La nomination vendredi dernier de l’oiseau recherché à la tête des lions indomptables du Cameroun a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Tant au sein de l’opinion publique que dans la presse camerounaise. Mais il ne pouvait pas en être autrement tant ce choix impopulaire à è mettre au crédit d’un gouvernement dont rien de bon n’en sort depuis bien de lustres.
Cette nomination de Otto Pfister ne devrait logiquement plus surprendre, d’autant plus que tous les Camerounais connaissent bien leur pays et leurs dirigeants. N’a-t-on pas l’habitude de dire, «le Cameroun c’est le Cameroun» ?
Otto Pfister, le septuagénaire, n’est pas aussi âgé que certains membres du gouvernement de Paul Biya qui croulent sous le poids de l’âge et s’accrochent à la parcelle du pouvoir qui leur est gracieusement offert par un président qui ne semble plus avoir la lucidité tant pour la conduite du pays que pour ses nominations/récompenses. Les jeunes gens ? Biya n’en a que cure .
Pour ceux qui ne comprennent pas les enjeux en arrière d’une telle négociation, je discutais dernièrement avec un ami, qui a mis tellement du temps dans les pays occidentaux et travaillé pour de multiples organisations internationales qu’il ne comprend plus les réalités locales. Je vous propose ici une partie de notre échange. Faites-en vous même une opinion.
Question: Alors, le choix du ministre a-t-il été fait en fonction de la capacité des gens qui sont derrière une candidature ? Peux-tu vraiment mettre le doigt sur UN élément qui a déterminé le choix de ce type (Otto Pfister, ndlr) ?
Réponse: Franchement NON; mis à part l’opportunité financière soudjacente. Tu sais que le marché de la négociation des matchs amicaux en est un de vraiment colossal. Pour chaque match amical peut rapporter au moins 40 000 Euros après avoir payé les primes des joueurs et les différentes charges. C’est quand même un pactole de plus de 26 millions que celui en charge de l’organisation aura à gérer… à sa guise !
Pour ce qui est de la préparation aux compétitions, le ministère des finances met à la disposition du ministère des sports un budget estimé par ce dernier. Dans le cas du match éliminatoire de la Coupe du Monde 2006 à Abidjan, le MINSEP a reçu un pactole de 2 milliars de FCFA pour la préparation au vu de l’enjeu. Qu’a-t-on fait de cet argent ? Comment l’a-t-on dépensé ? Que Diable ! Un ministre de la Republique ne se justifie pas.
Question: Cela n’a rien à voir avec le coach. N’importe quel coach peut faire l’affaire du point de vue des matchs amicaux, non?
Réponse: Mais non… l’on veut sûrement s’assurer d’avoir des retombées directe de la négociation des matchs amicaux
Question: Alors, qui reçoit quoi? et Pourquoi ce coach? Accepte-t-il de partager? Le chiffre de 100 millions cité pour la signature est-il fictif? Le ministre aurait pu nommer Nyongha; cela aurait été sans doute plus facile, non?
Réponse: Le montant n’est pas vraiment fictif. Il faut dédommager le club avec lequel il est encore lié par contrat. C’est mieux que ce soit un blanc puisqu’on a la discretion assurée. Dans le cas en presence, Otto Pfister est un blanc qui sait comment on fonctionne en Afrique. En plus avec un blanc, les montants en jeu sont énormes. Si on donne un million de FCFA par mois à Jules Nyongha ou à tout autre coach national, il faudra justifier pourquoi son salaire est si gros, et taquine celui-même du ministre. Alors que si on donne 30 millions de FCFA à un va-nu-pied de nationalité allemande et de race blanche – et j’insiste sur la race -, c’est acceptable et surtout très normal chez nous. En contrepartie, l’élu peut-lui même accepter de ne conserver que 20 millions et mettre en lieu sûr la différence, soit 10 millions à son bienfaiteur, parce qu’il sait que sans lui, il n’est rien.
Question: Donc c’est cela qui justifie le refus à la proposition de la fédération de prendre complètement en charge financièrement les Lions Indomptables ?
Réponse: Dans une bonne mesure oui. Je doute fort que la même proposition faite par la fédération d’athétisme ou de ping pong reçoive la même réponse.
Ainsi va le Cameroun.
André Moussima, à Lyon