Les secours ont-ils correctement fait leur travail? Fallait-il le faire jouer malgré sa maladie? Pourquoi ne l’avoir pas remplacé à temps?
Qu’est-ce qui a bien pu tuer Marc-Vivien Foé? Jeudi 26 juin, lors de la demi- finale de la Coupe des confédérations opposant le Cameroun à la Colombie à Lyon, le milieu de terrain des Lions indomptables s’était soudain écroulé sur la pelouse du stade Gerland à la 72e minute, avant de décéder quelques temps plus tard. Quatre jours après, les causes de cette mort brusque et inhabituelle dans un stade de football ne sont toujours pas clairement déterminées. De source judiciaire française, l’autopsie pratiquée vendredi sur le corps du footballeur regretté n’a révélé “aucun élément déterminant sur l’origine de la mort”.
Tout au plus, cette autopsie permet d’écarter d’emblée les causes neurologiques qui étaient privilégiées par nombre de spécialistes, dont Jean- Marcel Ferret, le médecin de l’équipe de France de football qui a suivi Foe lors de ses deux saisons passées à Lyon. Le Dr. Ferret évoquait l’hypothèse d’un accident de type rupture d’anévrisme qui aurait par exemple pu être causé par le coup de coude que Marc-Vivien Foe a reçu d’un joueur colombien dans le cou, une dizaine de minutes avant sa chute. Mais, dans ce cas, son cervelet aurait dû être attaqué progressivement jusqu’à l’effondrement du joueur à la 72e de la rencontre. C’est ce que l’autopsie de vendredi dernier n’a pas révélé.
Reste donc les défaillances cardiaques. Celles-ci peuvent provenir d’une pathologie ou d’un changement brutal de rythme. C’est pourquoi des analyses plus poussées ont été demandées à deux laboratoires français par le procureur de la République de Lyon, Xavier Richaud qui a ouvert une enquête “en recherche des causes de la mort”. “L’analyse toxicologique nous permettra de savoir si le joueur prenait des médicaments, s’il a absorbé des produits interdits ou encore si son corps produisait des enzymes dégradant pour l’organisme”, explique le magistrat français.
Branle-bas
Pour ces analyses dont les résultats ne pourraient pas être connus avant ce mardi 1er juillet, le procureur Richaud envisageait de saisir les examens d’urine et de sang que Marc-Vivien Foé a effectués dans un hôpital de Saint-Etienne 48 heures avant le match qui lui a été fatal. Si cette nouvelle recherche met en évidence une mort naturelle, l’affaire sera classée. Dans le cas contraire, une information judiciaire sera ouverte. Il n’est pas exclu que dans cette affaire, le procureur Xavier Richaud trouve de quoi alimenter son enquête.
Selon le médecin de l’équipe colombienne, Hector Fabio Cruz qui est arrivé le premier au chevet du joueur après sa chute, “Foé respirait encore. Il était inconscient, mais il respirait. Son cœur battait”. On pouvait donc encore le sauver. Seulement, Marc-Vivien Foé sera tardivement et maladroitement évacué de l’aire de jeu par des brancardiers, qui laisseront même tomber la civière sur laquelle on l’avait installé. Pire, ce n’est que 12 à 13 minutes après qu’il se soit effondré que la réanimation a commencé au Stade, non pas à l’hôpital.
D’ores et déjà, la Fifa a pris les devants pour tenter de dégager sa responsabilité de cette terrible affaire. Dans un communiqué publié à Lyon vendredi, la Fédération internationale tente de démontrer qu’aucune erreur médicale n’a été commise au Stade Gerland. “Il y a eu une excellente organisation dans toutes les interventions. Nous pouvons être certains que tout ce qui pouvait être fait l’a été effectivement”, ajoute le président du comité d’organisation de la Coupe des confédérations, l’Américain Chuck Blazer.
Le médecin camerounais entendu
Dans l’entourage des Lions Indomptables, c’est également le branle-bas. Vendredi, le parquet de Lyon a entendu plusieurs personnes parmi les membres de la délégation camerounaise, dont le médecin de l’équipe nationale. Il est désormais officiel que Marc-Vivien Foé était malade avant la demi-finale contre la Colombie. Dans son communiqué de vendredi, la Fifa révèle, sur la base des déclarations du médecin des Lions Indomptables, que le joueur souffrait de diarrhée deux jours avant le match avait même été conduit à l’hôpital à Saint- Etienne et avait reçu une perfusion de NaCl et d’Immodium.
Marie-Louise, son épouse, a expliqué à la Bbc qu’”il avait de la dysenterie pendant deux ou trois jours, mais aussi des problèmes gastriques et savait qu’il n’était pas en excellente forme pour pouvoir jouer”. À ceux qui évoquent la possibilité du dopage pour redonner des forces à Foé, Olivier Assamba, le médecin de l’équipe nationale répond que “le dopage n’a rien à voir là-dedans. Le joueur se portait bien avant le match. La gastro-entérite qu’il a eue deux jours avant a été guérie intégralement et les examens subis étaient normaux. Le joueur a été réhydraté comme il fallait.”
L’a-t-on obligé à disputer le match contre la Colombie? Son épouse ne le croit pas. Elle explique qu’”il voulait absolument jouer pour son pays dans sa ville d’adoption, Lyon”. Ses coéquipiers de l’équipe nationale vont dans le même sens lorsqu’ils décrivent un Marc-Vivien Foé les haranguant à la mi-temps du match contre la Colombie. Seulement, est-on obligé de faire jouer un joueur qui relève de maladie et qui tient à descendre sur la pelouse? “Il voulait absolument jouer, mais les médecins auraient dû l’en empêcher”, estime l’épouse du joueur.
Plus grave encore, pourquoi le staff technique camerounais n’a-t-il pas remplacé Foé qui présentait déjà des signes évidents de fatigue? Sur la question, la délégation camerounaise n’accorde pas vraiment ses violons. Tandis que Roger Milla affirme au journal Le Monde que le joueur avait demandé à être remplacé, l’entraîneur Winfried Schäfer explique le contraire au quotidien britannique The Guardian: “Le médecin et moi-même trouvions qu’il semblait à court d’énergie et qu’il levait le pied (…) Nous lui avons transmis le message que nous souhaitions le remplacer pour apporter un peu de fraîcheur (à l’équipe) mais il a dit non (…) Il a dit qu’il se sentait bien et qu’il voulait rester pour nous voir accéder en finale”.
L’enquête promet.
Marlyse SIBATCHEU