C’est quand même kafkaïen ce qui se passe à l’intérieur des Lions Indomptables du Cameroun. Pour une histoire de primes, les joueurs des Lions Indomptables ont quitté le terrain après leur match contre la Moldavie ce samedi, refusant de se plier aux formalités protocolaires qui commandaient qu’ils reçoivent le drapeau du Cameroun de la personne mandatée par le Président de la République. Finalement, c’est Volker Finke, un allemand de nationalité, qui a reçu les armoiries, symbole suprême de la Nation. Quels que soient les raisons, ce geste, il faut le dire, est totalement déplacé.
Quel est véritablement le problème? Pourquoi cette bassesse indigne?
C’est que revigoré par la puissance de la campagne stratégique qui a permis d’évincer de la fédération l’ancien président, un groupe de personnes, qui influence grandement le maître à penser des joueurs, est convaincu que c’est coupant la source de l’argent que l’ancien camp Iya, qui est majoritairement encore aux affaires et qui aurait conclu un pacte avec le Comité de Normalisation, va perdre les élections de Novembre 2014.
En prélude au stage en Autriche, les stratégies se sont peaufinées. C’est que le fait que le Comité de Normalisation soit proche des autorités étatiques, inquiète grandement. La manière forte avec laquelle le Pr Owona a jugulé la crise dans la région du Littoral, région généralement hostile au pouvoir central, a traumatisé le leadership de la contestation. Le Comité de Normalisation a l’oreille des autorités politiques, administratives, et policières. Et le Pr Owona gère de manière forte non seulement sa fédération, mais aussi son Comité où il n’accepte aucun écart de comportement.
Il fallait donc utiliser son meilleur atout, Samuel Eto’o, le capitaine des troupes, qui n’a pas peur de prendre seul les décisions et de les assumer au nom de son groupe. Il bénéficie de l’avantage de n’avoir dans la sélection aucun leader, ou encore aucun joueur capable de lui tenir tête. Ayant été échaudé après le Marrakechgate, Eyong Enoh, le seul qui a de la prestance, a décidé de se tenir à carreaux à l’exemple de tous ses autres coéquipiers. Et pour ceux qui se montrent gênés par les revendications, Samuel est prêt, selon ses propos, à gâter leur coupe du monde: » Moi, j’ai déjà joué plusieurs, et je n’ai plus rien à prouver« .
L’autre chose qui trouble est le rôle qu’ont voulu jouer ceux qui voulaient couvrir cette affaire qui, avouons-le, est une distraction immense par rapport à l’échéance importante dont sera confrontée l’équipe nationale.
Le Team Press Officer a fait clairement dans le déni quand il a affirmé effrontément que « fondamentalement, il n’y a pas de problème. Il se trouve simplement qu’il y a un certain nombre d’aspects périphériques, il y a certains avantages qu’ont souvent les joueurs et qu’il faut régler », dixit Raphael Nkoa.
Heureusement que l’un des négociateurs du camp camerounais, Jean II Makoun, avait alors clairement reconnu l’existence de la revendication: « C’est sûr qu’il y a une discussion au niveau des primes et on ne va pas se le cacher« . Ce qui met à mal la ligne tenu par Raphael Nkoa.
Seulement, comme nous le révélions dans un précédent article, ces avantages qu’ils réclament sont de l’ordre de l’indécence.
L’argumentation simpliste consiste à dire que puisque cet argent est le fruit des résultats que génèrent l’équipe nationale, il faudra le partager équitablement entre les deux « partenaires », à hauteur de 50%. Soit. Dans ce cas, puisque ce sont les militaires et les avocats de la République qui ont récupéré la péninsule de Bakassi au Nigéria, ils devraient donc réclamer la moitié des sommes générées par le sous sol de la région.
Et peut être aussi les maîtres d’école devraient réclamer la moitié du salaire de tous les jeunes qu’ils forment, puisque sans eux, ces jeunes n’auraient jamais pu obtenir ni leur diplôme, ni leur boulot. Très simpliste.
