Le Cameroun voyait en l’éclosion de Lucien Mettomo la continuité d’excellence de l’axe défensif central des Lions Indomptables au début des années 2000. Raymond Kalla commençait à montrer des signes de fatigue notamment dus à des blessures récurrentes. Rigobert Song demeurait une valeur sûre et avait besoin d’un alter égo de confiance. La jeunesse de Mettomo, sa qualité balle au pied, sa capacité, malgré son rôle hyper défensif, de marquer des buts étaient des atouts indéniables.
Mais qu’importe le talent, tout joueur doit aussi avoir un brin de chance pour rester loin des blessures et ce fut le tendon d’Achille de Mettomo. Des blessures à répétition ont écourté sa carrière qui l’avait, en peu de temps, transporté en Angleterre.
Onze Mondial lui a accordé une interview qui parle de son passage à Saint-Étienne.
Vous arrivez à Saint-Etienne en 1996 quittant votre Cameroun natal. N’était-ce pas dur de tout quitter aussi jeune ?
En effet, j’étais jeune et c’était la première fois que je quittais mes parents. Il y avait une forme d’insouciance, en réalité. Je partais pour découvrir quelque chose. Il faut dire que je ne partais pas directement pour Saint-Étienne. Je suis parti pour un tournoi à Paris et des émissaires de l’ASSE et d’autres clubs étaient là. Ils m’ont tout simplement invité à faire une semaine de test à Saint-Étienne. J’avais bénéficié du fait que j’avais déjà de la famille sur Paris notamment mon frère aîné qui y vivait depuis 13 ans. Donc il était là, il m’a accompagné à Saint-Étienne où j’ai reçu un accueil exceptionnel parce que tout de suite, j’ai été reçu par François Blaquart, Roger Chassang, et j’ai fait un test qui a été concluant. J’ai intégré le centre de formation. C’est vraiment un club familial et je vois qu’aujourd’hui il continue à maintenir cet état d’esprit là et c’est génial.
Vous parliez précédemment de votre grand frère. Il a eu une grande importance dans votre carrière ?
Oui, car pour quelqu’un comme moi qui faisait le grand saut, si je n’avais pas eu de repères, de gens autour de moi, ça aurait été compliqué. Mais au centre de formation, j’ai fait des rencontres exceptionnelles comme Willy Sagnol, Zoumana Camara, Julien Sablé, Pape Sarr ou encore Jérémie Janot par la suite. Avec ces gars-là on a formé quelque chose de bien. C’était un mix et ces gens avaient la culture de la famille.
C’est important de se sentir très vite intégré ?
Absolument, il est important d’avoir un bon climat. D’ailleurs, aujourd’hui, nous avons gardé contact, nous entretenons encore les uns, les autres, des relations cordiales. Le lien est resté.
Vous arrivez dans un club décimé qui vient de redescendre en D2 et proche du dépôt de bilan.
N’était-ce pas risqué ? Avez-vous ressenti une certaine appréhension ?
Personnellement, le choix de Saint-Étienne s’est imposé à moi. C’est le club de cœur de beaucoup de personnes, notamment de mes aînés. Ils rêvaient de Saint-Etienne du temps de ses grands joueurs. Cependant, à titre personnel, quand j’arrive et que le club descend et a des soucis financiers, je ne suis pas inquiet. Mon frère et toute ma famille étaient émerveillés car des joueurs camerounais célèbres comme Roger Milla ont porté ce maillot. Nous à notre niveau, au centre de formation, on rêvait juste de passer en professionnel et de rendre au club la confiance qu’il nous avait donnée.
Paradoxalement, c’était peut-être une bonne chose pour vous, le club a dû miser sur les jeunes à cette époque ?
Absolument. Et cela a continué comme ça lorsque le club a été repris par des actionnaires. Ils ont fait confiance aux jeunes, au centre de formation et je pense que j’ai été l’un de ceux choisis pour intégrer l’équipe première et j’ai mis beaucoup de détermination, beaucoup d’envie de montrer que ces gens avaient eu raison.
Après deux saisons galères où vous finissez à la 17e place de D2, vient cette fameuse saison 1998-1999 où vous êtes l’un des fers de lance de cette montée…
Il y avait entre-temps eu l’arrivée d’un nouvel actionnaire, un nouveau staff sportif. Il y avait un mix entre jeunesse et joueurs d’expérience et ça a bien pris. Et puis, il ne faut pas oublier le soutien du public. Vous savez, quand on est dans le cœur des supporters stéphanois et qu’ils sentent qu’on est investi, c’est tout simplement génial. On a fait des performances extraordinaires. Le public est tout simplement exceptionnel, je souhaite à tout footballeur de vivre ça. J’en ai encore la chair de poule à vous en parler aujourd’hui.
Sur un plan collectif, c’est une réussite, mais encore plus sur le plan personnel. Vous n’inscrivez pas moins de 7 buts en Division 2 terminant même deuxième meilleur buteur du championnat. D’où vous est venu ce goût pour le but ?
C’est quelque chose que je n’arrive toujours pas à expliquer en réalité. Je pense que Robert Nouzaret, qui était entraîneur à cette époque-là, nous donnait toujours l’envie d’aller vers l’avant. Il avait mis en place sur les coups de pied arrêtés ou d’autres phases de jeu bien précises, la possibilité que je me projette vers l’avant. Et ça a bien marché. Je ne sais pas si je suis dans l’histoire mais je pense qu’un défenseur qui finit deuxième meilleur buteur, ce n’est pas courant (rires).
Quand on parle de but de Lucien Mettomo, qui ne souvient pas de celui inscrit en 1999 contre le Red Star au Stade de France. Pouvez-vous nous le raconter ?
