La communauté mondiale pleure depuis ce jeudi 5 décembre l’une de ses figures les plus respectées, les plus adulées et les plus aimées. La grande famille du football est sans doute l’une des plus touchées par cette disparition, tant la contribution de Nelson Mandela au beau jeu fut importante.
Durant les préparatifs pour la première Coupe du Monde de la FIFA™ organisée sur le sol africain, l’ancien dirigeant s’était lié d’amitié avec Joseph S. Blatter. Le Président de la FIFA conserve de nombreux souvenirs de ce grand homme, dont le message de paix et de réconciliation a rassemblé un pays divisé pendant des décennies. »
« C’est avec un profond chagrin que je dis adieu à une personnalité extraordinaire, probablement l’un des plus grands humanistes de son temps, et un ami sincère : Nelson Rolihlahla Mandela », s’est ému le Président Blatter. « Avec Nelson Mandela, j’ai partagé la profonde conviction du pouvoir extraordinaire du football, un sport capable d’unir les êtres humains de manière pacifique et amicale, et de promouvoir les valeurs fondamentales sociales et d’éducation comme une école de la vie. Lorsque Nelson Mandela a été accueilli et acclamé par le public le 11 juillet 2010 au stade Soccer City de Johannesburg comme un homme du peuple et un homme de cœur, ce fut l’un des moments les plus émouvants de ma vie. Pour lui, ‘un rêve devenait réalité’ grâce à cette Coupe du Monde en Afrique du Sud. Nelson Mandela restera pour toujours dans nos cœurs. Les souvenirs de son incommensurable combat contre l’oppression, son incroyable charisme et son attitude résolument positive seront en nous et avec nous. »
Tandis que le monde célèbre la mémoire de Mandela, les amateurs de football se remémoreront avec un sourire affectueux le moment où cette icône de la culture mondiale a tenu dans ses mains le trophée le plus convoité de la planète football. En mai 2004 à Zurich, quelques minutes après l’annonce du nom de l’Afrique du Sud comme organisatrice de la Coupe du Monde de la FIFA 2010, Nelson Mandela se dirige vers la scène, visiblement ému. Spontanément, la légende vivante soulève la prestigieuse statuette dorée, le visage radieux… et irrigué d’une petite larme. Pour celui qui a œuvré inlassablement afin que son pays obtienne le droit d’organiser le plus grand événement du football mondial, le moment est grandiose.
Un symbole
Madiba, son nom de clan, comme on le surnommait affectueusement, symbolisait à lui seul l’espoir, la paix, le pardon et la réconciliation, bien au-delà des questions de races, de couleurs, de religions et de nationalités. La veille du vote à Zurich, Madiba avait déclaré devant les délégués et les 24 membres du Comité Exécutif de la FIFA que si l’Afrique du Sud se voyait confier l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA, ce serait comme un « rêve qui se réaliserait » pour lui et pour tous les enfants d’Afrique.
Venant d’un homme qui, pour son pays, a passé presque trois décennies en prison, ces paroles avaient du poids. « Quand nous étions à Robben Island, les seuls échos de la Coupe du Monde que nous avions étaient ceux de la radio. Le football était comme une éclaircie dans la vie des prisonniers. Grâce au football, nous pouvons célébrer l’humanité de la pointe australe du continent africain et partager cela avec le reste du monde », avait ajouté Madiba.
Pour comprendre la signification et la profondeur de ces mots, il est nécessaire de retracer le chemin parcouru par Madiba. Les images d’un Mandela âgé et grisonnant sortant de la célèbre prison Victor Verster Prison après quasiment trois décennies d’incarcération ont fait le tour du monde. « Amandla » – le pouvoir au peuple – avait alors crié le détenu fraîchement libéré. Jusque-là, Mandela était le nom d’un homme emprisonné, qu’on n’avait plus vu depuis 27 ans. Ce sont précisément ces décennies de labeur manuel quotidien dans les carrières de Robben Island, ainsi que les nuits solitaires en cellule, qui ont contribué à façonner la vision de Mandela. À sa sortie de prison, il s’est attelé à un chantier titanesque : reconstruire un pays dévasté par l’apartheid et prêcher la paix plutôt que la guerre, la réconciliation plutôt que la vengeance.
