Lors de la Coupe du Monde aux États-Unis en 1994, Roger Milla avait inscrit son nom au livre des records en devenant le plus vieux joueur à avoir marqué un but en Coupe du monde. Il affichait bien ses 42 ans. C’était lors du troisième match de groupe contre la Russie. Un autre record a été inscrit ce dimanche 1er juillet, et c’est un Russe qui est devenu le footballeur le plus âgé à marquer… contre son camp. Il s’appelle Ignashevitch, 38 ans.
Lors du corner, son regard était concentré exclusivement sur Sergio Ramios, le défenseur ibère spécialiste des têtes victorieuses sur coup de pied arrêté. Manque de chance, alors que Ignashevitch bousculait Ramos dans la surface de réparation, le ballon est arrivé dans son dos et a rebondi sur son pied pour finir dans les filets russes (1-0, 11e). On se disait que le match s’annonçait difficile pour le pays organisateur de la Coupe du monde face au champion du monde 2010. Mais depuis le début du tournoi, il souffle un vent de folie dans le dos des compatriotes de Vladimir Poutine.
L’Espagne a joué son jeu, comme d’habitude. La Roja a multiplié les passes, tenu le ballon la majeure partie du temps. Un chiffre frappant parmi d’autres : après 30 minutes, les joueurs espagnols avaient échangé 231 passes, contre seulement 58 pour les Russes. Mais les hommes de Stanislas Tchertchessov sont en mission. Ils ont renversé tous les pronostics pessimistes, qui annonçaient une élimination de la Sbornaya, la sélection nationale, dès la phase de poules de ce Mondial 2018, en terminant deuxième de leur groupe après avoir notamment mis une claque à l’Égypte de Mohamed Salah (1-3).
La main de Piqué
Face à l’Espagne, grandissime favorite de ce huitième de finale, la Russie a fait ce qu’elle fait de mieux depuis le début de cette Coupe du monde : courir dans tous les sens pour boucher chaque espace dans sa moitié de terrain et partir à cent à l’heure en contre-attaque à la moindre opportunité. Après l’ouverture du score précoce de l’Espagne, les joueurs du pays organisateur ont eu le mérite de ne pas se désunir. Ils ont continué à défendre vaillamment et ont profité d’une erreur de Gérard Piqué pour revenir au score. À la 39e minute, le défenseur du FC Barcelone saute en retard et stoppe le ballon du bras sur un corner. L’arbitre siffle un penalty. Dziouba, un revanchard qui était boudé par le sélectionneur jusqu’à quelques semaines avant la Coupe du monde mais a profité d’une blessure d’un autre, place un tir parfait dans le petit filet de De Gea (1-1, 41e). La Russie revient à la surprise générale à égalité.
Les jambes lourdes des Russes
Cette égalisation juste avant le retour aux vestiaires n’a pas enflammé le match. Au retour des 22 acteurs sur la pelouse, le même schéma s’est reproduit : la Russie repliée dans son camp et le ballon dans les pieds espagnols, mais sans quasiment aucune occasion franche à se mettre sous la dent. La seule étincelle espagnole est venue du vétéran Andres Iniesta, entré en jeu après l’heure de jeu. À la 84e minute, à la réception d’un centre en retrait, il décoche une frappe à ras de terre et oblige le portier russe Akinfeïev à une superbe parade. Un arrêt qui a permis au pays organisateur de pousser l’Espagne, trop peu dangereuse, en prolongations. Un rab d’une demi-heure au dénouement toujours incertain, à cause de la fatigue physique, du stress…
Akinfeïev, le héros russe
La première période des prolongations n’a rien proposé de plus. Les coéquipiers d’Iniesta ont poursuivi leur domination stérile, sans la créativité nécessaire pour se procurer des occasions. En face, les Russes avaient les jambes de plus en plus lourdes et ne réussissait même plus à sortir un ballon hors de leur moitié de terrain. Leur débauche d’énergie se payait chère et au fil des minutes des prolongations l’Espagne se rapprochait de la cage d’Akinfeïev. À la 109e minute, Rodrigo déboule côté droit en prenant la défense russe de vitesse. Sa frappe est détournée par Akinfeïev dans les pieds de Carvajal, dont la reprise est déviée par un défenseur. Gros frisson dans le dos des milliers de supporters russes présents dans le stade Loujniki de Moscou, qui ne savaient plus s’il fallait fermer les yeux jusqu’à la fin du match où regarder les actions espagnols en souffrant.
La défense russe a finalement tenu jusqu’au bout du bout. Séance de tirs au but. Un exercice où se mêlent la chance, le talent, le sang-froid. Et à ce jeu, c’est le gardien russe Akinfeïev qui a offert à son pays une qualification pour les quarts de finale en sortant deux tirs au but des joueurs espagnols ! Une énorme sensation, qui doit certainement combler de joie le président Vladimir Poutine.