La légende de Manu Dibango a vécu à travers les décennies et continuera après lui à travers les siècles. S’il se définissait lui-même comme un « bâtisseur de ponts entre l’Occident et l’Afrique », il a aussi déjà agi comme un bâtisseur de pont entre l’Afrique et elle-même. C’est qu’en 1972, l’État du Cameroun lui confie la mission de concevoir et d’enregistrer un hymne pour soutenir l’équipe nationale lors de sa conquête de la huitième édition de la coupe d’Afrique des Nations que son pays organisait.
Manu Dibango vient de rejoindre ses ancêtres. Il est devenu, mardi 24 mars, la première personnalité mondiale décédée des suites du Covid-19. Légende de l’afro-jazz, magicien des notes les plus aiguës sur son instrument à vent, Manu Dibango s’est éteint au petit matin dans un hôpital de la région parisienne, à l’âge de 86 ans.
Le 18 mars dernier, sur sa page Facebook, ses proches avaient ainsi annoncé son hospitalisation : « [il] se repose et récupère dans la sérénité ». Finalement, le virus aura eu raison de lui.
Manu Dibango était bien plus qu’un saxophoniste éclairé. Il était surtout un « bâtisseur de ponts entre l’Occident et l’Afrique », comme le musicien aimait lui-même à se décrire.
« J’ai l’harmonie des Bach et des Haendel dans l’oreille avec les paroles camerounaises. C’est une richesse de pouvoir avoir au minimum deux possibilités. Dans la vie, je préfère être stéréo que mono », racontait-il à l’AFP en août 2019.
Pourtant rien ne prédestinait l’enfant de Douala, au Cameroun, à cette renommée mondiale, jusqu’à une reprise illégale par Michael Jackson. Le roi de la pop avait utilisé « Soul Makossa » dans « Wanna Be Startin’Somethin » en 1982 sur l’album « Thriller ». La rançon de la gloire.
Mais l’affaire avait été portée devant la justice. L’artiste camerounais avait finalement reçu une compensation financière de « plusieurs millions de francs français », ce qui lui avait permis de devenir propriétaire de ses enregistrements effectués avant 1986 et surtout, en les ayant achetés, de pouvoir les exploiter en toute liberté. Mais il avait dû abandonner ses droits sur le tube de Michael Jackson.
« Afro-européen », « négropolitain », Manu Dibango a aujourd’hui rejoint les étoiles Fela Anikulapo Kuti et Dizzy Gillespie. Deux autres rois, eux aussi, respectivement de l’afrobeat et du jazz, que Manu Dibango respectait tant.
Julien Bouisset