Une mission pour la vie
Nelson Rholihlahla Mandela est né le 18 juillet 1918 dans le village de Mvezo, près de Mthatha, dans la province du Cap-Oriental. Il a passé son enfance à Qunu, autre bourgade des environs de Mthatha, dans l’ancien bantoustan du Transkei. En grandissant sous le régime répressif de l’apartheid, Mandela a rapidement pris conscience que sa vie serait consacrée à l’émancipation de son peuple, qui devait sortir de cette oppression. Diplômé en droit, il n’a pas tardé à organiser des rassemblements de masse dans le cadre de la campagne de défiance, qui compte parmi les premières initiatives non-violentes pour protester contre les lois ségrégationnistes.
Mandela a fini par attirer l’attention du gouvernement en place. Arrêté en 1962, il a effectué un premier séjour de cinq ans sur Robben Island, où il passera plus d’un quart de siècle. Pendant sa détention, Mandela et plusieurs de ses compagnons de lutte ont été accusés de sabotage contre l’État, crime passible de la peine de mort. La pression internationale et les manifestations organisées dans le monde entier ont permis à Mandela et aux autres accusés d’éviter la peine capitale. Au lieu de quoi, les jugent les ont condamné à la réclusion à perpétuité dans les conditions spartiates de Robben Island. Située à quelques kilomètres au large du Cap, cette petite île de l’Atlantique était à l’époque réservée à l’incarcération des soi-disant « opposants à l’État ».
Pour se protéger des vents glaciaux, Mandela ne disposait en tout et pour tout que d’une mince couverture et d’un vieux matelas posé à même le ciment. « Robben Island était sans aucun doute la prison la plus dure et la plus impitoyable du système pénitentiaire sud-africain, non seulement pour les prisonniers, mais également pour les gardiens. Nous avons réalisé que notre vie allait inéluctablement devenir un calvaire. C’est au cours de ces années longues et solitaires que ma soif de liberté pour mon peuple s’est transformée en une soif de liberté pour tous, Noirs et Blancs. Il est devenu clair pour moi que l’opprimé devait être libéré au même titre que son oppresseur. Un homme qui prive un autre homme de sa liberté devient lui-même prisonnier de la haine. Il s’enferme derrière les barreaux du préjugé et de l’étroitesse d’esprit », écrivait Mandela dans son autobiographie, Un long chemin vers la liberté.
Unité et réconciliation
Sous la pression internationale et par l’isolement sportif – la FIFA avait notamment exclu l’Afrique du Sud -, le gouvernement d’apartheid s’est retrouvé dans l’obligation d’introduire des changements. Le 2 février 1990, le président sud-africain Frederick W. de Klerk a fait la une des journaux du monde entier en annonçant la libération imminente de Mandela, après 27 ans d’incarcération. Quelques jours plus tard, le 11 février, un Mandela grisonnant quittait la prison Victor Verster. Lors de sa première conférence de presse, il s’est immédiatement fait l’avocat de l’unité de son pays et de la réconciliation de tous les Sud-Africains, seul processus capable selon lui de guérir les blessures physiques et psychologiques infligées par le régime d’apartheid.
Quatre ans plus tard, Mandela devenait le premier président démocratiquement élu de l’Afrique du Sud. Au terme de son premier mandat, il a annoncé son désir de se retirer de la vie politique pour prendre sa retraite. Mais au lieu de couler des jours paisibles dans son village de Qunu, Madiba a continué à œuvrer pour améliorer le quotidien de tous ses concitoyens. C’est dans cette action que s’inscrivent ses efforts fructueux pour faire venir la Coupe du Monde de la FIFA dans la nation arc-en-ciel.
Le moment tant attendu est finalement arrivé. Malgré le décès tragique de son arrière-petite-fille la veille du match d’ouverture, Nelson Mandela, alors âgé de 92 ans, a tenu la place qui lui revenait dans cet événement historique. L’un des épisodes les plus émouvants de cette première édition africaine de l’épreuve suprême s’est déroulé juste avant la finale, lorsque les spectateurs du stade Soccer City de Johannesburg ont réservé une immense ovation à l’ancien président. Il n’était que justice que Mandela, qui avait tant œuvré pour amener la Coupe du Monde de la FIFA™ en Afrique du Sud, se retrouve au centre de toutes les attentions à cet instant précis. Alors que le monde rend un dernier hommage à cette figure historique, la famille du football peut se retourner avec reconnaissance sur le formidable héritage que lui laisse Madiba