Déjà mal partie dans le groupe E après sa défaite contre le Sénégal lors de la 1ère journée, la RDC va aller défier le Cameroun à Garoua sans sa meilleure équipe possible. La situation inquiète Robert Nouzaret. Le sélectionneur déplore certaines absences qui ne lui paraissent pas justifiées.
Comment se présente ce match contre le Cameroun ?
On a de gros problèmes. Trop de blessés, trop d’absents sans raison,. Trop de gars qui pourraient venir et qui ont des problèmes de passeport. Trop de gars que l’on pourrait avoir mais qui ne veulent pas venir pour des raisons plus ou moins valables. Donc, ce n’est pas l’idéal. Surs les 22 joueurs convoqués, il y a quatre défenseurs qui sont absents comme Cédric Mongongu de Monaco soi-disant blessé mais qui n’est pas venu alors que les règlements obligent les gars à venir même s’ils sont blessés. Assani Mulongoti du Fortuna Düsseldorf qui n’est pas venu parce qu’il est prétendument blessé, Larrys Mabiala de Nice qui n’est pas venu et n’a pas donné de nouvelles etc. Ce n’est pas évident.
Vous vous attendiez à autant de défections. Vous allez jouer le Cameroun quand même !
Ecoutez, je suis arrivé début août. On a fait un match amical contre l’Egypte et sur 22 joueurs convoqués, il y en a une dizaine qui ne sont pas venus. Il a fallu composer une équipe de bric et de broc qui formait un vrai puzzle et on a pris une correction : 6-3 pour l’Egypte. Après, contre le Sénégal (Ndr défaite 4-2 lors de la 1ère journée des qualifications dans le groupe E), on a réussi à avoir un effectif un peu plus équilibré car je connaissais un peu mieux les joueurs et surtout ceux de Mazembe qui sont champions d’Afrique. Là, cela formait un bon mélange. Malheureusement, on n’a eu aucune réussite et on a fait trois erreurs impardonnables en vingt minutes. Être mené 3-0 contre une équipe aussi expérimentée que le Sénégal, c’était mission impossible Et puis là, avant d’aller au Cameroun, la situation d’effectif n’est pas la meilleure.
Qu’est-ce qu’il vous reste comme recours ?
Le recours, c’est de faire suspendre les joueurs dans leurs clubs mais ça ne va pas les faire venir. Le recours passe par une prise de conscience de tout le monde, fédération et ministère, pour faire ce que je leur ai demandé de faire depuis le début: une convocation des 50 ou 60 joueurs sélectionnables avec la RDC. Et puis les mettre devant la fédération, le ministère, les laisser parler et leur expliquer les objectifs. Mettre les choses au point ensemble afin que tout soit clair. Là, il y a trop de distension de points de vue, trop de problèmes plus ou moi réels qui font que ce n’est pas la meilleure équipe de RDC qui est à chaque fois alignée. C’est très frustrant !
Vous connaissez bien l’Afrique, c’est la première fois que vous êtes confrontés à une situation pareille ?
Oui. Je n’ai jamais été confronté à une telle situation en Côte d’Ivoire et je n’ai jamais connu ça en Guinée non plus. Je pense que je suis arrivé un peu tard. Nous étions en contact depuis le mois d’avril et j’ai pris l’équipe à partir de début août. Et puis je connaissais moins bien les joueurs congolais que les Ivoiriens et les Guinéens. Tout cela demande du temps. Et quand vous êtes dans une poule comme la nôtre… On est avec le Sénégal, qui a repris les choses en main après avoir connu un peu les mêmes problèmes et qui, contre nous, avait une équipe extraordinaire. Et puis il y a le Cameroun que l’on ne présente plus…
A quoi tient ce peu d’attachement à l’équipe nationale ?
Je n’en sais rien. On ne pourra le savoir qu’en ayant une confrontation collective où tous les gens auront le courage de dire ce qu’ils pensent et ce qu’ils souhaitent. Que ce soit d’un côté ou de l’autre. Il y a un côté positif: la RDC est championne d’Afrique des clubs avec Mazembe – un très bon club où il y a des joueurs intéressants – et elle est aussi championne d’Afrique des équipes nationales locales puisqu’elle a remporté le CHAN 2009 en Côte d’Ivoire. Le revers de la médaille, c’est que beaucoup de supporters pensent que les locaux sont supérieurs aux pros, ce qui n’est vrai du tout. Je pense qu’il y a de quoi faire un bon mélange mais qu’on ne peut pas sous-estimer des gars qui jouent dans des championnats de 1ère division ou même de 2e division en Europe, que ce soit en France, en Angleterre, en Belgique ou ailleurs.
Il y a des jalousies ?
Non, non, entre les joueurs il n’y a aucun problème. C’est juste que depuis que les meilleurs joueurs africains ont commencé à aller dans les meilleurs clubs européens, ils se sont habitués à une vie, à un confort, à un fonctionnel qu’ils ne retrouvent pas toujours en équipe nationale. Et c’est là où les Fédérations doivent faire des efforts. Ils doivent gérer des joueurs qui sont à Tottenham, à Arsenal, à Paris, à Marseille etc. Quand les joueurs retournent dans leur pays, il faut qu’il y ait un minimum au niveau des conditions, des staffs médicaux et techniques, des déplacements, des équipements, du matériel, des pelouses sur lesquelles ils s’entraînent, de tout. Et ce n’est pas un problème de primes. Ils gagnent assez d’argent en Europe.
Et la RDC n’offre pas toutes ces garanties ?
Ils font le maximum. Moi, j’ai trois adjoints. L’équipe voyage dans les meilleures conditions, on va dans les meilleurs hôtels. Mais il viendra un moment où il faudra que tout le monde se parle et que les joueurs disent: « si vous voulez que l’on revienne, voilà ce que nous voulons ». Et que les dirigeants disent: « on a tel objectif, on a confiance en vous et chacun va faire des efforts ». Il faut que l’Africain se mette dans les mêmes conditions que les Européens, ou que les Sud-Américains. C’est une question de respectabilité de leur pays et de fierté personnelle. Je pense qu’ils devraient être vexés quand on dit : « oui mais de toute façon, c’est l’Afrique ». Ils devraient tout faire pour que ça cesse. Les joueurs devraient exiger de leurs clubs qu’ils aient la même attitude avec eux qu’envers un européen. Et ce n’est pas toujours le cas.
Alors, ce match contre le Cameroun, vous le sentez comment ?
Au niveau de l’état d’esprit, on va faire le maximum. Mais au niveau de la différence de valeur et avec tout ce qui se passe depuis quelques temps, ça ne va pas être évident. Pour ne rien arranger, au lieu de jouer à Yaoundé dé, on joue à Garoua. Une ville où il y a eu une épidémie de choléra il y a deux mois avec 200 morts ! Mais le football donne parfois des satisfactions au moment où on s’y attend le moins.
Par Christophe Carmarans