Le sommet de l’Etat camerounais, parfois par le truchement de président Paul Biya lui-même, a toujours porté un regard attentionné sur le sport-roi. Au point d’intervenir en faveur de la sélection de certains joueurs.
Mondial 90 : Roger Milla «sauvé» par Paul Biya
Ceux qui ont regardé le Mondial 1990 ne pourront pas l’oublier. A 38 ans à l’époque, Roger Milla était le joueur le plus âgé de la compétition. Mais surtout l’Africain le plus en vue. Auteur de 4 buts (2 contre la Roumanie au premier tour et 2 contre la Colombie en huitièmes de finale), il contribue au parcours des Lions Indomptables jusqu’en quarts de finale. Il s’agit alors de la meilleure performance d’une sélection africaine en Coupe du monde. Et dire que cela a failli ne jamais arriver.
L’histoire commence au lendemain de la CAN 1990 en Algérie. Le Cameroun, tenant du titre n’a pas fait bonne impression. Sans Roger Milla, à la retraite depuis plus d’un an, les Lions sont éliminés en quarts de finale. Un parcours qui n’est guère rassurant alors que le Mondial se profile à l’horizon. Les attaquants camerounais manquent cruellement d’efficacité. C’est ainsi que la piste Roger Milla est envisagée en « haut lieu ». La présidence de la République ouvre le débat sur la question au cours d’une réunion le 23 mars 1990 à au palais de l’Unité. Le verdict tombe deux mois plus tard : sur instruction de la présidence, Roger Milla est rappelé en sélection en vue du Mondial italien. Un choix audacieux, mais surtout judicieux. Car le vieux Lion allait briller de mille feux à cette compétition. Au point d’être ensuite sacré «Ballon d’or africain 1990».
Mondial 1990 : comment Nkono devient titulaire
En mai 1990, le groupe retenu par Valeri Nepomniachi débarque à Sarajevo (ex-Yougoslavie) pour y préparer la Coupe du monde. Un stage organisé dans des conditions difficiles et marqué par la quasi-éviction de Joseph-Antoine Bell. D’abord en raison de son opposition à la venue de Roger Milla. Le gardien camerounais estimait que Milla avait mis fin à sa carrière et qu’il aurait fallu ne pas le sélectionner. Mais la goutte d’eau qui a débordé le vase, c’est l’interview qu’il accorde à un média français, la veille du match d’ouverture du Mondial contre l’Argentine. Fidèle à son franc-parler, Bell se lâche et tacle tout le monde, surtout les pouvoirs publics. Une «trahison» selon le ministre camerounais des sports de l’époque qui n’a pas hésité à prononcer la radiation de Joseph Antoine Bell. Mais ses coéquipiers vont s’y opposer. «On a fait bloc et fait passer le message suivant : “si Bell est viré, on part tous“», a souvent raconté François Omam-Biyik.
Au cours de cette même journée du 7 juin 1990, l’affaire de l’interview de Joseph Antoine Bell est portée devant le chef de l’Etat camerounais, présent à Milan. Paul Biya va s’entretenir dans sa suite avec le ministre des Sports. Celui-ci va ensuite tenir une réunion avec les sélectionneurs. Le lendemain, jour du match, c’est finalement Thomas Nkono qui sera titularisé au grand dam de Joseph Antoine Bell, le gardien numéro un des Lions. Sanctionné par la plus haute autorité du pays, Bell ne va disputer aucun match à ce tournoi.
CAN 2004 : le retour de Patrick Mboma
C’était l’événement majeur de l’actualité nationale de ce début d’année 2004. Longtemps tenu à l’écart de l’équipe nationale, Patrick Mboma rejoint finalement ses coéquipiers en Tunisie, en vue de la CAN. Après d’intenses négociations et, surtout, grâce à l’intervention du chef de l’Etat Paul Biya. Une sélection inattendue qui sonnait le désaveu du ministre des sports de l’époque. Celui-ci était accusé d’avoir usé de son influence auprès du sélectionneur Winfried Schäfer pour empêcher la sélection de plusieurs joueurs qu’il considérait comme «indisciplinés». Parmi les cibles du ministre figurait alors Patrick Mboma. L’attaquant et buteur des Lions avait en effet pris l’habitude de dénoncer l’amateurisme qui caractérisait la gestion de l’équipe nationale du Cameroun. Et pour ça, son nom avait été inscrit en rouge dans une liste de «joueurs à bannir». Mais comme il l’a fait pour Roger Milla un mois avant le Mondial 90, le président de la République a dû intervenir en faveur de «Magic» Mboma. Le Cameroun se fait éliminer en quarts de finale et lui termine meilleur buteur (4 réalisations) de la compétition.