« Les morts ne sont pas morts ! » Voilà une phrase, paradoxale, si chère à l’écrivain sénégalais Birago Diop. Dans nos esprits de petits lycéens de la fin des années 80, « Les contes d’Amadou Koumba », était l’illustration parfaite même de cette croyance, africaine, qui soutient, mordicus, que « les morts ne sont pas morts ».
Africain dans l’âme, Birago Diop soutenait que « les morts ne sont jamais sous terre. Ceux qui sont morts ne sont jamais partis. Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire. Et dans l’ombre qui s’épaissit. Les morts ne sont pas sous la terre. Ils sont dans l’arbre qui frémit. Ils sont dans le bois qui gémit. Ils sont dans l’eau qui coule. Ils sont dans le rocher qui geint, etc. ». Décryptage : les morts qui nous précèdent dans l’au-delà ne sont pas morts. Leurs œuvres sont pérennisés par leurs descendants.
Le 26 juin 2006, le Cameroun et le monde entier tout entier, s’était arrêté, pour écraser une larme à l’honneur d’un vaillant guerrier tombé sur le champ de bataille. De mémoire de camerounais, je ne me souviens pas avoir déjà vu des obsèques qui ont suscité tant d’émotions, et de stupeur. Toute la République s’était arrêtée pour accompagner le grand Marco à sa demeure. Le Président Paul Biya, réputé pour envoyer des « représentants personnelles » le représenter aux obsèques de grandes personnalités au Cameroun, s’était déplacé, en personne, pour s’incliner sur la dépouille de Marc Vivien Foé à la cathédrale Notre Dame des Victoires de Yaoundé. C’était un « grand deuil », comme on dit chez nous au pays !
Trois milliards de francs CFA…
Je me souviens de la constellation des promesses qui tombaient en avalanche sur la veuve Foé et toute sa famille. Les instances faitières Fecafoot, Caf, Fifa et certaines fédérations nationales européennes de football avaient juré, la main sur le cœur, de poursuivre l’œuvre si cher à Marco : la finition de l’immense complexe sportif dont le chantier commençait à pousser à Mkomo-Okoui, une bourgade de Yaoundé. Un gigantesque complexe sportif qui devrait coûter, à en croire Jean Claude Mbida Mbida, le coordonateur de la Fondation Marc Vivien Foé, la rondelette somme de 4 618 000 000 Fcfa. Selon la même source, les Coûts des équipements acquis par Marc Vivien Foé (disponibles) sont de : 800 000 000 Fcfa. Coûts des constructions réalisées : 780 000 000 Fcfa. Coût de l’acquisition des terrains : 100 000 000 Fcfa. Total : 1 680 000 000 Fcfa. Le montant des travaux qui reste à réaliser s’évalue à environ : 2 938 000 000 Fcfa. Quatre ans plus tard, « Les travaux sont arrêtés ! » lance Jean-Claude Mbida Mbida, le coordonnateur général de la Fondation Foé. Depuis le 23 juin 2003, le temps a suspendu son envol sur ce projet cher, très cher à Foé. Pour sécuriser les lieux, les parents de l’ex ‘’tour de contrôle’’ de l’Olympique Lyonnais (Ligue 1 française) ont entrepris les travaux de construction d’une clôture qui, malheureusement, s’est effondrée sur près de 270 m, laissant ainsi libre cours au vol des biens et matériels de toutes sortes. Pas une pierre ne s’est ajoutée au chantier abandonné devenu comme un château hanté. En ruine. Selon Jean Claude Messi, « le ministre des sports et de l’éducation physique [Philippe Mbarga Mboa, ndlr] avait dépêché l’année dernière (2006) une équipe de techniciens pour évaluer ce qui a déjà était fait et ce qui reste à faire ».
Voilà le triste sort réservé à ce géant qui a servi le Cameroun jusqu’à son dernier souffle. Je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie en rappelant ces images choquantes de Foé s’écroulant en mondo-vision au milieu de terrain du stade de Gerland. Par contre, je voudrais rappeler que le Cameroun a raté, une fois de plus, l’occasion d’entrer par la grande porte de l’histoire. Surtout dans un Etat où le crucial problème des infrastructures sportives fait des gorges chaudes au quotidien.
Au pays des Lions, les morts sont morts !
Pour éviter que le n°17 des Lions indomptables ne sombre dans l’oubli, Veuve Foé Marie Louise et la famille du défunt font des pieds et des mains pour organiser un événement. La fondation Marc Vivien Foé, très attachée au chiffre 17, a annoncé le dimanche le 17 juin dernier, l’organisation d’un tournoi regroupant 17 clubs des plus de 17 ans des quartiers de Yaoundé. Ce tournoi qui entre dans le cadre de la semaine du souvenir prendra fin le 26 juillet 2007. Je voudrais également tirer un coup de chapeau à Grégory Coupet, Thierry Henri (des ex co-équipiers de Marco) qui apportent leur modeste contribution à l’éducation des deux enfants de Foé. Veuve Marie Louise, elle-même, avoue recevoir de la FIFA (3000 francs suisses) et la Caf (1500 dollars) une pension alimentaire tous les mois aux enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent 18 ans. Scott, l’aîné, aura 12 ans en août prochain. On s’incline aussi bien bas devant la fédération anglaise de football. On salue aussi ses co-équipiers tels que Eto’o, Olembe, Mboma, Wome, Ndo qui soutiennent aussi la veuve. Dans cette liste de bienfaiteurs, on ne retrouve aucune trace de la Fécafoot, de l’Etat du Cameroun encore moins de la fédération française de football.
Quatre plus tard, je me souviens de toutes ces larmes (de crocodiles) que le Cameroun entier avait versé pour pleurer ce grand, calme, doux, aimable, respectueux « Lion au cœur de Lion ». Quatre plus tard, l’oubli étend, progressivement, son voile sur le complexe sportif Marc Vivien Foé. Abandonné. Passés les flon-flons et les fastes commémoratifs de « la semaine du souvenir », on rangera tranquillement, Marco dans un coin de notre mémoire. En attendant le 26 juin 2008. Pendant ce temps, son œuvre va à vau-l’eau. L’écrivain Birago Diop, où qu’il se trouve, doit être bien embarrassé au regard du cas Foé. Car au pays des Lions indomptables, les morts sont morts. Après, plus rien ! Mille dommages !!!
Belapélé, à Douala