Ancien footballeur pro passé par l’Asie, l’Allemagne et la Turquie, le Camerounais Manu Bessong, 38 ans, est le nouveau jardinier en chef d’En Avant Guingamp. Recruté par l’entreprise Sparfel, ce solide défenseur, prêt à marquer le gazon à la culotte, s’est frotté à de sacrés clients dans sa carrière, tels Rigobert Song ou Marc-Vivien Foé.
« Ici, je retrouve l’ambiance de mes années de foot en Turquie. Je retrouve cette ferveur que je n’avais pas au Havre ». Casquette de l’entreprise Sparfel vissée sur le crâne, pissenlit tout juste arraché au creux de la main, Emmanuel Bessong balaie du regard le Roudourou, son nouveau terrain. Débarqué le 5 août de Haute-Normandie où il bichonnait la pelouse du stade Océane (26.000 places), la recrue, responsable des parcelles guingampaises, passe au crible le tapis vert costarmoricain, dopé cet été à l’« aquagenus », une semence de compétition prompte à redonner des couleurs aux surfaces les plus ingrates. Avant d’enfourcher son tracteur-tondeuse pour la coupe quotidienne, l’athlétique Camerounais plonge dans ses souvenirs. Au temps où la jeune pousse, originaire de Yaoundé, avait la patte alerte. Et la main un peu moins verte.
Champion du Cameroun
On est à l’orée des années 1990. L’indomptable Roger Milla vient d’enflammer la Coupe du monde 90. Ses danses makossa autour du poteau de corner après chaque but font le tour de la planète, inspirant la jeunesse. Manu, « le moins doué » mais peut-être pas le moins bosseur des frangins Bessong, mouille alors le maillot à Yaoundé et tape dans l’oeil des dirigeants du Diamant, le club de la capitale camerounaise. Pas majeur, Manu arbore déjà un physique de déménageur. Le gaillard est fait pour être défenseur. Star du lycée, le libéro-stoppeur joue des bouts de rencontres avec les pros, amasse l’équivalent de 100 € par prime de match – « une fortune pour moi, à l’époque » – et se paie le luxe « d’aider financièrement (ses) parents ». Papa, militaire mais fan de foot (il est arbitre), ne le décourage pas, loin s’en faut. L’Unisport Bafang, qui le recrute bientôt, non plus. Vice-champion du Cameroun en 1995, champion l’année suivante, Manu Bessong se souvient « des stades de 45.000 places », des chants dans les tribunes et des duels épiques avec Rigobert Song et le regretté Marc-Vivien Foé (décédé d’une crise cardiaque en sélection face à la Colombie en 2003). Des moments d’éternité.
Sur le billard
Suivant l’exemple de Milla, il s’expatrie deux saisons en Indonésie, gagne 2.000 dollars par matchs du côté de Jakarta, avant de goûter, avec le nouveau millénaire, à la frénésie turque, au Karabukspor (D1). « La ferveur populaire y était formidable. Les Turcs ne lâchaient rien ». Les ligaments du genou de Manu, si. « Là, je décide de rentrer au Cameroun pour me soigner. » Sauf qu’à l’époque, la médecine camerounaise est plus proche du gri-gri que du Docteur House. Résultat, « je passe les tests pour l’Eintracht Francfort (D2 allemande), je suis recruté mais ça relâche avant le mercato… » 2001 : la fin de l’odyssée professionnelle pour Manu Bessong qui rapatrie sa chair meurtrie en France où après un passage sur le billard, il parvient à taper encore un peu le ballon en CFA, près de Troyes. Mais la page se tourne. À Pont-de-l’Arche (Eure), l’athlète qui devient entraîneur franchit complètement la ligne quand on lui propose de bosser dans les espaces verts. « Là, je découvre un métier en rapport avec ma passion pour le foot ». Une révélation pour le jeune retraité qui, le nez dans le ray-grass, entame une nouvelle carrière au sein d’une entreprise qui assure l’entretien de Jules-Deschaseaux, l’ex-pelouse du Havre. « Par la grâce de Dieu, tout se passe très bien », sourit Manu qui fait sans tarder son petit effet du côté des bancs de touche. Le Finistérien Sparfel ne s’y trompe pas et le recrute à l’horizon 2012. En point de mire, Guingamp et le retour en Ligue 1. « Assister à un match au Roudourou me procure les sensations d’antan. Sauf que maintenant, en plus du comportement des joueurs, je surveille aussi le comportement de la pelouse », s’amuse Manu.
Le petit-cousin à La Fiorentina
Un qui doit en prendre de la graine, c’est le petit-cousin Steve Beleck. Avant-centre à la Fiorentina, il sera peut-être du match retour de ligue Europa, en novembre. D’ici là, son aîné aura fait le métier et encore mis pas mal de mauvaises herbes hors-jeu. Lui, le nouveau défenseur de la pelouse d’En Avant. * Spécialiste des pelouses sportives et des espaces verts, Sparfel (90 salariés et 11 M€ de CA) a, récemment, décroché le contrat d’entretien des pelouses de l’INF Clairefontaine (78).