Le 29 juin 2003 à l’issue de la finale de la Coupe des Confédérations contre la France c’est dans un vestiaire du Stade de France sans vie et sans voix que sont finalement descendus les Lions indomptables. Débarrassés des maillots du match, tous les joueurs avaient revêtu le numéro 17 et ont fait le tour d’honneur dans un stade aux allures de cathédrale.
Le sélectionneur Winfried Schäfer est entré, a essayé de remercier, de remonter ses hommes et leur a demandé de garder la tête haute. Mais personne ne l’a écouté. Les joueurs étaient bien loin, très loin, perdus dans une terrible tristesse. Personne n’avait encore oublié cette image de Marc-Vivien FOE s’écroulant sur la pelouse de Gerland trois jours plus tôt. A jamais, l’image restera; émouvante ! Le Cameroun s’était présenté à cette compétition avec un groupe rajeuni, et avait évolué dans un registre totalement différent du visage montré au Japon en 2002. Malheureusement, de tout cela, on ne retiendra finalement que tristesse et effondrement. La qualification du Cameroun pour sa deuxième finale à un tournoi mondial après celle des JO de Sydney qui aurait du être un évènement historique ne sera à jamais qu’une anecdote.
Pourquoi la mort de Marc-Vivien FOE a-t-elle connu un tel écho à travers le monde ? Les raisons sont diverses : C’est la première fois que, dans le cadre d’une grande compétition organisée par la FIFA, un joueur disparaît en direct sur les écrans des télévisions du monde entier. En plus, c’est un joueur connu du grand public tant pour ses qualités de footballeur que pour son humilité. L’imprévisibilité, l’incrédulité, la proximité et surtout l’exclusivité sont autant d’éléments qui ont conféré à la mort de Marc-Vivien FOE une charge émotionnelle très forte. La mort en direct à la télévision, qu’avons-nous fait pour mériter ce sort ? On a essayé, comme dans ce genre de circonstance, de se dire que sous le firmament, tout n’est qu’un changement, tout passe. Pourtant, rien n’y a fait. Neuf ans plus tard, on n’a toujours pas digéré. Chez les philosophes, on voudrait que l’être humain soit mortel, parce que l’immortalité ferait probablement perdre le sérieux et l’application de celui qui sait que ses jours sont comptés. Quand on voit qu’en neuf ans, tous les projets initiés par Marc-Vivien FOE ont été abandonnés, on a plutôt l’impression qu’au Cameroun, on a l’éternité devant nous.
Marc-Vivien FOE est né à Nkolo au Cameroun le 1er mai 1975. Il a fait ses premières classes de footballeur au FOGAPE, un club de 2e division du Centre, avant de signer au mythique Canon de Yaoundé. En 1993, à 18 ans seulement, il est repéré par Léonard NSEKE qui l’intègre à l’équipe nationale lors du match contre le Zimbabwe comptant pour le dernier tour éliminatoire pour la Coupe du monde 1994 aux Etats-Unis. Pendant la Coupe du monde, il bénéficie de la confiance absolue d’Henri Michel qui ne tarit pas d’éloges à son sujet. Et si aux Etats-Unis, le Cameroun ne fît qu’une prestation très terne, la vitrine de la Coupe du Monde a néanmoins donné l’occasion à Marc-Vivien FOE de taper dans l’œil des recruteurs. Il faillit dans un premier temps aller à Auxerre, mais, le destin le conduira finalement à Lens, club avec lequel il remportera le titre de Champion de France.
Entre-temps, avec les Lions Indomptables, il participe à la Coupe d’Afrique des nations en 1998 au Burkina. Malheureusement, à quelques jours du début de la Coupe du monde 1998 en France, sa carrière va virer au drame. Fracturé à la jambe pendant la préparation, c’est un coup doublement rude. Non seulement il est forfait pour la Coupe du Monde pendant laquelle il manquera cruellement au Cameroun, mais Manchester United qui était sur le point de l’engager renonce. Durant cette traversée du désert, il dût puiser au fin fond des tripes pour surmonter la pente, abandonné par les autorités camerounaises. En 2000, il décroche son premier titre continental au Nigéria avec les Lions et revient à l’Olympique Lyonnais. Avec Lyon, il gagne la Coupe de la ligue et s’impose pour la seconde fois consécutive en Coupe d’Afrique des nations en 2002 au Mali. Dans la foulée, il remporte son 2e titre de champion de France et participe à sa deuxième Coupe du Monde au Japon. Il sera plus tard prêté à Manchester City avec lequel il effectue une saison époustouflante. Au moment où Manchester City engageait des négociations avec l’OL pour un achat définitif, on était loin d’imaginer que cette saison constituerait le crépuscule d’un rêve brisé trop tôt.
En dehors du terrain, Marc-Vivien FOE était un homme au grand cœur. Quelques mois seulement après le drame qui lui a couté la participation à la Coupe du monde en 1998, il s’est engagé avec le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) dans une campagne en faveur des enfants atteints de poliomyélite. On l’a vu œuvrer en faveur des handicapés du Centre national d’Etoug Ebé, ou des personnes du troisième âge de Centre Betani Viacam. Il était aussi en train de construire à Odza un Centre de formation sportif ultramoderne pour donner une chance aux enfants pauvres et mettre un peu plus l’accent sur la qualité de la formation comme le font l’Ecole de Football des Brasseries, la Kadji Sport Academy. Malheureusement, il n’aura pas eu le temps de mener ce projet à son terme.
Au Cameroun, en guise d’hommage et de reconnaissance à cet homme au grand cœur, on aurait souhaité plus d’égard pour les projets qu’il avait entamé. On aurait souhaité entrevoir chez les autorités sportives la même attention pour la jeunesse camerounaise. Souvent, on connaît les prémisses de la mort. Malheureusement, nous n’avons pas eu ce privilège. On connaît les conséquences de la mort, le deuil, le vide, la tristesse infinie, l’abime, et les rêves brisés. Neuf ans après, le monde entier semble déjà avoir oublié Marco. Toutes les promesses qui avaient été faites sont restées vaines. La commémoration du neuvième anniversaire du décès de FOE s’est passée dans le quasi anonymat. Pire, le Cameroun d’en haut semble avoir déjà oublié. Pourtant, à ce fils tombé sur le champ de guerre pour l’honneur national, la patrie devrait être éternellement reconnaissante. Dans un pays où les infrastructures sont aussi désuètes, l’abandon de la Fondation FOE est une pure honte. Marc-Vivien FOE, à jamais dans nos cœurs !
Claude KANA, Consultant.