Instructeur de la Confédération africaine de football (Caf), l’ancien arbitre international parle des problèmes qui minent le corps arbitral camerounais et propose des pistes pour son assainissement.
Les arbitres de football n’ont pas bonne presse au Cameroun aujourd’hui, accusés qu’ils sont, de corruption et d’incompétence. En êtes-vous conscients ?
Nous en sommes conscients. Bien entendu, malgré les efforts déployés par la commission centrale des arbitres du Cameroun (Ccac), il y a des brebis galeuses dans le corps arbitral camerounais. Relativisons tout de même. Pour ce qui est par exemple de l’incompétence de certains hommes en noir, l’origine se trouve dans leur recrutement. Les hommes chargés du recrutement des arbitres ne font pas toujours objectivement leur travail. Il est inadmissible que des gens qui ne connaissent rien du football se retrouvent parmi les recruteurs d’arbitres comme c’est le cas au Cameroun.
A propos des arbitres corrompus, il est difficile de le prouver. Toutefois, il n’y a pas de corrompus sans corrupteurs. Et, au Cameroun le plus souvent, les personnes qui corrompent les arbitres sont des présidents de clubs, des entraîneurs et même des administrateurs de la Fécafoot. Il est par exemple difficile que les arbitres résistent tout le temps face à certains corrupteurs, garants de leur promotion dans le corps. Selon moi, une prise de conscience de toutes les parties prenantes du football camerounais s’impose, pour rehausser l’image de notre arbitrage.
Bon maintenant, quand on parle de partialité d’un arbitre au cours d’un match, il ne faut pas conclure à la corruption. Peut-être qu’il est en train de diriger le match d’une équipe qui lui est proche. C’est à la commission de désignation des arbitres de s’arranger à ne pas programmer pour un match un ou des arbitres pouvant avoir un intérêt quelconque pour une des équipes en lice. Et puis, il y a des jours où un bon arbitre peut passer complètement à côté d’un match.
On parle aussi des arbitres à qui certains administrateurs influents de la fédération confieraient des missions allant dans le sens de faire perdre certaines équipes, contre des promotions.
Evidemment, j’ai déjà entendu de telles choses. Mais, comme je l’ai dit, il est difficile de prouver de telles missions, à moins qu’il y ait eu des échanges par lettres et que l’arbitre ait dénoncé ces échanges en produisant les lettres. Vous voyez donc que la corruption est aussi morale. Partout dans le monde, il y a trop de pressions sur les arbitres. Personnellement, j’ai été confronté à toutes sortes de tentatives de corruption, que ce soit au niveau provincial, national qu’international. Sur 50 matches qu’un arbitre dirige en une saison, il est contacté au moins pour 40. C’est donc à lui de se mettre au-dessus de tout ce qu’on lui propose de part et d’autre.
Quelle valeur donnez-vous aux tests de recrutements et de promotions des arbitres ?
Je pense que les méthodes de recrutements des arbitres et même de promotion d’une division inférieure à une autre supérieure ne sont pas efficaces. Pour qu’il y ait objectivité, il faut une bonne organisation. La fédération devrait faire confiance aux ligues provinciales et laisser la commission centrale des arbitres faire son travail. Ainsi, chaque année, des experts de cette commission devraient descendre dans les 10 provinces pour le recrutement de 5 arbitres de D2 dans chacune, pour les interpoules. Et, aux interpoules, que ces experts suivent et notent chacun de ces arbitres. A la fin du tournoi, les meilleurs arbitres passent alors des tests de promotion en D1, sous la supervision des experts de la commission centrale, et non du bureau de la Fédération comme c’est le cas actuellement. Ainsi, chaque année, accède en D1 un certain nombre de meilleurs, équivalent à celui des arbitres de D1 à envoyer en retraite pour avoir atteint 45 ans. Cette méthode solutionnerait non seulement le problème de qualité des arbitres, mais aussi celui du rajeunissement du corps arbitral vieillissant. Il faut remplacer tous les arbitres ayant dépassé 45 ans comme le prévoient les statuts. Les 3/4 des arbitres de D1 sont dans ce cas.
Pourquoi les arbitres camerounais n’ont-ils pas la côte sur le plan international ?
Ce n’est pas une affaire d’aujourd’hui. Les arbitres camerounais ont toujours été accusés de corruption et d’incompétence. Mais, depuis quelques trois ans, nous sommes présents partout, sauf en coupe du monde seniors. Nous étions représentés à la coupe du monde junior, à celle des cadets, et même à la dernière Can. Puis, nous sommes régulièrement appelés aux compétitions africaines de clubs. Il faut quand même reconnaître que le manque d’un suivi permanent des arbitres est un handicap pour les hommes en noir.
Que préconisez-vous pour l’assainisse-ment du corps arbitral camerounais ?
Le corps arbitral camerounais est vieillissant. Il faut le rajeunir, et penser à la relève en créant des écoles des arbitres dans les départements, et encourager les jeunes à s’intéresser au métier. Il faut instituer une enquête de moralité au recrutement qui, selon moi, devrait dérouler avec le Bepc et non le Cepe comme c’est actuellement le cas. Il faut encourager la compétence, mettre les arbitres dans de très bonnes conditions de travail en augmentant les primes de matches des arbitres. Il faut déjà saluer l’effort salutaire que la Fécafoot a fait en passant les primes de 20 à 25 000 pour les nationaux et de 25 à 30 000 pour les internationaux en première division. En D2, elles sont passées de 7 à 10 000 et en D3 de 2 à 5 000 francs. Ces frais ne tiennent pas compte de ceux que la fédération donne aux arbitres pour leurs transport et hébergement. La fédération devrait aussi habiller les arbitres et radier tous ceux qui ternissent l’image du corps. Il faut aussi organiser régulièrement des séminaires de recyclage dans les provinces et départements.