées cloîtrées toute la journée dans un établissement hôtelier de la place. Il se disait alors avec insistance que les Lionnes refusaient les 5,5 millions de francs proposés jusque là, exigeant la totalité des sommes prévues dans les différentes catégories.
Si on peut se féliciter pour l’heureux dénouement, on peut tout de même s’interroger pourquoi les vice-championnes d’Afrique de football ont été ainsi traitées comme une sélection nationale mineure ou de seconde zone, alors que le montant des primes remis aux Lions ayant pris part à la Coupe du monde 2014 au Brésil était plus de six fois supérieur à celui des Lionnes qui ont pourtant mieux joué sans posé de conditions préalables. Le long feuilleton à rebondissements au sujet du paiement des primes aux Lionnes indomptables remet au goût du jour le sempiternel problème de respect des lois et règlements de la République. Malgré le dernier dénouement en date, la question des primes accordées aux sportifs de haut niveau reste posée puisqu’elle ressurgit de manière cyclique, généralement à la veille des grandes échéances sportives. On se rappelle encore des péripéties rocambolesques du versement des primes aux Lions en route pour Brésil 2014. Ayant refusé de recourir au bras de fer ou au chantage, Christine Mani et ses camarades ont plutôt mis en avant une solidarité et un patriotisme à toute épreuve, pour aller jusqu’au bout de l’aventure. Avec le secret espoir d’être récompensées pour services rendus. La suite n’a pas été un long fleuve tranquille.
Fort heureusement, le cauchemar est terminé pour les Lionnes qui peuvent maintenant jouir des retombées financières de leurs efforts. Mais s’agit-il d’une solution provisoire ou définitive ? Aura-t-on besoin la prochaine fois de forcer la main aux officiels du Ministère et de la Fédération pour « libérer » les montants exacts des primes prévues par la réglementation ? Sans répondre par l’affirmative, il faut tout de même relever que la question des primes est fort embarrassante et sa gestion n’a pas jusqu’ici honoré notre pays et cette sélection emblématique des Lions indomptables, toutes catégories confondues.
Pour le citoyen ordinaire, la cacophonie vécue autour de ce problème est d’autant plus incompréhensible que l’on semblait s’acheminer vers une solution définitive. Dans la dynamique de reconstruction du football camerounais, on se rappelle en effet qu’un décret du Chef de l’Etat en date du 26 septembre 2014, a clarifié les rôles en matière d’organisation de l’équipe nationale, apportant de ce fait plus de visibilité et de transparence dans le traitement de certains dossiers épineux comme les modalités de paiement des primes, principale pomme de discorde entre les joueurs et les dirigeants à la veille des grands rendez-vous sportifs. D’où vient-il donc qu’un mois à peine, on en soit encore à discutailler sur le versement des primes à une sélection qui a vaillamment défendu les couleurs nationales sans recourir au chantage ? La réponse à cette question, il faudra peut-être la rechercher du côté des hommes en charge de l’application des directives de la très haute hiérarchie.
Du moment où les primes sont statutaires, personne n’a vraiment intérêt à faire trainer la procédure en longueur, au risque de susciter la méfiance chez les athlètes. Le récent décret présidentiel offre une base solide de travail pour éviter à l’avenir des tâtonnements contreproductifs. Pour ne se limiter qu’au football, le Cameroun est engagé sur plusieurs fronts. Alors que la CAN masculine 2015, le championnat d’Afrique juniors et la Coupe du monde féminine s’approchent à grands pas, il est temps de trouver une solution définitive et durable pour un problème qui n’a que trop duré.
Jean Marie NZEKOUE, éditorialiste, écrivainRetour ligne automatique
Auteur, entre autres, de « L’aventure mondiale du football africain » (L’harmattan, Paris 2010)