Celui-là, c’est le summum, c’est génial. Je n’ai toujours pas de mots. Je crois que je prends le ballon à l’arrière et je le remonte comme on préparait souvent à l’entraînement. Il y avait une technique qui était mise en place. Quand j’avais le ballon, Pape Sarr venait vers moi, il s’écartait pour faire venir son joueur et c’est ce que j’ai fait. J’ai pris appui sur Pape Sarr qui avait remis le ballon à Julien Sablé. Ce dernier fait un centre et je crois que c’est Pape Sarr encore ou Nestor Subiat qui se retrouve à la chute et moi je suis avancé, je vois le ballon revenir et je me dis : « Tu tentes, soit ça va dans les nuages soit dans le cadre ». Je reprends le ballon et quand je le vois partir, dès que le ballon quitte mon pied, je peux te garantir que je sais qu’il va rentrer. Et puis c’est un but magnifique dans un stade magnifique avec un public magnifique, c’est ça Les Verts. Que dire de plus ? Je me suis fait ma petite soirée de star (rires).
Vous avez côtoyé Jean-Guy Wallemme qui a eu une grande importance dans votre carrière ?
J’ai eu la chance de côtoyer des garçons comme Jean-Guy Wallemme, Kader Ferhaoui, Gilles Leclerc, Jérôme Alonzo, Romarin Billong et j’en passe, mais Jean-Guy m’a apporté en peu de matchs ce que j’aurais appris en dix ans de carrière. N’hésitez pas à vous abreuver de conseils. Moi, je ne cesse de le remercier. C’était la fusion parce que même avant les matchs, il m’expliquait des choses, me donnait des infos sur les joueurs. C’est ça qui m’a permis de vite apprendre et d’accumuler de l’expérience. Il ne cessait de me replacer, d’aller dans les détails, j’étais émerveillé.
Après cinq ans et demi passés à Saint-Etienne, vous quittez donc les Verts en 2002. N’était-ce pas un déchirement ?
Ce n’était pas un déchirement. C’était un acte qui n’était pas accompli, une histoire mal terminée parce que je pars dans des conditions où l’on dit qu’on veut sauver le club qui a des problèmes financiers. Je sors d’une blessure. On ne sait plus vraiment comment ça se passe à la tête de l’équipe. Des cadres du vestiaire commencent chaque semaine à partir comme Jérôme Alonzo et Pape Sarr, qui s’en vont à Paris et à Lens. Une histoire incompréhensible pour le jeune joueur que j’étais. Je me suis retrouvé embarqué là-dedans et je suis parti avec un pincement au cœur. Mais mon vrai club de cœur reste tout de même les Verts.
Vous vouliez rester, on vous a gentiment indiqué la porte de sortie ?
Absolument. Moi, je ne me voyais pas partir parce que déjà je revenais de blessure et j’avais été promu capitaine. Je me devais d’aller jusqu’au bout. Il y a eu malheureusement comme c’est souvent le cas aujourd’hui, le fait que le financier ait primé sur le sportif.
Pourtant vous aviez été fidèle lors de l’été 1999 où plusieurs clubs plus huppés de Division 1 s’intéressaient à vous…
Oui, même si je n’ai jamais manifesté la volonté de partir dans l’absolu. Malheureusement, ces histoires se finissent comme ça. Mais comme je le dis, j’aime ce club, je l’aimerai toujours et quand je viens en France, j’essaie toujours d’y passer. Je suis toujours l’actualité du club.
Vous continuez donc toujours à suivre l’ASSE. Avez-vous cependant gardé des contacts notamment avec la direction actuelle ?
Non, davantage avec les anciens joueurs. Comme je le disais, on se parle toujours. J’ai de temps à autre des contacts avec le président Romeyer qui est une des personnalités de l’ancienne équipe, qui a toujours été là. Sinon, le contact que j’ai gardé ce sont avec les anciens joueurs, on se parle beaucoup, on se remémore les bons moments. On regarde le club et on suit son actualité. La preuve, et vous me donnez la chance d’adresser mes condoléances à la famille de Robert Herbin qui est parti, ça nous a tous chagrinés.
Vous l’avez côtoyé ?
Pas personnellement. Mais je peux vous raconter une anecdote. Il venait voir les entraînements. Et je disais : « C’est qui ce monsieur ? ». Et tout le monde me répétait : « Mais enfin, c’est Robert Herbin ». Et c’est lui qui a donné mon nom au nouveau staff, alors que je jouais en réserve, en disant que je pouvais aider l’équipe première. Il suivait les joueurs de la réserve, et il a donné mon nom. Je l’ai toujours remercié pour cela. Il était d’une humilité sans pareil. Vous ne l’auriez jamais vu donner son avis en public. Il regardait, il repartait, te glissait juste un petit mot. C’est au fil du temps que j’ai appris la légende qu’il était à Saint-Étienne.
Que pensez-vous de la situation actuelle du club ?
Ce n’est pas terrible depuis un certain temps. Mais je pense que c’est dû aux soucis financiers et surtout à l’instabilité sur les bancs. Je suis toujours partisan d’avoir sur le banc de touche un entraîneur qui a du temps pour monter un projet. Je pense que l’instabilité ne peut pas amener de résultats positifs. Saint-Étienne est malheureusement dans ce cas-là. On se demande si chaque année le club ne va pas être vendu, est-ce que le coach sera toujours le même. L’année dernière, le coach Gasset part, on ne sait pas trop pourquoi, Puel arrive, il y a des problèmes avec Ruffier, plein de petites choses comme ça. J’espère que le club va se redresser financièrement et qu’ensuite l’entraîneur sera là pour une longue durée et que dans deux-trois ans, l’équipe sera là où elle mérite d’être.