Pourquoi les joueurs ne paieraient-il pas 50% du montant que la fédération verse lorsque les Lions invitent pour un match amical à l’exemple des derniers matchs contre la Macédoine, le Paraguay ou la Moldavie ?
Quelle valeur marchande peut-on aussi attribuer à l’exposition médiatique, ou à la visibilité qu’offre l’équipe nationale aux joueurs. En bon français, si l’équipe nationale ne donnait pas un plus, les joueurs se battraient-ils de toute leur force pour y être appelés? Il y a des pays, l’Angleterre par exemple, qui ne recrutent des joueurs étrangers que sur la base du nombre de sélection en équipe nationale. Ou encore, la possibilité pour un joueur de changer de club après un bon match en équipe nationale. Samuel Eto’o aurait-il connu le succès planétaire qu’il a connu si sous le couvert du Cameroun, il n’avait pas été sélectionné en Coupe du Monde 98, au Jeux Olympiques 2000 et 2002 ? Quelle pourcentage de ses gains estime t-il que cette exposition vaut ?
Au delà de tout, il y a la manière. Il y a cette ingérence notoire dans la gestion d’une fédération, ce mélange de genre entre joueurs et syndicalistes qui ne peut que nuire aux résultats. Et ces accusations permanentes, et ce pointage de doigt intempestif entre joueurs et dirigeants.
La fédération verse tous les trois mois aux joueurs leur quote-part des montants que versent les Top Sponsors.
D’ailleurs, on n’a jamais rapporté que Samuel Eto’o ait réclamé de ses dirigeants en club, FC Barcelona, Inter Milan, Anzhi Makachkala, Chelsea FC, de lui transmettre les montants que ses coéquipiers et lui génèrent, question de fixer les montants des primes de match. Cette suspicion permanente des joueurs de cette génération est assez agaçante et ressemble clairement à de l’irrespect de tout ce qui est camerounais.
Il est clair qu’il faut combattre la corruption dans nos pays et à tous les niveaux, mais il faut savoir choisir ses combats.
C’est clairement un travail de sape du boulot colossal qu’a mis en place le staff technique qui a planifié la période de stage avec minutie. Et la préparation n’est pas seulement physique ou technique, mais aussi psychologique. Et si les trois éléments ne sont pas mis ensemble, on va droit à l’échec…
Il faut clarifier le fait que ce n’est que depuis deux ans que l’État du Cameroun a recommencé à financer directement le football. Et la totalité de ce financement a été attribué à la Ligue de Football Professionnel. Il sert à gérer en partie la Ligue, et permet de couvrir les subventions aux équipes professionnelles de Ligue 1 et Ligue 2. Et cette aide, ponctuelle, ne devrait durer que deux ans.
Tout le football régional, départemental et d’arrondissement continue à être géré par la fédération.
Les montants ainsi récupérés lors des coupes du monde servent à gérer pendant un minimum de 4 ans les activités de la fédération.
Et c’est ici que le rapprochement se fait avec l’autre franche qui souhaite contrôler la fédération: réduire le plus possible la disponibilité de l’argent pour empêcher le Pr Owona, Tombi et l’ancien camp Iya, de planifier à leur guise les prochaines élections fédérales.
Camfoot a appris que cette ligne de conduite a été au centre des multiples discussions qui ont eu cours dans plusieurs villes du Cameroun et dont le point d’orgue a été scellé dans les chambres d’hôtel lors du match amical contre le Portugal de 5 mars à Lieira. Les revendications des joueurs tirent donc leur origine des prochaines élections à la Fécafoot.
C’est ainsi que clairement, la bérézina est installée, dans le lit des Lions du Cameroun.
Le Pr Owona, dans ce dossier, se montre d’une faiblesse démesurée. Il y a quand même des moments où je me surprend à regretter l’absence aux affaires de l’ancien Président de la République du Cameroun, S.E. Ahmadou Ahidjo. Il aurait déjà servi sa célèbre phrase: « La paix régnera dans les Lions, par tous les moyens ».